LA FÊTE AU GEL.
Le gel
parole précieuse
assomme la prairie
seules des traces invisibles
reniflées par le chien
rappellent le gibier frileusement replié
dans quelque discrète tanière
tapie au fond des bois squelettiques
sur la terre meuble des champs
devenue roche acérée
les pas attaquent
font mal
le nez émet un constant
lent ruissellement tiède et salé
les oreilles piquent à souhait
les mains repliées sous les gants
aux confins de poches profondes
s’interrogent en vain sur l’utilité
de toutes ces agressions peu coutumières
mais le chien
à la queue rapide tourbillon euphorique
éprouve un réel plaisir
à saillir cet espace déserté de tout
et bondissant de maigre touffe
en maigre touffe
glissant sur les mares figées
flairant toujours
revenant en arrière
puis s’élançant à nouveau
s’exalte
de la frétillante chorégraphie canine
qu’il crée pour nos plaisirs jumeaux
d’une candeur incertaine
basse sur l’horizon
un soleil suspect remodèle l’horizon
lui offrant des aspects singuliers
riches en symboles
personnalisables à profusion
en souvenirs pas toujours authentiques
mais bienvenus
qui immanquablement
reconduisent
aux rêveries feutrées de l’enfance
comme un doux fumet
dispersé dans la forêt
guide le pèlerin égaré par la brume
vers l’apaisant réconfort
d’un feu ouvert bienveillant
serti d’une soupe compacte régénératrice
et lorsque l’après-midi s’épaissit
que la marche devient plus confuse
du fond de ce gel
dix mille siècles se confient
oui
quand le sable glisse en chantant
sur le verglas des chemins défoncés
des voix essoufflées nous convient
à partager leurs secrets
alors quelle joie
une fois rentrés à la maison
que de les retranscrire
afin que plus jamais elles ne se perdent…