Une femme savonne le linge
Elle pleure
L’eau de la rivière
Qui chante le dernier jeudi d’avril
De la première primevère morte
Essore le linge dans les larmes de ma mère
10 mars 2019 - 03:26
Une femme savonne le linge
Elle pleure
L’eau de la rivière
Qui chante le dernier jeudi d’avril
De la première primevère morte
Essore le linge dans les larmes de ma mère
24 février 2019 - 05:01
L’enfant se serre contre le garde-fou pour ne pas provoquer les griffes des chats sauvages épinglées à la boutonnière des cavaliers qui passent. Les sabots des chevaux tambourinent sur la terre compactée avec le grognement menaçant des chats sauvages.
Derrière l’enfant, au trot des chevaux, les chats sauvages de la Guardia Civil se frisent la moustache.
L’enfant se bouche les oreilles et ouvre les yeux.
Sous ses pieds, un pré qui boit l’eau du lavoir, le lavoir, l’eau de la rivière.
Les gens du voyage font une pause dans le pré.
Dans le pré, le bruit des sabots s’est tu. Maintenant les chevaux piétinent l’herbe, mais pas seulement… Dans le verre des églises, les bouts de verre des vitraux cassés dont le moindre effleurement blesse profondément le printemps. Dans ces verres-là, le vert des uniformes ressemble au vert-de-gris sur l’anneau de la pauvreté, les arbres, à des matraques qui tombent comme des feuilles mortes pour le printemps des agonisants.
Les herbes se couchent pour absorber les cris de douleur.
L’enfant aux oreilles bouchées devient l’aveugle de la sentinelle du garde-fou.
Les cris s’étouffent avec le sébum de ses oreilles.
La crépine d’un œil, avec la rétine de l’autre, noue la cataracte derrière les persiennes de ses yeux clos.
De silence et d’obscurité, il vit la seconde qui passe, en apnée. Il laisse l’air lentement s’infiltrer dans ses oreilles.
Quand il ouvre les yeux, le vert des uniformes a disparu, seules subsistent les herbes battues à mort…
ET LEURS TRACES…
Les traces qui semblent, dans l’eau de la rivière, voler du coquelicot sa robe écarlate pour boire avec une tache de vin un verre de liberté.
Sont-ce des corps allongés ou les ombres du soir ? Dans le lavoir, les coquelicots se déshabillent.
Ils lavent leur chagrin.
La crépine d’un œil, avec la rétine de l’autre, noue la cataracte derrière les persiennes de ses yeux clos.
De silence et d’obscurité, il vit la seconde qui passe, en apnée. Il laisse l’air lentement s’infiltrer dans ses oreilles.
Quand il ouvre les yeux, le vert des uniformes a disparu, seules subsistent les herbes battues à mort…
ET LEURS TRACES…
Les traces qui semblent, dans l’eau de la rivière, voler du coquelicot sa robe écarlate pour boire avec une tache de vin un verre de liberté.
Sont-ce des corps allongés ou les ombres du soir ?
Dans le lavoir, les coquelicots se déshabillent.
Ils lavent leur chagrin.
17 février 2019 - 06:13
Charles de Gaulle est mort. Madame la maîtresse
Tu m’interroges : qui était ce grand Monsieur ?
Maure ? Je l’ignorais. L’ignorant qui paresse
Dans mon silence c’est du mépris dans tes yeux.
Des Maures, mon pays les a vus disparaître,
À devoir, sans décompte, enterrer le dernier.
Des mors sans leurs chevaux dans l’écurie des êtres
J’en vois encore mordre des sentiments d’acier.
Charles de Gaulle est mort, mon général… Foutaise
Est le grade qui vient à mon esprit vaseux.
Un général ! Dis la petite Portugaise.
De taire l’évidence étouffe le taiseux.
Ha, si c’était Franco ! Tu m’affirmes madame,
Très solennellement, bien sûr tu l’aurais su.
Ha, si c’était Franco ! Ta gueule, non Madame
Sur cette estrade je ne l’aurais jamais vue.
Mon père n’aurait pas fui le rouge et le jaune
Du drapeau d’un pays où il ne revint plus.
Dans l’œuf du faucon, l’être est un futur béjaune,
Dans les serres de l’aigle, un rendez-vous reclus.
Trouverais-tu les clés de sa boîte crânienne,
Le pain noir imbibé de vin rouge espagnol,
L’espoir ivre tombé dans la couche des hyènes…
Ici, viennent pleurer même les rossignols.
Ici, c’était hier. Ici, le patriarche
Des révoltés est un ennemi cramoisi.
Mourir ou vivre ? La dictature est en marche…
Il leur fallait choisir. Le pater a choisi.
Sous le poids de la mort, les tares sont des bombes,
Leurs échos de la peur, ici comme là-bas,
Certains quittent l’Espagne et d’autres vont à Londres,
Le courage, une affaire à fendre des abats.
Mon père, non Madame, au nom des communistes,
N’était pas du côté que tu nommes Franco.
En 40 mon père, aux mains des pétainistes,
Dans le maquis de l’Ain, serait un franc… Coco.
Je ne parlerai pas, à mon père, Madame,
De l’ombre du démon que je vois dans tes yeux.
À m’entendre, comme un crucifix dans une âme,
Arracherait du Christ l’ultime clou des cieux.
Je garderai pour moi ta parole raciste,
Peaufinant chaque jour, dans mes croquis d’enfant,
L’image de cet homme où mon estampe existe,
Que je rencontrerai tout naturellement.
Madame, je te dis tu, car seul dans ma chambre
De tout mon être je te vomis quatre fois.
Sans fenêtres aux murs, quatre murs jaunes d’ambre,
Madame, ta vipère empoisonne mon foie
Et mes reins… Et mon ventre est une poche pleine
Du dégoût que ton nom, dans les crottes des chiens,
Tisse, avec la mygale urinant dans mes veines,
La lombaire du soir, l’Allombert du matin.
28 octobre 2018 - 04:14
Je descends l’escalier, d’une balle de plomb
Jusqu’au bas de l’immeuble où je blesse l’aiglon.
De son bec, aussi dur qu’un vieux rhinocéros,
Il dévore mes chairs d’un appétit féroce.
Je lui dis : « Oust, dehors ! Va te mettre à la diète
Mais des chairs entamées je te laisse les miettes. »
L’aiglon prend son envol, tombe puis rebondit.
Dieu, que la nuit est calme, aucun moteur vrombit.
Dieu, l’aiglon est-ce l’ange aux ailes déplumées
Par la flamme vorace aux amours allumées.
La dépouille d’un chat erre dedans mes yeux.
Ciel, entend mon secours à l’écho de tes dieux.
Je m’approche du fleuve aux paupières baignées,
Comme un judas qui passe à travers la saignée.
Je fabrique un cercueil à nul autre pareil
Avec des liens de pluie et des brins de soleil.
Je donne tout pouvoir à la main gauche adroite
Pour construire pour toi un si paisible cloître
Que la rouge colère en son âme perdrait
La trace du remords, l’empreinte des regrets.
Ami, repose-toi. La tâche est accomplie.
Adieu mon compagnon. À Dieu je te confie.
Repose-toi, l’ami, dans le lit des ronfleurs.
Si ce fleuve est mon Gange aux prières en fleurs
Ne crains rien des hivers rigoureux qui approchent.
Des carcasses d’amour rôtissent à la broche.
De bûches, elles font danser les feux follets
Sur les carrés fondant des chocolats au lait.
Riches et bienheureux, de presque dix sous, rires,
D’un éclat de centime, achète le sourire
Dans la bouche courtoise ouverte au commerçant
Qui la voit se fermer tout en le remerciant,
Et le même sourire aux lèvres basanées
Se dorer de soleil… Tu vécus treize années.
Maintenant il est l’heure. Elle arrive là-bas…
De t’ouvrir avec elle un infini cabas.
Tu te couches, mon ange, et les anses de l’ombre
T’emportent, me laissant comme un tas de décombres.
S’il règne ce soir deux dieux au-dessus de l’Ain,
Ils ont créé pour toi un paradis félin.
Si le troisième, fier des sentences du juge,
À mon cadavre demain ferme le refuge,
S’il jette mon amour au vulgaire mépris
C’est que de cet amour il n’aurait rien compris.
Je cracherais « cent foi » aux vierges interdites
Mon âme noire, par quatre missels, maudite.
Je lui dirai : « Tant mieux ! » Mille fois mes hivers
Se coucheront avec des asticots de vair
Juste avant de te voir puis de m’exclamer : « Que le
Printemps de ton éden est beau. » Quand de ta gueule
Je verrai d’une tranche un fond de salami.
Alors, tu me diras : « Bienvenue, mon ami ! »
15 octobre 2018 - 06:22
Une rivière bordée d’arbres en fleurs
coule silencieusement,
inaudible à l’ouïe d’une grande personne.
Seule l’oreille attentive de l’enfant
peut percevoir l’imperceptible.
Seul son regard peut voir l’infiniment microscopique.
Il court dans le pré qui longe la rivière.
Il joue dans les herbes hautes et vertes
qui rafraîchissent la rougeur de ses joues.
D’autres herbes,
d’un vert plus pâle plongent dans l’eau.
Elles s’engraissent, Mais pas seulement.
Elles consolent, unitairement,
le cœur de la rivière.
Elles attendent les vaches
du lac Enol et celles du lac Ercina.
Là-haut dans la montagne.
Plus bas, les grottes de Covadonga
guident le ciel comme une corne de brume…
Déroutant le taureau qui passe.
Un étang… Une fontaine…
La monnaie des désirs
qui tombe tinte comme des cloches.
Le taureau s’abreuve… Les vaches se noient.
Les herbes grasses,
près de la rivière,
attendent les vaches.
Les vaches ne viendront pas.
Les herbes se courbent.
Elles essuient la rivière.
Les lacs de Covadonga
viennent pleurer dans la plaine.
L’enfant redresse les herbes courbées et,
d’un cercle d’argent
et trois ricochets d’une pierre plate,
tresse un mouchoir aux larmes miroitantes.
Au bord de la rivière,
l’enfant se penche.
Je vois mon visage.