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sakkat

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BAGATELLES POUR UNE IDEÉ

06 août 2008 - 01:24

à Kevani Wansale

« Est-il plus méritoire de chercher des hommes pour accomplir des travaux que de chercher du travail pour accomplir l'homme ? » Scutenaire

de mouillon.anthony(@)gmail.com à contact(@)ducdanjou.com,
le 15 févr. 2008 [augmenté en juillet puisque resté sans réponse]
objet : à l’attention du prince Charles-Philippe d'Orléans


Prince,

Comme vous, je suis de ceux qui pensent que, avant d’avoir des droits, l’Homme a des devoirs. J’ai même fait de cette maxime la partition de ma vie car, ayant parfaitement le droit de me prostituer, de travailler ; le sacré, le devoir d’ennoblir l’humanité – en commençant par moi-même – requiert cependant toute mon attention et tous mes actes. Ne croyez-pas que la clé de sol de cette partition s’appelle Paresse. Elle s’appelle Royauté. Le arbeit macht frei à la mode en 40 ou le travaillez plus pour gagner plus à la mode aujourd'hui me laisse assez froid, je m’attriste cependant de constater que le portrait du vieux maréchal trône encore dans 60 millions de logis, car il est notoire qu’aujourd’hui la liberté c’est gagnez plus. Mais même si les français sont des veaux, comme le disait le général qu’on ne présente plus, ce bétail ne bénéfice de ma haine que relativement, car il est des temps où l’on ne doit dépenser la haine qu’avec économie, à cause du grand nombre de nécessiteux, et ces nécessiteux sont en sureffectif à TF1, par exemple – je sais que vous êtes un homme au cœur aurifère, un homme de pardon ; mais vous comprendrez toutefois qu’il soit plus facile aux hommes comme vous de pardonner, prince, car le temps que vous passez justement à pardonner je le passe à faire la vaisselle, nettoyer ma niche, traîner mon corps dans les hypermarchés Leclerc (pour remettre des pack d'eau la journée durant où pour y assouvir mes besoins animaux), et toute autre activité où le Soi profond sommeille et sûrement cauchemarde. – Ne croyez pas que mon mépris pour le travail soit de forme « gauchiste », il est de forme « aristocratique ». Je suis de ceux, peut-être comme vous d'ailleurs, qui en matière d'art pensent que la société est le poème suprême. Le particulier ne peut pas se réaliser seul (la bourgeoisie post-68hard peut mettre autant de godemichet qu’elle veut sur le marché, ça ne changera rien). Donc, pas de liberté réelle dans une nation où il resterait un seul ilote. Voyez, prince, mon refus du travail salarié est un sentiment de surpatriotisme. Quelle ne fut ma stupéfaction quand j’ai pu lire sur votre blog (je fus également surpris que vous possédiez un blog, croyant que ce média était réservé aux esclaves, aux laquais et aux bourgeois comme M. M.-E. Leclerc qui ont coupé la tête des vôtres un sombre jour de 1789) une attaque à l’encontre de l’individualisme, individualisme que je considère personnellement comme le dernier espoir de salut des hordes de bipèdes peuplant la planète appelée Terre. Vous devez le confondre avec l’égoïsme, prince, avec ce qu’on appelle communément, mais certes de nos jours avec timidité et énormément de retenu, le capitalisme. Je me vois donc contraint de vous faire une leçon, en vous prévenant toutefois que, comme mon phrère Alexis Gauthier, je considère comme responsable de mon état mental lamentable tous les gens que j'ai croisé depuis l'âge de 5 ans. Je tiens à préciser enfin que je me fous des identitaires hérétiques mécontents de voir tant de bougnoules et de nègres sur le sol français alors qu'il y a un McDonald tout les cinquante kilomètres (voire moins) ; j'avoue que m'amuse l'anti-impérialisme vulgaire des gens comme Kemi Seba qui veulent et auront bientôt le droit, je l'espère de tout mon cœur, d'être enfin exploités et enculés par des capitalistes noirs ; et j'emmerde également les Fanatiques de la Fatalité « Matérielle » (moi, j’admire les hommes : les orties leur rongent les mains, et ils acceptent cela comme une fatalité. Maurice Henry), et les législateurs de leur clan : de même que les législateurs grecs avaient pour coutume de consulter l'oracle avant d'entreprendre leurs œuvres réformatrices, de même les législateurs modernes et contemporains ont pour coutume de consulter « économie » pour entreprendre leurs réformes ; pis, les réformes dépendent même, paraît-il, de « économie ». Que de progrès n'est-ce-pas ? Et au-delà, rien, que dalle, tchi, nada ; alors que les grecs avaient au moins la guerre. L'espace public est un cimetière remplis de cénotaphes que les économistes gardent, sac de riz à la main, mitraillette à l'épaule. C'est dit.

Tous les individualistes sont des êtres humains, mais tous les êtres humains ne sont hélas pas forcément des individualistes. L’individualisme, c’est la croyance en l'individu en général, qui est Dieu, monothéisme, individu universel, créateur. La pratique individualiste est donc, de ce fait, de reconnaître et être reconnu comme individu, pratiquement donc théoriquement, c'est à dire être reconnu comme quelque chose de raffiné, c'est à dire qui au moins parle, à défaut de penser ; et qui parle au nom de quelque chose d'à jamais sacré, malgré les persécutions des hérétiques : de la parcelle de Dieu contenu en lui*. L’humanisme est une sorte de pierre brute, l’individualisme un diamant, une pierre épurée, quintessenciée, élégante. Aujourd'hui, devant l'humanité prostituée, devant les masses de prostituées des pays dits hautement civilisés – que les hommes de pouvoir appellent avec malice individualiste – il est temps que les pauvres, à défaut de s'approprier le monde, s'approprie au moins le mot. En matière d'individualisme, voilà où nous en sommes depuis 200 ans : les esclaves reconnaissent comme individu leurs maîtres, les conditions spirituelles d'existence les y obligent, mais ne sont pas reconnus comme individu par ceux-ci, et inversement pour les maitres ; d'où cette misère qu'on peut remarquer à tout moment dans le comportement des bipèdes (grand-père Lautréamont : J'ai vu, pendant toute ma vie, sans en excepter un seul, les hommes, aux épaules étroites, faire des actes stupides et nombreux, abrutir leurs semblables, et pervertir les âmes par tous les moyens... Je les ai vus aussi rougissant, pâlissant de honte pour leur conduite sur cette terre ; rarement). On peut donc remarquer que quand l’individualisme perd sa permanence dans l’individu, la bourgeoisie naît, et on coupe la tête des Rois. Parce que l’individualisme c’est reconnaître et être reconnu comme individu, pratiquement donc théoriquement, et pour la bourgeoisie, il n’y a pas d’individu, il n’y a pas de Roi, mais des hommes, la pierre brute humaine, du bétail, de la ressource humaine ; et ceci toujours pratiquement donc théoriquement, malgré les prétentions de cette bourgeoisie qui se manifestent dans son expression générale, le Droit, c'est toujours : libre dans le ciel de l'état, esclave sur la terre du commerce. Du point de vue de l’individualisme, la bourgeoisie c’est la délinquance. Le bourgeois est un loup pour l'homme. Par le commerce, la bourgeoisie vandalise l'individualisme armé du Capital, qui est en quelque sorte son individualité, son soi profond. L'individualiste est le berceau d'une individualité saine. L’équilibre d’une communauté tient dans le simple adage fais aux autres ce que tu aimerais que l’on te fasse. C’est l’argument principal de la vérité sado-masochiste de la bourgeoisie. Il faut être très misanthrope pour faire du commerce. Contraindre un homme c’est se contraindre, il me semble, quand on est religieux. Si j’accepte quelque chose que je ne veux pas faire, quelque chose que je ne crois pas juste, je me nie, donc je nie mon genre (exemple ravissant : souvenez-vous du conducteur du train qui amenait les juifs où on sait ou l'ouvrier qui prend part à la fabrication de Heineken ; bref toutes activités où le soi profond sommeille, c'est à dire la quasi intégralité de la vie publique, divine, dans le monde bourgeois), je nie les autres qui, quand il ne sont pas des veaux, ne sont pas un enfer mais un paradis. Quand on est religieux, quand on aime ses semblables et qu'on est confronté quotidiennement à leur misère, la bourgeoisie est vouée à la guerre. Il y a effectivement sado-masochisme puisque l'individualité de la bourgeoisie ayant colonisée la communication, et donc la collectivité, l'individu habite ce monde et le monde habite l'individu sans qu'il ait son mot à dire. Il est muet, c'est un touriste. Touriste de partout, qui t'en ira nulle part... et chacun marche avec son mur sur les boulevards du Voisinage des Solitudes. En prenant possession de la communication, et d'une manière sado-masochiste en plus, la bourgeoisie a commis un crime de lèse-majesté, un crime contre l'individualité des individualistes, un crime contre le soi profond inaliénable (il se réfugie dans l'art. D'ailleurs ce soi profond peut très bien être aliéné, puisque la communication – et par ce fait la collectivité – l'est, sans se réfugier dans l'art mais cela donne des Richard Durn et d'autres merveilles attristantes). Puisque la bourgeoisie est maître de la communication, elle est maître de la réalité. Après la propriété privée, la réalité privée. Aujourd'hui, sans aucun ennemi, la pensée bourgeoise domine et lutte partout, le commerce domine et lutte partout, c'est elle, c'est lui, qui produit des individus dégradés, aussi dénués que possible d'intelligence, de sociabilité, et de sexualité et par conséquent vraiment indépendants les uns des autres, car elle les prive de pratiquer leur individualité, elle les prive de leur genre, elle les dégénère. Et au niveau de l'état tout est clair : dans une nation d’ilote, le commerce est le seul politicien...

Toute cette misère est-elle sans espoir ? Non : sans juger des productions artistiques, l'art, le fait artistique même est à mes yeux le Graal post-moderne car le seul endroit dans le monde où l'individualité des individualistes est réalisée, et persiste encore aujourd'hui, c'est justement dans le domaine de la parole, de l'art, puisque celui qui prend publiquement la parole s'adresse potentiellement à dieu, à l'humanité. L'artiste, bon ou mauvais, partage avec dieu. L'artiste, bon ou mauvais, fait une prière à l'humanité (les plus médiocres font cette prière à l'argent mais c'est une autre histoire). Cela peut paraître surnaturel mais la conception du partage (de l'échange) pour la bourgeoisie est plus surnaturelle puisque c'est l'argent qui se célèbre. L'individu est peu de chose, esclave, bétail, etc., puisque l'argent a absorbé toute l'humanité. Mais quand on est un individu, quand on est un roi, quand on est un religieux, bref quand on est un individualiste : l'échange n'est qu'un prétexte pour célébrer l'individu et l'individualité, le Soi profond. Le fait de l'échange tel qu'il existe dans le fait artistique doit investir la société civile et à nouveau nous vivrons dans le luxe, voilà dit en peu de mots ce que Jorn n'a pas réussi à dire (il me semble), dans son La fin de l'économie et la réalisation de l'art. Combattre la ghettoïsation de l'art serait donc combattre le monopole qu'a la bourgeoisie, le commerce, sur la communication**. Amusant : Cravan n'a pas commencé sa critique sur L'exposition des indépendants en incendiant les « travaux picturaux » mais en applaudissant la beauté du salon, vu du dehors. La pratique donc qu’atteint l’individu dans l’individualisme est le suivant : dans l’échange, l’individu se célèbre lui-même, en tant qu’individu. Quand on est un individu, quand on est un roi, quand on est un religieux : l’échange est un prétexte pour se célébrer comme individu, puissance absolu. Ainsi, celui qui reçoit n’a aucune importance. Si A se célèbre en donnant à B, B en donnant à C, et C en donnant à A, l’humanité est réalisée dans sa merveille ; et en deçà : Nous vivons dans un Larousse en désordre (Saint Marc-Edouard Nabe dans l'émission légendaire d'Apostrophe), et même Durkheim s'en mêle, du moins je viens de piller une grenade dans son arsenal : je viens d'apprendre que pour Durkheim, ce qui est luxueux ne saurait se suborner à aucune fin utile et se déploie pour le seul plaisir de se déployer. Voilà dit en peu de mots pourquoi la société bourgeoise n'est pas luxueuse, mais misérable ; tout s'y déploie non pour le plaisir mais pour l'argent, qui est un plaisir ensuite, certes, mais un bijou sur un tas de merde grand comme l'Angleterre. L'argent est l'instrument de la misanthropie, l'instauration de la guerre de tous contre tous. L'individualité des individualistes sera l'instrument de la philanthropie. L’homme créa les mots à son image. Pris séparément le mot signifie mais est pauvre. Les mots par leur subjectivité sont solidaires et font la beauté du sens de la phrase sans rien renier de leur individualité. Les mots sont individualistes ! Les hommes sont les mots qui composent la phrase qui est l’humanité, et le sens de la phrase est son organisation et tout ce qui s'y fait. Soyons indulgent avec les fascistes italiens ou les anarchistes espagnols qui voulurent énormément de sens dans la phrase.

Enfin, Jeffrey Goines, dans L'armée des 12 singes, s’exprimait ainsi : « Vous saurez à qui vous avez à faire. Mon père sera extrêmement mécontent. Et je vous préviens, quand mon père est extrêmement mécontent, la terre tremble. Oui monsieur, mon père c’est Dieu. J’adore mon père ». Le beau style ! Même si en effet il est on ne peut plus permis de ne plus croire au matérialisme historique de Marx, il n'est pas permis de ne plus croire à tout humanisme radical.

Voilà, prince, ce bref exposé pour vous réclamer, sans honte ni rire ni insolence, le versement pendant un demi-siècle de l’équivalent du RMI (une bouchée de pain pour vous, une délivrance spirituelle pour moi), pour que détaché du besoin par lequel me tient la bourgeoisie (je fais parti de la masse des impécunieux que le niveau d’étude destine à l’usine ou aux petites barres que font sur les c.v. les laides gérantes d’agence d’intérim), je puisse avoir le temps de m'amuser au projet d'élaboration d’une ville qui sera la capitale intellectuelle du monde : Oarystis. Notez qu’à une époque où toute la chienlit cultureuse va chercher les subventions à l'état bourgeois ou aux commerçants prospères, j’en appelle directement au prince. Sauvez-moi la vie. Vive le Roy !

Le vin aidant,
Château jambon-beurre,
Je vous prie d’agréer, prince, l'expression de mon respectueux souvenir.

Anthony Mouillon,
duc de Trèfle.


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* Le seul moment d'ailleurs où, de nos jours, on laisse l'esclave moderne pratiquer Dieu, c'est à dire parler en public et de chose publique, agir, c'est lorsqu'il signe en muet le contrat de travail qui le liera à une entreprise commerciale quelconque. Et propter vitam vivendi perdere causas.

** De part les siècles on voit que la poésie connaît diverses migrations. Ainsi, en 1960 Breton vieux fut ridicule face aux situationnistes (ces surréalistes radicaux), comme en 1979 Ben Vautier et sa figuration libre fut ridicule devant Jacques Mesrine. Reste à savoir où, de nos jours, la poésie a t-elle migré. Il est certain qu’elle a migré quelque-part quand on voit des choses comme le site de Sitaudis et etc. Voilà pourquoi je propose une porte de sortie.

RÉCLAME / CHATEAU JAMBON-BEURRE, numéro 1, mars 2008

13 mars 2008 - 03:20

Catherine Belleteste, Alexis de Hamilton, Maxime Girard de Mailly, Anthony Mouillon, Jacques Rigaut, Pierre Saunier, Bill Térébenthine / REVUE de RECRUTEMENT - PROPAGANDE - PSYCHOLOGIE - ARGENT - ANTI-E.LECLERCISME - AMOUR

http://pas.du.tout.f...tin/_____1.html

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