Se lever le matin et joindre la cohorte
De six milliards d'humains attelés au hasard
Affronter sans confiance de la vie le blizzard
Puis prendre le chemin qui mène à votre porte
Respirer comme on boit votre parfum sucré
Des îles lointaines percevoir les langueurs
Oublier de ma vie un instant les odeurs
Plonger dans un lagon impalpable et nacré
Noyer dans le bleu d'un regard qui m'aspire
Décalquer mon espoir aux courbes d'un visage
Y promener mes rêves comme dans un paysage
Et puiser le plaisir à l'ivoire d'un sourire.
Quand de votre bouche les mots se sont enfuis
De la musique coule de vos lèvres mi-closes
J'entends le vent, j'entends la pluie et mille choses
Que l'on cru interdites et qui sont si jolies
Quand dans vos yeux s'éteignent les pâleurs des cités
Vous n'avez qu'à fermer doucement les paupières
Pour éclater de bleu jusqu'au cœur de la pierre
Et consumer en moi les dernières volontés
De mes mains malhabiles dessiner les contours
De formes qui enivrent à forces de douceur
Y promener mes doigts gourds et vibrants de peur
Ne plus vouloir jamais finir d'en faire le tour
Oublier tout au long d'une infinie seconde
Qui je suis, qui tu es, et le ciel et la terre
N'être plus rien enfin qu'une fraction d'éther
Exploser se dissoudre, et dériver sur l'onde
Echoué ébloui, sur le bord de ma blonde
Reprendre espoir et vie avoir soif avoir faim
Et tout ragaillardi, reprendre ce chemin
Qui fait plier nos vies sous tout le poids du monde.
Cannes 2006