Aller au contenu

Anwen

Inscrit(e) : 09 avril 2014
Hors-ligne Dernière activité : oct. 08 2023 06:02

Publications sur Toute La Poésie

Détournement d'étourneaux

17 septembre 2023 - 08:11

A marcher dans ce parc de Lorient l’embrumée

Par un soir de septembre dont la douceur étonne,

Je les vois en binômes lentement avancer

Eux qui feront rimer automne avec détonne !

_

_

Commando artificiers. Casqués, havresac arrimé.

BRIGADE

_

_

Tandis qu’au ciel se forment

les escadrilles

qui bientôt se déploient, fondent, se rassemblent et puis virent.

Se replient, se déploient à nouveau, plus loin.

_

                                   VOLTIGE

_

Immense patrouille bien entraînée

guidée par on ne sait quel

colonel tellurique :

subtile perfection de mantras

sur fond de nuages mordorés.

_

Pas un hors-champ, pas une hésitation.

Figures croisées. Piqués. Cloche.                  Huit cubains. Pasodoble.

              En pointe toujours !

Essence d’oiseau. Cinétique du vol.

_

Manquerait plus qu’ils nous lâchent

quelques bombes à phosphore—

acidité blanchâtre à dégommer nos caisses…

_

Et c’est pour ça qu’en bas,

c’est Beyrouth, comme disent les anciens,

quand d’autres ont dans la bouche

Kaboul ou bien Mossoul. N’importe, c’est un même goût de fer.

_

Les déflagrations font trembler le sol et tinter quelques vitres.

Un corbeau ou un geai ricane sur une bande magnétique.

Même l’alouette de retour d’une sortie en mer

n’a jamais entendu autant de bruit,

de bazar, de fracas… et tout ça pour si peu.

_

Surpris dans un baiser, deux amoureux s’étreignent plus fort.

Un garçonnet court, sans savoir où il va.

Ils pestent contre le dérangement, ce qui s’installaient pour l’apéro.

Une petite fille pleure sous un banc.

Une autre s’est arrêtée, bicyclette à la main,

nous regarde, eux, puis moi, yeux interrogateurs.

J’ose un léger sourire.

Mais l’air transparent tremble et vacille.

In Memoriam

13 septembre 2023 - 08:04

Entre Víznar et Alfacar

que reste-t-il ?

Sinon un peu d'oxyde de craie en poudre…

Pas grand-chose.

_

Et pourtant j'écris encore

du presque rien

en une langue qui m'étrange.

_

Je contemple le minuscule et m'étonne

de lire les graffs des cristaux de sel

déposés au bastingage froid

de voir les hirondelles de mer

piqueter d'encre le parchemin sablé du ciel.

_

Un premier soleil d'automne ébauche

sur mes épaules

une douceur oubliée.

_

Dans quelques encablures, au-delà du goulet,

les vagues nous ramèneront à l'instable :

corps obliques arrimés au vent de vitesse

gorges que le sel embrase.

_

Et les grands rêves côtiers disparaîtront

derrière des cataractes de brume

des miroitement de jaspe

_

reparaîtront sans doute à l'iridescence

d'un geyser au loin—

ses exhalaisons indéfinissables de krill

d'ambre gris…

Ecrirai-je encore alors ?

_

Rien ne se lit sur les visages noircis

hormis l'intense concentration

aux margelles des pupilles étroites.

_

Coude à coude ; les mains se frôlent ;

s'assurent ;

Vous ai-je jamais dit que…

Dans l’intense du silence qui nous étreint

qui nous porte.

_

Dérive…

Jusqu'au jour où une larme—

sillon dans le cirage—

dira les insomnies blafardes

et toute la douleur d’un homme.

Ce que j'ai à dire au vent

07 août 2023 - 08:31

Ce que j'ai à dire au vent :

délit de forêts automnales

flagrante effraction d'août

et même pas une voile

sur la haute houle des herbes

qui se gondolent.

_

Vous m'en direz temps !

_

Ce que j'ai à dire au vent

qui vient nous cracher à la gueule

ses silicoses matinales

ses crépuscules coagulés

son haleine chargée d'orge iodé.

_

Vent frais, vent du matin

tortionnaire des humbles grilles rouillées

gardiennes de mélancoliques courtils

vent qui éreinte les chaumes

et a fait taire le chardonneret...

_

…Et les ardoisent volent

d'où s'effacera toujours

ce que j'ai à dire au vent.

_

À cause de la pluie…

 

Escale

02 août 2023 - 12:50

Cumulus de beau temps>

fraîcheur de la risée>

larme imaginaire…

Puis la chaleur qui revient.

 _ 

Manque d'attention :

sursaut au plongeon,

à l'eau qui éclabousse de lumière et de bruit…

…canard ou ragondin ?

_

Mauvais interprète !

La poule en vadrouille ?

Les souris gourmandes ?

L'oiseau qui niche ou le chat qui le guète ?

Un gros lézard ou quelques branches mortes qui tombent ?

Une grenouille peut-être ? Un caillou lancé ;

tout ce qui froufroute derrière la haie.

_

Ubiquité géographique :

Brebis égarée sur la terrasse

contemplant l'étang ;

effroi des coureurs indiens, à grands coups d'ailes…

Les rats ont volé les pommes des merles.

Mais savent-ils tous

que nous ne sommes qu'à trois quarts d'heure de la mer

où je serai demain ?

Qu'hier encore j'étais

à quelques minutes des Est sombres,

et que l'aurore

aura toujours

un pas d'avance sur moi.

Departure

16 décembre 2021 - 10:11

asynchronie

 

vrille d’averse qu’à peine repoussent

les essuie-glaces

fluidité du trafique

même les feux sont au Vert et ne m’accordent pas

un regard vers elle ou juste

du coin de l’œil

 

une main sur son genou—distraite—

et ses doigts sur les miens—peut-être—

je n’ai déjà plus cours

 

le départ m’a pris hier soir et je n’étais plus là

la nuit taciturne m’a vu compter les heures

la chaleur quittait tout doucement mes gestes

s’abattait l’ailleurs sur mon esprit blême

 

les demains m’envahissent et leurs présents

se fondent en moi—comment pourrais-je

l’étreindre l’embrasser une dernière fois—

 

disconnect

 

souffle retenu au jusant découvert

débris de barques

quelques troncs arrachés

dans l’inédit céruléen du jour

mais nous n’entrainons pas nos cils

à l’aquosité nos visages

ont pris le pli des jours de veille

 

spectre

 

soudain seul au volant

j’ai cru voir aux pas des portes

de vagues silhouettes

dire adieu à l’étranger familier à ces lieux

se referment des grilles de brume

 

et comme on s’éveille d’un rêve

me voici arpentant les hauts plateaux déserts

dans des aberrations de vent

de froid crépusculaire

mes pieds ne laissent pas de traces derrière eux

 

et si

l’erre d’un souvenir

asynchrone encore

hallucinations témestatiques

aile affalée pour couverture

je dors sous ses cheveux défaits

prosterné devant l’heure filiforme

d’un néant espéré

goûté

déjà loin oublié

 

mais vois-tu je n’ai pas hâte

des draps froissés par l’ombre des persiennes

déchirés ça et là de soleil

n’ai-je pas toujours préféré

l’aventure des bruines

 

ce soir je reprends le geste ancestral du tracé

encre sur feuille élimée

en bon gaucher j’écris de haut en bas

épaule raide

le poignet alourdi par d’autres ancres

et ce même doigt pourtant qui effleure tes lèvres

 

si j’y songeais un peu trop fort

je n’aurais que des questions à écrire