
La do mi, ré fa la
Posté par Emrys,
20 septembre 2008
·
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Carmen VI: Ruptures musicales
Onde sonore, impromptue et brutale, la voix métallique du radio-réveil découpe en fines tranches le silence qui s'évapore soudain, comme pour marquer la présence des premières lueurs d'un jour qui percent à travers le vert irisé des persiennes.
"Journal de huit heures : Les pourparlers entre la Chine et les États-Unis n'ont pas abouti..."
Dans le grand lit à tombeau de cette chambre inconnue, elle sort lentement des ténèbres.
Inquiète de ce corps.
À distance, elle n'en sent plus les membres. Seulement son liquide déjà froid dans lequel elle nage.
Facétieux, en écho à l'intrusion vocale des ondes informatives, Django et Stéphane, ses deux mandarins, chantent leurs tierces explétives.
Des la do mi, ré fa la, ponctuent le retour intermittent à la banalité de la vie.
D'eux, elle ne s'en sépare jamais, même dans ses voyages impossibles.
Inquiète encore : ce corps, térébrant organe, gît là, dans l'eau céladon teintée de rouge de ces draps anthropophages.
Nu, il lui semble celui d'un naufragé de l'onde sombre de sa nuit, laissé pour mort par l'ost désordonné de ses rêves aux désirs échelés de rage et de sang.
Une déroute sans doute.
Son corps, le sien, tel celui de ces êtres néritiques dont les mouvements à peine perceptibles des membres nous font supposer la vie, lui semble également inerte.
Un battement de cils.
Rassurée.
De sa vie, elle en a enfin la certitude au flux nerval qui peu à peu investit ses bras, ses jambes, en fait des ponts de chair au-dessus de la fosse trop commune de ses rêves fous, projetés vers le vivant, si tant que vibrant il nous paraît toujours infrangible.
Elle mobilise sa noèse obstinément indigente, rassemble ses souvenirs, ceux qui la rattachent encore à l'hier, celui d'avant le sommeil, d'avant son attrition,
d'avant son geste fatal.
Cet amour, elle le sait perdu, adiré quelque part au détour du chemin discontinu de ses jours et de ses nuits, comme de la menue monnaie.
L'a-t-elle retrouvé dans ses rêves atournés aux couleurs irisées de l'oubli de son geste?
Elle n'en doute pas.
L'absoluité de l'impossibilité d'une rencontre à nouveau ne la contriste guère.
À ce sentiment, elle acquiesce d'un battement de paupières en guise de résolution.
Elle le sait mort et elle encore en survie.
Qu'importe si elle ne se donnera plus à lui.
Se prêtera-t-elle par jeu, peut-être à d'autres ?
Par jeu...Ré fa la, la do mi.
Elle sourit au chant têtu des mandarins. Satisfaite de récupérer la totale motilité de ses membres, elle saute du lit, disposée à nouveau au bonheur d'une nouvelle journée de son printemps. La belle saison revient, indifférente à la mélancolie stérile de ses instants d'errance.
La do mi, ré fa la.
Il dort encore... rouge sur le vert des draps défaits.
Sous le pommeau de la douche qui déverse une pluie de larmes salvatrices sur sa peau sanguinolente, elle n'entend pas la voix radiophonique monocorde:
"La police serait sur le point de mettre fin à cette série de meurtres d'hommes d'affaires new-yorkais..."
On sonne.
Elle enfile son peignoir de soie jaune.
- Mademoiselle Swing?
- Oui...
- Inspecteur Minor... Vous êtes en état d'arrestation pour les meurtres de....
- Quelle preuve ?
- Vos mandarins...Vous avez le droit de garder le silence...
© Mai 2007
"Journal de huit heures : Les pourparlers entre la Chine et les États-Unis n'ont pas abouti..."
Dans le grand lit à tombeau de cette chambre inconnue, elle sort lentement des ténèbres.
Inquiète de ce corps.
À distance, elle n'en sent plus les membres. Seulement son liquide déjà froid dans lequel elle nage.
Facétieux, en écho à l'intrusion vocale des ondes informatives, Django et Stéphane, ses deux mandarins, chantent leurs tierces explétives.
Des la do mi, ré fa la, ponctuent le retour intermittent à la banalité de la vie.
D'eux, elle ne s'en sépare jamais, même dans ses voyages impossibles.
Inquiète encore : ce corps, térébrant organe, gît là, dans l'eau céladon teintée de rouge de ces draps anthropophages.
Nu, il lui semble celui d'un naufragé de l'onde sombre de sa nuit, laissé pour mort par l'ost désordonné de ses rêves aux désirs échelés de rage et de sang.
Une déroute sans doute.
Son corps, le sien, tel celui de ces êtres néritiques dont les mouvements à peine perceptibles des membres nous font supposer la vie, lui semble également inerte.
Un battement de cils.
Rassurée.
De sa vie, elle en a enfin la certitude au flux nerval qui peu à peu investit ses bras, ses jambes, en fait des ponts de chair au-dessus de la fosse trop commune de ses rêves fous, projetés vers le vivant, si tant que vibrant il nous paraît toujours infrangible.
Elle mobilise sa noèse obstinément indigente, rassemble ses souvenirs, ceux qui la rattachent encore à l'hier, celui d'avant le sommeil, d'avant son attrition,
d'avant son geste fatal.
Cet amour, elle le sait perdu, adiré quelque part au détour du chemin discontinu de ses jours et de ses nuits, comme de la menue monnaie.
L'a-t-elle retrouvé dans ses rêves atournés aux couleurs irisées de l'oubli de son geste?
Elle n'en doute pas.
L'absoluité de l'impossibilité d'une rencontre à nouveau ne la contriste guère.
À ce sentiment, elle acquiesce d'un battement de paupières en guise de résolution.
Elle le sait mort et elle encore en survie.
Qu'importe si elle ne se donnera plus à lui.
Se prêtera-t-elle par jeu, peut-être à d'autres ?
Par jeu...Ré fa la, la do mi.
Elle sourit au chant têtu des mandarins. Satisfaite de récupérer la totale motilité de ses membres, elle saute du lit, disposée à nouveau au bonheur d'une nouvelle journée de son printemps. La belle saison revient, indifférente à la mélancolie stérile de ses instants d'errance.
La do mi, ré fa la.
Il dort encore... rouge sur le vert des draps défaits.
Sous le pommeau de la douche qui déverse une pluie de larmes salvatrices sur sa peau sanguinolente, elle n'entend pas la voix radiophonique monocorde:
"La police serait sur le point de mettre fin à cette série de meurtres d'hommes d'affaires new-yorkais..."
On sonne.
Elle enfile son peignoir de soie jaune.
- Mademoiselle Swing?
- Oui...
- Inspecteur Minor... Vous êtes en état d'arrestation pour les meurtres de....
- Quelle preuve ?
- Vos mandarins...Vous avez le droit de garder le silence...
© Mai 2007
Hum ! Désolé pour le vocabulaire !