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Jean Levant

Inscrit(e) : 13 janv. 2014
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Publications sur Toute La Poésie

La bande des sept !

22 janvier 2014 - 07:16

Peut-être que vous les avez rencontrés, à l'occasion de quelque réunion plus ou moins conviviale...

 

Ils sont là : l'homme en casquette et pelisse

Aux chaussettes et pinces de cycliste

Qui présentant le dos à ses complices

Feint de lire le petit turfistes,

 

​La grosse dame qui fume la pipe

​Égérie de l'Art, vieille fille-chatte

Épandant à travers son tas de nippes 

Le boucanage du parfait pirate,

 

Le grand appuyé à la cheminée -

Blonde crinière et sourire d'athée -

Semblant tenir un carton sur le nez :

"Attention, forte personnalité !"

 

Et puis l'autre en noir de la tête aux pieds

Faux prêtre, faux frère, faux dur, faux cul

Et la petite Agnès au rire niais

Qui effeuille le vice un peu beaucoup...

 

Enfin les deux derniers font les cent pas :

Le plus jeune du lot passe et repasse

Projetant sur le front des scélérats

Comme des clous ronds ses durs yeux de glace

 

Tandis qu'on entend le vieux clopiner

En ricanant tout seul dans les couloirs.

Qui sont-ils ? sept Auteurs prêts à dîner,

Sept chiens qui attendent leur à-valoir.

 

La bande des sept !

22 janvier 2014 - 07:15

Peut-être que vous les avez rencontrés, à l'occasion de quelque réunion plus ou moins conviviale...

 

Ils sont là : l'homme en casquette et pelisse

Aux chaussettes et pinces de cycliste

Qui présentant le dos à ses complices

Feint de lire le Petit Turfiste,

 

​La grosse dame qui fume la pipe

​Égérie de l'Art, vieille fille-chatte

Épandant à travers son tas de nippes 

Le boucanage du parfait pirate,

 

Le grand appuyé à la cheminée -

Blonde crinière et sourire d'athée -

Semblant tenir un carton sur le nez :

"Attention, forte personnalité !"

 

Et puis l'autre en noir de la tête aux pieds

Faux prêtre, faux frère, faux dur, faux cul

Et la petite Agnès au rire niais

Qui effeuille le vice un peu beaucoup...

 

Enfin les deux derniers font les cent pas :

Le plus jeune du lot passe et repasse

Projetant sur le front des scélérats

Comme des clous ronds ses durs yeux de glace

 

Tandis qu'on entend le vieux clopiner

En ricanant tout seul dans les couloirs.

Qui sont-ils ? sept Auteurs prêts à dîner,

Sept chiens qui attendent leur à-valoir.

 

Nuit d'ivresse

15 janvier 2014 - 04:25

Nuit d’Ivresse

 

 

 

 

Le soir, quand l’ombre envahit le jardin aux cents terrasses,

Se fondent murmures et bribes de conversations.

La belle timide pourchassée implore la grâce

De la bête : un souffle porte l’écho de leur passion 

Plus haut, jusque vers les blanches coupoles du palais.

Le parc est public ; des amoureux rient sous la rotonde

Et des promeneuses ailées arpentent les allées

D’un bois, entre deux haies de charme où grouille tout un monde.

De virils baigneurs s’éclaboussent aux jets des fontaines,

Le bout d’un cigare ressemble à la lueur d’un lampyre :

C’est Mister Jake-Owl qui parle à la nuit et aux phalènes :

— Je crois que je viens de voir passer le premier vampire,

Dit-il, très grave. Une ombre lui répond : — C’est un moustique…

— Jamais… je n’ai entendu… de pareilles idioties,

Souffle alors plus loin la bête, d’une voix d’asthmatique.

Si c’est la peur qui vous fait inventer ces inepties,

Taisez-vous… Je vais vous dire la vérité, d’accord ?...

La vérité est que l’affreuse odeur de bigarade

A sur moi de fort vilains effets… Vous avez eu tort

De suivre les us… Vous dites que je vous rends malade ?

Et bien moi, vous me rendez complètement fou, madame !...

Mais voici les flâneuses dont le vent lève les traînes :

— Ce type a une façon de dévisager les femmes…

Heu… méditerranéenne — Méditerranéenne !?

Rugit Chloé fâchée, c’est la honte de la famille !...

— Vampire, ça n’est pas à la portée du premier venu,

Cher Jake-Owl, reprend l’inconnu dans l’ombre des charmilles,

Une silhouette géante qu’on dirait cornue.

Il faut du sang bleu, être snob, habiter un château

Sur les bords du Danube. Et surtout il faut être mort…

— Comme il considère notre sexe ! Un petit gâteau !

— Pauvre Mina, dit Lucie, ne l’as-tu pas vu encore

Loucher sur le col de Chloé en lui servant du vin ?

Il lui a dit aussi un mot ou deux, mais si bas

Que nul n’a compris : sans doute lui vantait-il son vin…

Un cru soit dit en passant digne d’un riche nabab…

Les amoureux soupirent : (lui) — Aimes-tu que je dise :

Tu es à moi ? — Oh, je suis à toi, mon agneau. Et j’aime

Que tu le dises, oui. Les mots sont comme des friandises,

Nos paroles sont les montures des baisers qu’on sème…

— Vous voulez dire non-mort ? — Excellent, mon cher Jake-Owl…

— N’empêche, cette petite a deux pétales de rose.

Je l’ai bien regardée : elle n’avait ni fards ni khôl

Et crois-moi, chérie, ces ingénues aux lèvres de rose

Ne sont chose aussi courante qu’on l’écrit dans les livres…

— Parle-moi encore. Ne dormons pas. Les nuits d’été

Sont faites pour les mots et les caresses qui enivrent…

— Chut ! Le voilà — Qui ça ? — L’homme qui nous a invités.

Tout se tait et s’arrête. Même le bestial amant

Retient son haleine, guettant le maître de la fête :

Des cornes de cerfs ornent son front — Mais c’est un géant !

S’écrie-t-on de partout — C’est donc lui, le roi, le poète !

Noces

14 janvier 2014 - 08:47

Noces

 

 

 

 

 

Qui aurait pu croire en voyant cette brousse

Ce bourg désert, ces venelles oubliées,

Ces murs ruinés, ces maisons trop silencieuses,

La flore féroce et l'oeuvre humaine en péril,

Qui aurait pu croire en voyant ce bout du monde

Qu'ici même on célébrait encore des noces?...

Devinez alors sa joie quand les cloches s'ébranlèrent

Au milieu du silence, quelle envolée fantastique!

Il accourut donc vers le parvis antique

Mais trop tard : tout ou presque était dit.

 

Une foule guindée se pressait à la sortie

Tâchant de se placer pour voir le cortège,

Des enfants harnachés comme des petits pages

Sortaient leur mouchoir sale au passage

Et singeant leurs mères, se tamponnaient l'oeil.

L'histoire n'avait pourtant rien d'une idylle,

Le ciel était peint en gris anthracite

Tandis qu'un vent frisquet pour avril

Soulevait avec vice les voiles de la mariée.

Celle−ci, frissonnante, absente ou morose

Avait une grosseur à la joue, comme une chique;

Elle devait rêver de bain turc et de massage thaï

De morphine ou de puissants narcotiques

Qui chasseraient son mal par le sommeil.

 

Mais ce ne fut pas un rêve : le ciel creva

Déversant avec retard des petits oeufs de Pâques.

Tout le monde alors se précipita aux abris

Et dans la débandade générale

Il attacha son destin aux basques de sa voisine,

Personne charmante et femme de tête

Car chose étrange à une noce : elle était en noir.

Cette dame donc − c'en était une !−

Relevant sans façon le bas de sa robe

Et attrapant son dernier né

Se mit à courir sous l'averse,

Ignorant sûrement qu'une oreille indiscrète

Se plaisait à écouter son rire un peu fou.

 

Après elle, il descendit une volée de marches

Où roulait un torrent de froides billes blanches

Qui menait sous terre vers un caveau fumeux.

On y célébrait à la bonne franquette

Ces noces orageuses où en fait de confettis

Un kilo de fins grélons avait fêté la triste épouse.

De la vapeur circulait sous la clef de voûte

Et dans cette cohue un peu canaille

Retrouver l'étroite et noire silhouette

Ne fut pas chose aussi facile que prévu.

Enfin il la repéra entre deux compères

Levant haut le coude à la santé des mariés.

Tout le monde trinquait, même les enfants,

A ce vin d'honneur, une gentille piquette

Qui mettait au fond de leur verre à moutarde

Une mousse pétillante, épaisse et rosâtre.

 

Puis quand l’étrangère – elle était Anglaise

Sûrement, excentrique et peut-être un brin snob –

Demanda en français « des toilettes s’il vous plait »

Il sentit qu’elle ne saisit pas bien la réponse

Que lui fit l’aubergiste avec l’accent du cru.

Il la suivit comme une ombre dans l’escalier

Vers les domaines habitables et privés.

Comme elle étudiait deux portes muettes avec ennui

Il lui prit le bras d’un air très aristocratique

Et des deux portes ouvrit la mauvaise.

 

Ils pénétrèrent alors dans cette maison inconnue.

Ses habitants en étaient pour l’heure absents

Sauf une vieille en noir sourde comme un pot

Recroquevillée sur un moule à gâteau.

D’ailleurs la maison était triste et sentait le vieux ;

Le silence étrange après ces rires et ces cris,

Les lourds meubles sombres, l’horloge tictaquante

Semblaient hostiles à toute idée de fête.

Et pendant ce temps, la grêle tombait drue

Cascadant et ricochant le long des tuiles,

Couvrant leurs pas dans le couloir obscur.

La dame en noir l’interrogeait des yeux

Et jugeant sur ses façons de propriétaire

Voulut croire qu’il la guidait vers les toilettes ;

Lui ne disait mot, même avec les yeux,

Occupé à chercher le lieu propice.

 

Bien sûr, l’étrangère éventa bientôt l’astuce :

Il faut dire qu’il lui tenait la main un peu fort

Même pour un hôte très hospitalier.

Elle rit et s’arrêta – il la tira plus fort ;

Elle rit de plus belle mais le suivit où il voulut.

Puis elle se tut, attendant le souffle court

Ce qu’elle pressentait devoir arriver.

Il fallait faire vite : il ouvrit la première porte

Mais c’était un placard, un vestiaire fleurant l’antimite

Et bien qu’il eût aimé la serrer sans attendre-

Pourquoi pas ici ? sur des piles d’étoffes douces –

Quelque chose déplut à sa compagne.

Une autre ouvrait sur une pièce à moitié vide,

Sombre et sans fonction précise : ça convenait.

 

Comme les vrais héros impavides

Au cœur de la tourmente, la dame en noir

N’oublia pas sur eux de fermer la porte à clef.

Tandis qu’il cherchait la sienne sous sa robe,

Elle le supplia de se hâter, répondant à ses avances

Par des baisers aveugles qui leur faisaient se cogner le nez.

Il aurait certes aimé la voir un peu mieux,

Nue, offerte, les yeux fous – mais le temps pressait :

« Que vont-ils penser en bas de cette absence ? »

Déplorait-elle en remontant sa robe sur ses hanches.

Vint alors l’instant qu’on espère,

Où les yeux boivent dans les yeux, le cœur dans le cœur,

L’instant où l’âme, dit-on, se lit enfin sur la chair…

Mais c’est fini – déjà ! – cinq minutes à peine ont suffi.

La femme rajuste ses dentelles, remonte ses bas

Et range ses cheveux longs dans un grand nœud de soie ;

Lui rêve encore à son secret entraperçu

Observant la silhouette aux faux airs d’Espagnole,

Au nez fier, à l’œil noir, au duvet sombre,

Puis elle se retire, ses chaussures à la main.

 

Seul, il huma un parfum des plus suaves

Emplissant la pièce : de la fleur d’oranger,

Fleur qu’on tressait autrefois

Au front des nouvelles mariées.

Et ce fut alors, comme il s’envolait

Qu’il se fit la réflexion : qui aurait pu croire

En voyant ces broussailles, cette flore féroce,

Ce bourg désert, ces murailles ruinées,

Ces maisons silencieuses, ces rues oubliées

Et l’œuvre humaine partout menacée,

Qui aurait pu croire qu’on y célébrait des noces ?

 

 

(Inspiré d'un rêve : Sans raison précise, j'ai toujours pensé qu'il devait de passer sur une des îles entourant Venise, mais vous pouvez le situer ailleurs sans dommage.)

Noces

13 janvier 2014 - 07:47

Ce poème m'a été inspiré par un rêve. Dieu sait pourquoi, j'ai toujours pensé qu'il devait se passer sur une des îles dela lagune de Venise, mais vous pouvez le situer ailleurs sans problème.

 

Hum, le poème n'est pas passé ou bien il est passé Dieu sait où; à lire dans le grand salon, même titre : Noces.