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L'hiver terrible

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3 réponses à ce sujet

#1 Jped

Jped

    Tlpsien +++

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  • Une phrase ::Le voyage immobile après une vie de voyage

Posté 13 février 2025 - 02:54

 

 

 

 

 

 

 

 

A coup sûr,  ça a été   l'un des   pires   hivers,  le plus  froid  de   notre  enfance .

 

Un matin

de cet  hiver-là,  alors que nous étions encore  au chaud  sous  nos  édredons,

Fernand  - un des fils des Lanty, la ferme la plus proche -  nous avait apporté

un  corbeau   transi,  famélique,   incapable   du   moindre   battement   d'ailes,

aussi inerte qu'une statue, comme d'ailleurs ses frères  que nous apercevions

depuis nos fenêtres,  épars sur les champs  couverts   d'une  épaisse  couche

de neige,   tout droit sortis  d'un   tableau de   Bosch ou   de  Bruegel   l'Ancien


maintenan,

il  était   là,  hiératique,   indifférent  à nos  caresses,   hésitantes   sans  doute,

car le corbeau nous inspirait une compassion mêlée de crainte : en effet, alors,

dans   les  campagnes,  on le clouait   encore  sur les portes  des granges,  ou

on l'accrochait   au bout d'une perche  en plein champ,  épouvantail   pitoyable,

pour effrayer ses  congénères,  maudit   depuis la nuit des temps,   oiseau noir

de mauvais augure, funeste, honni des paysans dont il dévastait les semailles

et dévorait les récoltes

                               nous, nous dénichions ses oeufs au haut des grands

arbres, précieux butin  que nous descendions, tout chauds, dans notre bouche.

                                                                         .   .   .   .   .   .   .

le corbeau disparut le soir-même, comme il était venu,sans aucune explication

de la part de nos parents. Je pense aujourd'hui   que le passage du froid glacial

à la chaleur de notre chambre l'avait tué, à l'image de ces déportés, faméliques

eux  aussi,  qui, se jetant sur les rations  des soldats  qui les avaient libérés,  ou

de  ces  hommes harcelés  par  la soif  dans le désert,  à qui on donnait  à boire,

                                                                              et qui, les uns et les autres, en mouraient,

                                                                      
comme si un bonheur trop soudain du corps et de l'"âme"
                  
                 
                                                                                                        était insupportable aux dieux

 



#2 M. de Saint-Michel

M. de Saint-Michel

    Tlpsien +++

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  • Une phrase ::Je suis quelqu'un pour qui poésie et respiration ne font qu'un.

Posté 14 février 2025 - 01:07

Un poème dont le pittoresque débouche sur une interrogation philosophique…



#3 Emrys

Emrys

    Médérick

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  • Une phrase ::Emrys est un de mes trois prénoms
    Médérick est mon prénom le plus utilisé

Posté 14 février 2025 - 02:22

...."comme si un bonheur trop soudain du corps et de l'"âme"    était insupportable aux dieux".

 

Je ne sais pas pourquoi cela me ramène au Sein lassen de Heidegger



#4 patricia moles

patricia moles

    Patricia mo!es-Herreman

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  • 2 800 messages

Posté 14 février 2025 - 04:54

            Bonjour Jped,

 

            Votre poème est saisissant, on caresse l'oiseau avec vous.....

 

             Nous avions recueilli une chouette qui avait une patte cassée. Ce sont des oiseaux chasseurs qui mangent des proies animales.

 

            Les boulettes de viande que nous lui donnions restaient sans qu'elle en mange.

 

            Elle est morte le lendemain.

 

             Peut-être qu'après une vie trop rude, le confort tue ....  

 

            Amicalement,

 

             Patricia.