Aller au contenu

Célédonio Villar Garcia

Inscrit(e) : 25 oct. 2017
Hors-ligne Dernière activité : juil. 22 2019 06:07

#360198 Au lavoir

Posté par Célédonio Villar Garcia - 10 mars 2019 - 03:26

Une femme savonne le linge

Elle pleure

 

L’eau de la rivière

Qui chante le dernier jeudi d’avril

De la première primevère morte

Essore le linge dans les larmes de ma mère

 




#359627 La sentinelle du garde-fou

Posté par Célédonio Villar Garcia - 24 février 2019 - 05:01

L’enfant se serre contre le garde-fou pour ne pas provoquer les griffes des chats sauvages épinglées à la boutonnière des cavaliers qui passent. Les sabots des chevaux tambourinent sur la terre compactée avec le grognement menaçant des chats sauvages.

Derrière l’enfant, au trot des chevaux, les chats sauvages de la Guardia Civil se frisent la moustache.

 

L’enfant se bouche les oreilles et ouvre les yeux.

Sous ses pieds, un pré qui boit l’eau du lavoir, le lavoir, l’eau de la rivière.

Les gens du voyage font une pause dans le pré.

 

Dans le pré, le bruit des sabots s’est tu. Maintenant les chevaux piétinent l’herbe, mais pas seulement… Dans le verre des églises, les bouts de verre des vitraux cassés dont le moindre effleurement blesse profondément le printemps. Dans ces verres-là, le vert des uniformes ressemble au vert-de-gris sur l’anneau de la pauvreté, les arbres, à des matraques qui tombent comme des feuilles mortes pour le printemps des agonisants.

 

Les herbes se couchent pour absorber les cris de douleur.

 

L’enfant aux oreilles bouchées devient l’aveugle de la sentinelle du garde-fou.

Les cris s’étouffent avec le sébum de ses oreilles.

La crépine d’un œil, avec la rétine de l’autre, noue la cataracte derrière les persiennes de ses yeux clos.

De silence et d’obscurité, il vit la seconde qui passe, en apnée. Il laisse l’air lentement s’infiltrer dans ses oreilles.

Quand il ouvre les yeux, le vert des uniformes a disparu, seules subsistent les herbes battues à mort…

 

ET LEURS TRACES…

 

Les traces qui semblent, dans l’eau de la rivière, voler du coquelicot sa robe écarlate pour boire avec une tache de vin un verre de liberté.

Sont-ce des corps allongés ou les ombres du soir ? Dans le lavoir, les coquelicots se déshabillent.

Ils lavent leur chagrin.

La crépine d’un œil, avec la rétine de l’autre, noue la cataracte derrière les persiennes de ses yeux clos.

De silence et d’obscurité, il vit la seconde qui passe, en apnée. Il laisse l’air lentement s’infiltrer dans ses oreilles.

Quand il ouvre les yeux, le vert des uniformes a disparu, seules subsistent les herbes battues à mort…

 

ET LEURS TRACES…

 

Les traces qui semblent, dans l’eau de la rivière, voler du coquelicot sa robe écarlate pour boire avec une tache de vin un verre de liberté.

 

Sont-ce des corps allongés ou les ombres du soir ?

 

Dans le lavoir, les coquelicots se déshabillent.

Ils lavent leur chagrin.




#359328 La lombaire du soir, l’Allombert du matin

Posté par Célédonio Villar Garcia - 17 février 2019 - 06:13

Charles de Gaulle est mort. Madame la maîtresse

Tu m’interroges : qui était ce grand Monsieur ?

Maure ? Je l’ignorais. L’ignorant qui paresse

Dans mon silence c’est du mépris dans tes yeux.

 

Des Maures, mon pays les a vus disparaître,

À devoir, sans décompte, enterrer le dernier.

Des mors sans leurs chevaux dans l’écurie des êtres

J’en vois encore mordre des sentiments d’acier.

 

Charles de Gaulle est mort, mon général… Foutaise

Est le grade qui vient à mon esprit vaseux.
Un général ! Dis la petite Portugaise.
De taire l’évidence étouffe le taiseux.

 

Ha, si c’était Franco ! Tu m’affirmes madame,

Très solennellement, bien sûr tu l’aurais su.
Ha, si c’était Franco ! Ta gueule, non Madame

Sur cette estrade je ne l’aurais jamais vue.

 

Mon père n’aurait pas fui le rouge et le jaune

Du drapeau d’un pays où il ne revint plus.

Dans l’œuf du faucon, l’être est un futur béjaune,

Dans les serres de l’aigle, un rendez-vous reclus.

 

Trouverais-tu les clés de sa boîte crânienne,

Le pain noir imbibé de vin rouge espagnol,

L’espoir ivre tombé dans la couche des hyènes…

Ici, viennent pleurer même les rossignols.

 

Ici, c’était hier. Ici, le patriarche

Des révoltés est un ennemi cramoisi.
Mourir ou vivre ? La dictature est en marche…
Il leur fallait choisir. Le pater a choisi.

 

Sous le poids de la mort, les tares sont des bombes,

Leurs échos de la peur, ici comme là-bas,

Certains quittent l’Espagne et d’autres vont à Londres,

Le courage, une affaire à fendre des abats.

 

Mon père, non Madame, au nom des communistes,

N’était pas du côté que tu nommes Franco.
En 40 mon père, aux mains des pétainistes,

Dans le maquis de l’Ain, serait un franc… Coco.

 

Je ne parlerai pas, à mon père, Madame,

De l’ombre du démon que je vois dans tes yeux.

À m’entendre, comme un crucifix dans une âme,

Arracherait du Christ l’ultime clou des cieux.

 

Je garderai pour moi ta parole raciste,

Peaufinant chaque jour, dans mes croquis d’enfant,

L’image de cet homme où mon estampe existe,

Que je rencontrerai tout naturellement.

 

Madame, je te dis tu, car seul dans ma chambre

De tout mon être je te vomis quatre fois.

Sans fenêtres aux murs, quatre murs jaunes d’ambre,

Madame, ta vipère empoisonne mon foie

 

Et mes reins… Et mon ventre est une poche pleine

Du dégoût que ton nom, dans les crottes des chiens,

Tisse, avec la mygale urinant dans mes veines,

La lombaire du soir, l’Allombert du matin.




#353715 Nos retrouvailles posthumes

Posté par Célédonio Villar Garcia - 28 octobre 2018 - 04:14

Je descends l’escalier, d’une balle de plomb

Jusqu’au bas de l’immeuble où je blesse l’aiglon.

De son bec, aussi dur qu’un vieux rhinocéros,

Il dévore mes chairs d’un appétit féroce.

Je lui dis : « Oust, dehors ! Va te mettre à la diète

Mais des chairs entamées je te laisse les miettes. »

L’aiglon prend son envol, tombe puis rebondit.

Dieu, que la nuit est calme, aucun moteur vrombit.

Dieu, l’aiglon est-ce l’ange aux ailes déplumées

Par la flamme vorace aux amours allumées.

La dépouille d’un chat erre dedans mes yeux.

Ciel, entend mon secours à l’écho de tes dieux.

Je m’approche du fleuve aux paupières baignées,

Comme un judas qui passe à travers la saignée.

Je fabrique un cercueil à nul autre pareil

Avec des liens de pluie et des brins de soleil.

Je donne tout pouvoir à la main gauche adroite

Pour construire pour toi un si paisible cloître

Que la rouge colère en son âme perdrait

La trace du remords, l’empreinte des regrets.

Ami, repose-toi. La tâche est accomplie.

Adieu mon compagnon. À Dieu je te confie.

Repose-toi, l’ami, dans le lit des ronfleurs.

Si ce fleuve est mon Gange aux prières en fleurs

Ne crains rien des hivers rigoureux qui approchent.

Des carcasses d’amour rôtissent à la broche.

De bûches, elles font danser les feux follets

Sur les carrés fondant des chocolats au lait.

Riches et bienheureux, de presque dix sous, rires,

D’un éclat de centime, achète le sourire

Dans la bouche courtoise ouverte au commerçant

Qui la voit se fermer tout en le remerciant,

Et le même sourire aux lèvres basanées

Se dorer de soleil… Tu vécus treize années.

Maintenant il est l’heure. Elle arrive là-bas…

De t’ouvrir avec elle un infini cabas.

Tu te couches, mon ange, et les anses de l’ombre

T’emportent, me laissant comme un tas de décombres.

S’il règne ce soir deux dieux au-dessus de l’Ain,

Ils ont créé pour toi un paradis félin.

Si le troisième, fier des sentences du juge,

À mon cadavre demain ferme le refuge,

S’il jette mon amour au vulgaire mépris

C’est que de cet amour il n’aurait rien compris.

Je cracherais « cent foi » aux vierges interdites

Mon âme noire, par quatre missels, maudite.

Je lui dirai : « Tant mieux ! » Mille fois mes hivers

Se coucheront avec des asticots de vair

Juste avant de te voir puis de m’exclamer : « Que le

Printemps de ton éden est beau. » Quand de ta gueule

Je verrai d’une tranche un fond de salami.

Alors, tu me diras : « Bienvenue, mon ami ! »




#353026 Pleurs de rivière

Posté par Célédonio Villar Garcia - 15 octobre 2018 - 06:22

Une rivière bordée d’arbres en fleurs

coule silencieusement,

inaudible à l’ouïe d’une grande personne.

 

Seule l’oreille attentive de l’enfant

peut percevoir l’imperceptible.

Seul son regard peut voir l’infiniment microscopique.

 

Il court dans le pré qui longe la rivière.

Il joue dans les herbes hautes et vertes

qui rafraîchissent la rougeur de ses joues.

 

D’autres herbes,

d’un vert plus pâle plongent dans l’eau.

Elles s’engraissent, Mais pas seulement.

Elles consolent, unitairement,

le cœur de la rivière.

Elles attendent les vaches

du lac Enol et celles du lac Ercina.

 

Là-haut dans la montagne.

 

Plus bas, les grottes de Covadonga

guident le ciel comme une corne de brume…

Déroutant le taureau qui passe.

 

Un étang… Une fontaine…

La monnaie des désirs

qui tombe tinte comme des cloches.

 

Le taureau s’abreuve… Les vaches se noient.

 

Les herbes grasses,

près de la rivière,

attendent les vaches.

Les vaches ne viendront pas.

Les herbes se courbent.

Elles essuient la rivière.

Les lacs de Covadonga

viennent pleurer dans la plaine.

 

L’enfant redresse les herbes courbées et,

d’un cercle d’argent

et trois ricochets d’une pierre plate,

tresse un mouchoir aux larmes miroitantes.

 

Au bord de la rivière,

l’enfant se penche.

Je vois mon visage.




#351978 El monte del Cristo

Posté par Célédonio Villar Garcia - 23 septembre 2018 - 02:33

Des têtards dans une mare. Je joue avec.

Des femmes m’appellent.

Elles me demandent de me dépêcher.

Nous montons.

Là-haut.

Un lieu de recueillement pour les croyants.

Un chemin de pénitence pour les petits.

 

En mémoire du Christ.

 

Je ne me souviens plus de l’intérieur de l’édifice,

seule l’odeur des eucalyptus des bois environnants

Demeure intacte.

 

Nous descendons.

Les femmes ne m’appellent plus.

 

Je suis devant.

 

Devant les têtards dans la mare.

 

Les mains disjointes des femmes sentent encore L’eucalyptus.

Les miennes respirent le têtard.

Le têtard, quant à lui, sans le crapaud,

hume les ports à marée basse de mes mains moites.

 




#351328 L'exuvie de l'instant

Posté par Célédonio Villar Garcia - 07 septembre 2018 - 06:19

J’entre dans ma mère récolter les semences

De cet homme, mon père, et sa femme et le vent

Et la pluie et la neige en ces hivers immenses

Qu’il me faut traverser jusqu’au premier levant.

 

Pour l’instant je ne suis, dans les encres futures,

Qu’une tache de vin sur un buvard épais

Qui m’absorbe avec elle à daigner la roulure

Qui me fera d’un cri, dire : oui, je suis prêt.

 

Je ne suis que l’instant, le premier de sa race,

Cimentant ma seconde à ce frère siamois

Dont je vole un soulier pour retrouver la trace

Semblable aux deux moitiés ne ressemblant qu’à moi.

 

Je ne suis avant tout qu’une mine de houilles,

Ni mineur, ni majeur, un bâtard de lutin

Et je fonce droit vers une paire de couilles

Où je tourne de l’œil dans le lit des putains.

 

Je ne suis après tout qu’un pilotis de glace

Dans la fonte accrochée aux rivières de feu.

Dans la couche je suis comme une chaude place.

Près d’elle, auprès de lui, ruisselants des aveux

 

Dans la chambre nuptiale, à des dieux se confessent.

Le repenti sincère au mouchoir du remords

Je suis, sans vergogne, entre une paire de fesses,

Pas encore vivant mais plus tout à fait mort.

 

Je suis un peu d’amour, juste un peu, je l’espère !

Ou de haine, nourri… Que m’importe après coup !

De ma mère j’aurai l’exuvie de mon père.

Sans la mue de l’instant je ne suis rien du tout.

 

Un bruit dans la poitrine… Est-ce toi qui me hantes ?

Toi le tambour battant comme une infirmité ?

Et je rampe dans un ventre aux aurores lentes…

Des nerfs me poussent hors de mon éternité.

 




#341302 Là-bas sur le couchant, une étoile se lève...

Posté par Célédonio Villar Garcia - 03 décembre 2017 - 05:54

Vieille blessure de jouvence

Si ta fontaine est un veto

Alors, funambule j'avance

Sur les mâchoires de l'étau.

 

Chassé du présent qui m'éreinte,

Par les sales temps, emporté,

Mon être sans paraître emprunte

Des fards d'eau bien lourds à porter.

 

Je me maquille d'un paraître

Aux couleurs grises d'un secret

De Polichinelle. Peut-être

Est-ce celui que tu dirais  !

 

Qui penserait  : je suis un ange  !

Me brusquerait de son non-oui

D'une auréole qui démange

Les maux, dans ton corps, enfouis.

 

Quel homme étais-je, hier  ? Qu'importe  !

Je suis courant d'air… Le devin

Ouvrant et refermant la porte

Comme un groom de salle de bains

 

Augure un ciel  ; sous l'avalanche

Seraient rois dans mon goémon

Les poux de Dieu à barbe blanche

Mêlés aux cheveux d'un démon.

 

Ma mémoire est un gouffre et siennes

Sont mes pensées quand les burnous

Après toi ma Longovicienne

S'emmerderaient sur mes genoux.

 

La sérénité se fiance…

À quelle méfiance, bon sang  !

De la chicha de ma conscience

S'extirpent des airs innocents.

 

Ta mère me pousse. Je nage

Dans un amer Picon. D'où vient

L'amertume de ton jeune âge  ?
Tu vois, ce soir je me souviens…

 

De l'oreille de mon repaire

J'ai entendu le chat miauler  :

Oh dis-moi  : est-ce toi mon père  ?

Et dans mon rêve auréolé

 

De l'isoloir que larme arrose

Tombaient, puisque tout était vrai,

Des poils en pétales de rose

Sur des tessons de vain vouvray.

 

Serais-je alors, adolescente,

À cacher sous mon propre toit

Toutes les griffes menaçantes

Derrière des fagots de bois  ?

 

 




#341083 La morsure de l’édenté

Posté par Célédonio Villar Garcia - 26 novembre 2017 - 02:26

Entre l’ombre et le soleil

Les barreaux d’une cage

 

À l’ombre

Des figurines sataniques

 

Au soleil

Nous

 

Qui protège qui

De qui et de quoi

 

Seule

La main du sculpteur

De ses doigts et de son Dieu

Jette l’ange Gabriel aux chiens édentés

 

De l’autre côté

 

De ce côté-ci

 

Le nourrisson peut parfois

Mordre le sein de sa mère




#340810 Le bouc et la rose

Posté par Célédonio Villar Garcia - 19 novembre 2017 - 04:18

Au centre du village, un rosier, superbe, titille, de suaves senteurs, les narines délicates du riche marchand qui de six gares, fume, comme une locomotive, des flagrances princières.

 

Une charrette de fumier bute malencontreusement sur un caillou. Un peu de fumier tombe sur le rosier.

 

Le village forme un cercle. Un mur blanc encercle le village.

 

Autour du cercle, un enfant mange de la chaux. Un autre boit, dans une boîte de conserve, la rouille des clous sans girofle.

 

En marge du même cercle, un bouc goûte les épluchures de la misère qui tombent des fenêtres comme des confettis tristes.

 

L’animal distrait l’un des deux enfants qui suivait, d’un regard étonné, un coq de bruyère. Le coq disparaît dans la végétation.

Dans ces herbes qui lui semblent belles, l’enfant se jette en additionnant d’une caresse un égal frottement.

Dans le nid de la chair de poule pondent des orties.

L’enfant dérobe une douzaine de crises de larmes et s’enfuit. Les rougeurs sur sa peau le brûlent.

 

La puanteur du bouc n’est guère plus vivace que celle du malheur infligé aux petits.

L’enfant entre dans le cercle. Le bouc le suit.

 

Les pleurs de l’enfant cherchent le mouchoir de sa grand-mère qui, n’habite ni au cœur ni autour du cercle, mais au point intermédiaire entre le centre et la marge.

La vieille femme, voyant le bouc derrière l’enfant en larmes, chasse le bouc.

Le bouc se réfugie derrière le rosier.

 

Ce soir, le bouc et la rose feront noce commune.




#340426 Nuits blanches au Monténégro

Posté par Célédonio Villar Garcia - 08 novembre 2017 - 06:37

Dans le marbre creuse le closque

Pour l'agate l'attendu trou

Quand la nuit tombe comme lorsque

La noix se détache du brou.

 

De mille deux nuits, bonhomie

Couvre d'or ton Ali Baba

Pareillement à la momie

Ses bandelettes de bla-bla.

 

Recouvre d'argent la parole

Sur le silence haut perché.

De feuille à feuille la vérole

Se dénude de son verger.

 

Paraboliques les antennes.

Par un beau lit de chinchilla

Frissonne un vent de chrysanthèmes,

Frissonne l'évent d'Attila.

 

Des maux d'ivresse aux verbes serbes

Et sans verve à la saint Lucien

S'échangent les propos acerbes

Des chinoiseries de prussien.

 

S'en va la vie et sans rien dire

Sa sœur hystérique se tait

Quand l'homme capable du pire

Se rappelle ce qu'elle était.

 

Les forges de bure se taisent.

L'être et la bête enfin égaux

Écrasent entre parenthèses

La même cendre des mégots.

 

L'ambulance du mort circule,

Coupe en plein cœur de l'allegro

Sa sirène au rond-point virgule.

Nuits blanches au Monténégro...

 

 

 




#340283 Le cagibi

Posté par Célédonio Villar Garcia - 04 novembre 2017 - 04:21

D’habitude pour me punir, l’instruite autoritaire m’ordonne de prendre la porte. La porte de l’entrée de la classe.

Dans le couloir en face de la classe des grands.

Le maître des grands règne en maître absolu sur tous les sujets. C’est le grand chef des instituteurs d’Arlod… et des institutrices. C’est un homme coriace. Pour peu qu’on ait la malchance de le voir sortir durant la punition et c’est un badaboum qui vous tombe dessus.

 

Aujourd’hui, c’est mon jour de chance. La place est déjà prise.

L’institutrice m’envoie dans le cagibi, une petite pièce sombre où sont entreposées les fournitures d’école. Un cagibi avec un petit lavabo.

Le temps passe, la classe remue puis devient silencieuse.

Elle ne vient pas m’ouvrir la porte. Je reste dans le cagibi.

Il est midi. Elle m’a oublié. Tant pis pour elle.

 

Quatorze heures.

L’institutrice me demande pourquoi je ne suis pas sorti. Je lui réponds que personne ne m’a dit de le faire.

Mon père m’attend dans la cour, affolé.

Le grand chef est là, lui aussi. L’institutrice s’excuse.

Mon père leur parle.

Ils l’écoutent.

Comprennent-ils mon père ? À vrai dire je n’en sais rien. Mon père parle le français comme une vache espagnole.

 

Cette après-midi je suis dispensé de classe. Je rentre avec l’espagnol.

 

Les vaches restent dans la cour.

Ce soir les vaches feront des veaux.

 




#340031 Une épine dans le pied

Posté par Célédonio Villar Garcia - 27 octobre 2017 - 04:28

C’est un pied-de-biche

qui fait sortir de ses gonds la porte du bonheur,

pour un malheur

qui bénéficie du non-lieu d’une plaie ouverte

où des yeux, remplis d’amour,

entrent pour verser des larmes de sang,

c’est un jour sans pêne qui claque au vent mauvais,

c’est une mémoire

qui frissonne dans la sente des courants d’air,

c’est une clé de sol

tombée dans l’étang où naissent les saules pleureurs,

où la même mémoire, pêche de l’abri côtier,

perce des sandalettes aux pieds des enfants

dont la blessure perd progressivement la trace,

cette épine dans le pied,

c’est une trace d’eux dans l’omelette des souvenirs.