C’était en notre monde une si longue attente
Des siècles et des siècles
à n’en plus finir
Pour l’homme et la femme
une interminable marche dans le désert
en quelle nuit obscure
veuve d’étoile
Nulle oasis vraiment
hors çà et là quelques flaques d’eaux croupies
qui n’étanchaient la soif
Pas d’horizon
Les dunes succédaient aux dunes
les vents de sable fouettaient les faces jusqu’au sang
jusqu’à l’âme
les heures s’écoulaient vides vaines
sur ce grain de poussière perdu dans l’espace
Chaînes aux pieds
les forçats avançaient en aveugles
au hasard
vers la fosse commune
Et soudain une vierge enfanta la lumière
En un village ignoré
une nuit parmi des milliards de nuits
sur une brassée de paille
près d’un âne et d’un bœuf
naquit l’enfant espéré contre toute espérance
Là au fond d’une étable
pauvre entre les pauvres
vagissant et pleurant mais auréolé de prières
l’amour prit corps
L’amour se fit chair humaine
Impensable miracle
l’éternel vint dans le temps
descendit à n’y pas croire dans la finitude
Oui la toute-puissance par pure grâce
revêtit la faiblesse d’Adam
Impossible vérité
dans une crèche méprisée des césars
le ciel rayonna
Ce fut pour nous enfin le Salut attendu
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(Tableau de Gentile da Fabriano - 1423)