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INFONTE

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Publications sur Toute La Poésie

La trottinette du point du jour

22 février 2011 - 09:40

Le point clignote, un long, deux brefs, deux longs, silence.
Cela ne veut rien dire.
Le point s’auréole et grandit.
Sa palette dégueule et se moire.
Des soutes se déversent et viennent polluer cette fin de nuit.
Il gèle et le jaune de l’œuf solaire se fige.
Je m’suis jamais autant pelé.
Pourtant, si mais on oublie tout, à la longue.
C’était dans le Golfe de Gascogne et le mât était à ciel ouvert.
On s’en fout.
Faut voir, ça aide parfois d’avoir vécu sous l’eau.
Je sifflote Yellow Submarine.
Le jaune d’œuf barbouille mon ciel curaçao
Et ça donne une toile pas très propre, un peu cernée et décoiffée et chiffonnée.
Il faudrait lui dire qu’elle est belle.
Mais qui ?
Si Vénus s’avisait de naître maintenant, elle mourrait de froid dans sa coquille.
Pauv’ palourde et c’est affectueux.
Je pourrais m’en griller une mais fumer tue aujourd’hui.
Aucun tonton ne flingue plus … on meurt en scandale et en silence.
Il faut toujours un coupable.
Tiens, le vieux d’en face sort sa poubelle.
Une benne récolte, les bacs de plastique valsent, le tonnerre du nettoiement s’éloigne.
Je déambule.
Il est trop tôt et les caves sentent le pain chaud.
Un autre point clignote au coin de la rue.
Des brefs, un, deux, trois … le réverbère bégaie, il se tend, se raidit … et s’éteint.
Il va faire jour,
Au point du jour.
Les feux de positionnement clignotent et murmurent, enfin ça grommelle à l’horizon.
Je vais faire mon torero, moi aussi … mettre mon habit de lumière et pis mon nez rouge.
Ce putain de monde est un cirque.
Je me tais.
Cette petite voix qui ne me quitte jamais n’aura jamais grandi.
Je me tais.
Un si vieil ado, ridicule.
Je pourrais m’en griller une mais je ne fume plus depuis longtemps.
J’allonge ma foulée.
J’ai cinq minutes pour finir mon jogging … mon chauffeur m’attend.
Révolution de merde.
Au point du jour, on trottine en rentrant le ventre et en serrant les fesses.
Je vais écouter les infos.
Le malheur des autres me fera du bien.
J’aurais pu aller à la chasse dans les blés … catcher in the rye …
Je vais aller pisser et prendre une douche.
J’aurai éliminé.
Il fait jour.
Cette fois, je me tais.

Tranche de brume

21 février 2011 - 06:37

A quelques centimètres au-dessus du sol flotte une brume de coton sale,
Un duvet entaché de traces grises et noires et de marrons blanchis.
Mes pieds y sont plantés.
Une odeur d’asperge et d’urine infuse l’air et le gel et le givre caleux.
Les bruits se tamisent et rebondissent en suspens.

Une fille au visage de mine regarde ses mains qui se croisent.
Je ressens sa maigreur, feinte ou voulue ou maladive.
Je ressens sa lassitude.
Les yeux qu’elle relève vers moi sont intenses de fièvre et froid et ternes.
Elle veut me convaincre qu’elle n’est rien.
Elle pourrait réussir.

Aussi je me retourne vers un type rougeaud empiffé à la Béru.
A l’étroit dans son froc qui plisse sur son bide de gros,
Engoncé dans son blouson de vieux prol.
Il regarde les jambes de la fille qui s’allongent sous ses mains croisées.
Il doit se dire qu’elles sont salement moches :
Des cuisses de mouches et des mollets de grenouille.
Elle a dû réussir à le convaincre aussi.
Il tourne vers moi des yeux à la Tchao Pantin derrière des loupes sartriennes.
Il renifle son revers de main.

Je m’exile de ce bout d’humanité perdue dans le brouillard.
Je dois leur ressembler.
Le clébard du vieux renifle un tas de gravier où pianote un moineau arthrosé.
Je pense qu’on pourrait bien être dans une gare.
Mais on est au bord du chemin dans une campagne lointaine.

Un cheval s’ébroue dans notre dos, derrière la guérite d’attente de l’arrêt de bus.
Les armées du Reich ont dû l’ériger au moment de la débâcle.
Elle est peinte dans un kaki nauséeux.
La fille éternue, le vieux se mouche, le chien se renifle.
Dans un trou de brouillard, je crois voir un soleil et un canard qui file.
C’était un mirage.

Le car stoppe.
La porte s’ouvre.
D’un coup, ça sent la pluie et les pieds et le pain chaud en relents en arrière,
Ou les croissants au beurre.
Je m’engouffre avec mes grouchos.
Le car redémarre et passe lentement devant ma Ferrari en panne dont le rouge vire au gris …
Ou peut-être un mirage.

On se reverra Bourg-Achard !

Bouffons' Fablonnet

21 février 2011 - 09:06

Je vous le dis, moi … Et je hausse ma voix …
Qui ? Or qui peut dire ou trouver à redire
A ce que sont nos vies, en bien ou pire ?
C’est ainsi en levant le menton qu’on refuse maîtres et lois.

Je vous l’assène, moi … Et je brise ma voix …
Quand ? Or quand cessera-t-on enfin de prédire
A la fin de nos rêves nos seules vies pour empire ?
C’est ainsi en baissant le front qu’on abdique sa foi.

Un polisson croyait aux vertus du langage et du rire …
Et des poêlées de grands et de rois qu’il aimait donc en frire !
Mais je baisse ma voix, moi … « Ceux qui rient, je les vois … »

Grognaient les puissants … Qu’on les craint ou bien qu’on les croit,
Il suffit qu’un âne mette sur son front sa couronne de cire
Pour qu’on cesse de rire quand il dresse au bouffon l’ombre de sa croix.

Sonnet du retour

19 février 2011 - 07:23

Où donc es tu allé, tout ce temps, Infonte ?
Ce peut-il que lassé, tu nous aies oubliés ?
Ce peut-il que blasé, tu n’aies rien publié ?
Serait-ce du chagrin, sinon de la honte ?

Me suis-je promené ? Serait-ce un conte ?
Rien qu’un mécompte ? … Euh … d’un air délié
Affranchi, confiant, armé du bouclier
D’un sourire, c’est dit, voilà je raconte …

Infont’ était parti, en main ses souliers.
Infont’était fâché … sa colère fut prompte …
Pour qu’aucun de ses pas n’encre de papier,

Il décida de … vivre. Sa colère monte ?
Aussi vit’elle descend. S’il n’aime pas plier,
Il n’aime pas rompre. Ainsi est Infonte …

Mon vieux Pierrot

05 février 2009 - 11:59

" Si le ciel est plus bas à chaque instant,
C'est à l'instant où la ligne du jour touche le sol
Que la nuit monte sur la bascule, enfin. "

Le vieux scrutait le paysage qui s'étirait
A l'horizontal dans le pli de ses yeux fendus.
Le profil de sa prunelle était un soleil rouge
A la commissure de ses paupières en sacoche.
L'ombre de son nez lui dessinait des bosses au front
Sous le porche en saillie de ses orbites noires.
Il marmonnait des chiques de mots, ronds et mous,
Qui suintaient à ses lèvres mal closes de sons
Et de sifflets dans le bouillon de son souffle.

Le couvercle des nuages a claqué à la cîme des arbres.
Les forêts se sont habillées en sombre, d'un bleu nuit.
Le filament rouge a fait charbon de son incandescence.
Un oiseau a frissonné deux notes dans l'air clair et froid.
Des grenouilles se pétaient la panse à coasser.
Le grand sapin n'en finissait plus de froisser au petit vent
Dans l'odeur d'aiguilles rouillées en tas d'éponges brunes.
Des bestioles occultes vrombissaient tout autour et partout.
La nuit était tombée et se relevait du sol en vapeur de brumes
Avec cet entêtement dépressif des maladies de l'âme.
La nuit se lavait de son jour et en suspendait des bouts
Au bout des branches au clair de la lune, mon ami Pierrot,
Prête moi ta plume pour écrire un mot et puis l'autre.

" Si la nuit monte sur la bascule, c'est que le ciel
Enfin plus bas après l'instant qui suit l'instant
Remonte depuis le sol vers cette ligne où il fut le jour. "