Qua Rima

J’attends…
J’attends que les minutes défilent inlassablement.
J’attends que le vent tourne dans ma direction.
J’attends que la musique s’arrête et sagement
Je compte une à une ces éphémères secondes.

Voilà maintenant quelques années que nous marchons côte à côte,

Telles deux inséparables amies prêtes à relever nombre de défis.

Il en a fallu pourtant du temps avant que je t’ouvre enfin la porte

Et que je te laisse entrer avec passion dans mon rythme de vie.

Ensemble, nous en avons connu des expériences mémorables,

Embrassé les quatre saisons et vécu de grands moments,

Nourrissant des souvenirs tantôt joyeux et tantôt misérables

Qui ont écrit les lignes d’un récit authentique et palpitant.

Pourtant, il semble inévitable d’accepter cette terrible échéance

Des pages qui se tournent, du temps qui file et des années qui passent.

Je me suis abandonnée à toi, Jeunesse, parfois au prix de la bienséance,

Mais arrive bientôt le temps où la vieillesse l’emporte, où je te quitte, hélas !

Ne t’en fais pas mon amie ! Si la raison semble vouloir prendre le dessus,

Mon cœur n’a certainement pas encore dit son dernier mot insouciant.

Il lui reste encore nombre de battements juvéniles qui, certes sans vertu,

Lui permettra d’exploiter les derniers souffles d’un corps accablé et vieillissant….

Peu importe les cicatrices saillantes sur son corps blessé
Ou toutes les déchirures de son cœur si lourd;
Peu importe la nature illusoire de ses nombreux rêves brisés
Ou l’effrayante accalmie des cauchemars de ses nuits et ses jours;
Peu importe l’écho terrifiant de ses assourdissant cris
Ou la pesante obscurité du silence de ses mots;
Peu importe la chaleur glaçante de ses mains en repli
Ou la douce acidité de ses larmes absentes marquant sa peau;
Peu importe la laideur ravissante de ses fantômes résidents
Ou la certitude agaçante de ses millions de doutes;
Peu importe la profondeur du néant dans son regard pénétrant
Ou la distante proximité de son esprit fou qui m’envoute;
Peu importe la taille des racines incrustées de ses sombres croyances
Ou la réconfortante angoisse de ses plus grandes peurs
Puisque la beauté de l’encre de son âme rayonne avec tant d’élégance,
M’attirant irrésistiblement aux alentours de sa colorée pâleur...

Le regard de l’autre semble vouloir nous en dire beaucoup.

Il définit même souvent les traits de notre visage,

Celui dont le reflet nous importe avant tout

Comme si l’âme qui est la nôtre n’était que mirage.

S’il se veut rassurant, l’autre attend parfois aussi

De percevoir dans nos yeux la lueur d’un horizon

Qui lui donnera autant l’illusion d’un souffle de vie,

D’une existence dont l’autre devrait bâtir les fondations.

Alors effacé dans l’ombre de l’autre, le soi se confond

D’amour, peurs, insécurité et millions d’attentes

Avec ce besoin indécent d’être réparé avec attention,

Jusqu’au jour où celle qu’il avait noyé s’impatiente.

Voyez-vous, confier à l’autre aveuglement les clefs de son âme,

Exigeant de lui l’accès inconditionnel à votre propre havre de bonheur,

Sans aucun doute, ne peut point vous sauver de toutes les flammes

Du brasier de vos vies, de vos désirs fantaisistes et de votre peiné cœur.

À tout le moins, vous finirez par plonger davantage votre esprit

Dans la confusion d’une épanouissante mais étouffante romance,

Oubliant presque le véritable reflet du miroir imposant de vos vies.

C’est pourquoi certains appellent Amour ce qui pour l’âme est déchéance…

À mesure que les années passent,

Elle resurgit inlassablement

Cette douleur qui ne s’efface

Ni par l’oubli ni par le temps.

Incrustée dans les lignes de mon passé,

Elle écrit encore à l’encre de son absence

Les lettres morbides de cette journée,

Cette perte qui m’a volé mon innocence.

S’en vient malgré tout ce jour de célébration,

Et mon cœur vacille encore et toujours,

Entre le désir obscur de commémoration

Et le besoin naïf et vain d’ignorer ce jour.

À mesure que les années passent,

S’estompe la mémoire du défunt

Sans emporter la blessure, hélas,

De cette journée et de ses lendemains.

À mesure que les anniversaires s’accumulent,

L’espoir grandit dans le plus grand des secrets

Que le souvenir macabre un jour s’annule

Pour laisser place à un bien ordinaire 8 juillet…

Le choix du mot renier est ici volontaire dans la mesure où c'est pour souligner le désaveu qui se produit en fin d'hiver alors que le début est marqué par un bon sentiment. 

Je ne sais pas vraiment. Je ne crois pas.

J’imagine que oui mais j’en doute vraiment.

Après tout, ce n’est pas aussi clair pour moi.

Et puis, ça ne semble pas si évident.

J’y pense encore souvent

Quand ça me traverse l’esprit,

Pas toujours, presque tout le temps,

Surtout quand je m’ennuie.

Ça ne fait pas vraiment de sens.

C’est confus, je vous l’avoue.

Et pourtant malgré moi, j’y pense.

C’est à n’y rien comprendre du tout.

Eh bien voilà ! Pas de réponse !

Je vais continuer à me demander,

À me poser un million de questions

Sans jamais vraiment m’interroger…

Je les ai cherchées dans les alentours

Ces mains dont la force me relèverait.

Je l’ai tellement espéré depuis toujours

Ce moment où enfin je m’abandonnerais.

Je le désirais ardemment ce pénétrant regard,

Sous l’influence duquel mes masques ont cédé

Avec une aisance troublante et sans égards

Pour les nombreuses protections que je m’étais forgée.

Pourtant, sombre était l’horizon et ses présages.

Voilà qu’aujourd’hui perturbante est la confusion

Née de cette inattendue rencontre au curieux visage.

Où est donc passée ma si inébranlable raison ?

Mes certitudes ont laissé place aux nombreux doutes

Qui hantent désormais chaque recoin de mon esprit.

Ma pensée rationnelle s’est égarée, et somme toute,

Il me semble particulièrement difficile de la retrouver.

Ai-je donc perdu le contrôle de mes faiblesses

Au risque de les laisser se donner en spectacle ?

Ai-je donc vraiment la volonté ou bien suis-je paresse

Quant à me mettre à nue dans cette débâcle ?

De tout ceci, je ne sais point ce qu’il ressort

Hormis le fait, semble-t-il, que j’avais tort…

Plongée dans mes pensées, je ne peux m’empêcher de sourire.

Voyez-vous, longtemps, j’ai vécu dans l’obscurité et le silence,

Jusqu’au jour où l’inconnu, je n’ai point eu peur de choisir.

Et me voilà, souriant et pleurant à mesure que j’y repense.

Je me souviens de cette valise que je trainais, malgré moi, partout.

Ce bagage si imposant mais que personne ne pouvait apercevoir.

Comment finir par ouvrir un si lourd coffre aux solides verrous

Débordant des blessures et souffrances d’un passé floué de noir ?

Il me fallait bien un jour bousculer chacune de mes certitudes,

Démonter avec vigueur ce mur aux hauteurs interminables,

Le regard vers l’inconnu, sacrifier les confortables habitudes,

Prendre conscience et vivre le moment présent comme étant périssable.

Il était temps pour moi de faire un peu de place à l’insouciance,

Déverrouiller mes craintes et surmonter mes propres obstacles,

Dépasser ce besoin étouffant de contrôle et de bienséance,

Pour parvenir enfin à jouir la vie selon moi, au-delà du spectacle.

Comme un gigantesque puzzle vivant, mon MOI commence à prendre vie.

Ces moments mémorables, tantôt joyeux et tantôt d’une grande tristesse,

Ces rencontres aux visages et histoires qui ne tomberont jamais dans l’oubli,

Sont les pièces manquantes qui ont permis de combler peu à peu ma détresse.

Me voilà aujourd’hui à dresser un premier bilan d’une si belle aventure

Qui m’a ouvert la voie vers cet agréable sentiment d’épanouissement.

Bien que les cicatrices du passé existent sans nul doute au futur,

Je vis au présent et ose même parfois rêver demain sereinement…

L’été nous quitte, hélas, emportant avec lui sa chaleur,

Son rêve en bleu, son parfum enivrant d’océan et de fleurs,

Sa joie de vivre qui rythme les battements de chacun des cœurs

De ceux qui jouissent allégrement des petits moments de bonheur.

L’automne prend ainsi sa place dans ce vaste décor,

Laissant déjà frissonnant nos reposés et ensoleillés corps,

Se préparant à peindre cette fresque si belle et multicolore,

Glissant dans nos esprits des images de merveilles et d’or.

Il n’y a pas lieu ici de céder à la nostalgie, bien qu’alléchante,

Celle d’un printemps chantant et d’une saison estivale dansante,

Puisque l’hiver arrive vêtu de blanc pour nous livrer sa magie enchantante,

Nous plongeant sans filet dans nos souvenirs et nos rêves d’enfant.

Enfin, le Printemps redonnera un souffle de vie

Aux rues, aux parcs, aux forêts, aux prairies.

Sous nos regards impatients, le monde s’épanouit

Laissant s’exprimer l’habitat naturel avec sa douce musique.

D’aucuns ne me disent où il se terre

Celui qui me brisera finalement le cœur,

Celui de qui viendra peut-être la lumière,

Ainsi vainqueur de mes doutes et mes peurs.

D’aucuns ne m’apprennent à tenir la main

De celui qui me tendra vigoureusement la sienne.

Je me plierai à ses désirs sans soif ni faim

Pourvu que mes espoirs d’amour adviennent.

D’aucuns n’écoutent le son lourd de ma voix

Et lui traduisent le sens confus de mes mots,

Afin de l’accompagner doucement jusque moi,

Que se croisent nos regards et se rencontrent nos peaux.

D’aucuns ne chantent enfin cette douce mélodie

Que les battements de mon cœur suivront allégrement,

Pourvu qu’en racontant l’histoire obscure de ma vie,

Il y ait bien plus à dire que ses tristes et pénibles moments.

J’ai demandé à la Lune

Si je devais rire ou pleurer.

Une réponse, je n’en ai eu aucune,

Alors, la Lune j’ai imploré :

« Pourquoi ne me réponds-tu pas ?

Qu’ai-je fait pour mériter ton silence ? »

Elle me répondit : « Regarde donc autour de toi !

Comment veux-tu que je donne du sens

À ce spectacle rouge de sang,

Noir de haine, si aveuglant et assourdissant ?

Je ne peux point t’aider mon ami.

C’est le monde dans lequel tu vis. »

Abattu, je baissai la tête et fixa le sol souillé

Comme si tout souffle de vie venait de quitter mon corps.

La Lune avait raison, pourquoi bien rire ou pleurer ?

Le jour comme la nuit, la vie comme la mort…

Au fond de sa cage, elle se terre silencieuse et patiente.

De l’obscurité qui l’entoure, elle s’est chaudement couverte.

Le fil du temps, elle a perdu et ne cherche plus inconsciemment.

Elle se cache. Elle se ment. Elle s’endort. Elle se perd.

Elle ne compte plus les cicatrices sur sa peau, certaines encore saillantes.

Elle se contente seulement de les porter en évitant de les rouvrir.

Les pieds dans la boue de sa caverne humide, elle reste latente,

Effrayée de dire enfin les maux qui l’empêchent encore de sortir.

Résistante, elle est certainement face aux défis de la Nature,

À la malice humaine et aux nombreux aléas de la vie.

Pourtant, incapable et désarmée, elle demeure face aux blessures

De son âme emprisonnée dans un passé si lourd aujourd’hui.

De l’absence, elle a fait son unique et pénible chagrin

Comme si elle se refusait à toute autre souffrance.

Malgré tout, elle envisage et rêve le jour de demain

Comme étant celui de son heureuse délivrance.

Vaste et lumineux, elle ose ainsi imaginer le décor

De ce rêve inavoué d’équilibre, de paix et d’amour.

Sereine et légère, elle peut s’imaginer alors

Vagabonder dans ce paysage sans fin ni détour.

Les couleurs de ce rêve d’architecture unique

Rempliraient ses yeux et son cœur de merveilles.

Embarquant dans ce voyage, certes utopique,

Elle rêve, elle espère et surtout, elle s’émerveille.

Laissez-la donc rêver, ne serait-ce qu’un peu,

Tant qu’elle y trouve espoir et réconfort.

Et peut-être que demain, ce rêve fou mais pieu

Sera finalement sa réalité, sa vie, son sort…

Fruit défendu de mes pensées rêveuses,

Je l’imagine dans mon humble décor.

Vêtu de son imposante aura lumineuse,

Je l’imagine immobile, imposant et fort.

Dans ses bras, je serais insoucieusement légère.

Entre ses mains, je déposerais mes craintes.

Dans ses yeux, mon reflet et mon âme à découvert.

Par ses mots, mon abandon aisé et cette étreinte.

Silencieux, il comprendrait mes grandes blessures

Comme un patrimoine unique à sauvegarder.

De mes faiblesses et peurs est né ce mur

Qu’il prendrait soin et douceur à démonter.

Fruit défendu de mes pensées rêveuses,

Je l’imagine dans mon humble décor.

Sereine, protégée, et j’ose rêver, heureuse,

Je m’imagine demain, ici, toujours et encore.