
L'Aujourd'hier [II]
Posté par Emrys,
25 septembre 2008
·
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Carmen III : L'Aujourd'hier
Aujourd'hui je te souris...
C'est étrange d'être là, moi qui ne suis pas croyant, dans cette petite église du bout du monde.
Je n'aime pas voyager, je n'aime pas la campagne, et pourtant je suis là.
Je connais personne et personne me connaît.
Ils m'ont regardé à peine quand je me suis mêlé à eux.
Mêlé à eux...
Je reste au fond, tout derrière. Tous me tournent le dos et c'est mieux ainsi.
Je ne veux pas vous voir de face.
Moi, je suis là, absent. Je vous laisse la présence ici. Je suis venu pour elle, elle que je connais à peine, elle qui un soir à Paris m'a dit, une nuit, et maintenant ici dans cette église du bout du monde ne me dit plus rien.
Son monde ? Je l'ai à peine connu. Paris la vie. Paris les nuits la folie. La nôtre nous a échappé.
Avons-nous fait l'amour ? Je n'en suis pas bien sûr. Je n'ai guère de mémoire, mais ses yeux oui je me rappelle.
"Au nom du père, et du fils et du saint esprit"
"Aaaaaaamen"
Oui ainsi soit-elle.
Après ce soir cette nuit elle m'avait écrit, elle qui n'aimait pas écrire. De longues lettres pourtant.
D'habitude je n'aime pas lire. Mais ces mots m'avaient touché; je les avais sentis fragiles, prêts à basculer.
Ses yeux. Je les vois encore humides et bleus, sombres et lumineux, posés sur moi, déposés, défunts; une ancre qu'elle aurait jetée dans mon port comme ça, sans le vouloir vraiment.
"Je voudrais que tu sois là. Juste après que mon âme se soit envolée." C'étaient ses mots. Je n'avais pas compris.
Juste après. Et pourquoi pas pendant, ou juste avant ?
Cet après, je suis là pour lui, dans cette petite église du bout du monde.
Je ne sais pas bien pourquoi ni de quoi ni comment cet après sera fait.
Je me souviens avoir promis.
"Abigaël nous a quittés. Prions pour elle !"
Priez pour elle. Moi, je ne sais pas prier. Je n'ai pas appris. Je ne veux pas apprendre. Et même si je savais, je ne le ferai pas.
Oui vous. Priez pour elle. Priez aussi pour vous surtout !
Ses yeux. Je les vois encore. Ils m'ont dit, vous ont trahis. J'ai oublié.
Je crois qu'ils demandaient de prier pour vous. Je n'ai pas de mémoire.
Vous. Qui êtes-vous donc ? Je ne vous connais pas. Je ne vous ai jamais rencontrés. Vous. Mais je crois savoir. Elle me l'a dit. Vous lui avez fait du mal. Quel mal ? Je ne me souviens plus. Peut-être ne l'ai-je jamais su. Je ne veux pas savoir. Je veux oublier.
Elle, je l'ai aimée. Oh pas assez sans. Mais ça suffit pour que je sois là, dans cette petite église du bout du monde.
Et vous que faites-vous là ?
"Le Seigneur nous l'a donné. Le seigneur nous l'a repris."
Repris ou reprise ? Je me pose cette question stupide.
Le Seigneur...
Tiens lui, je ne l'ai jamais rencontré. J'aimerais bien pourtant savoir comme vous où il se cache.
Ah vous ne savez pas ?
Que faites-vous là alors ? Mais que suis-je venu faire là moi aussi, moi qui ne l'aimais pas suffisamment pour vous la ravir ? J'adore ce verbe. Vous n'êtes pas ravis de me voir, de voir cet inconnu dont vous ne savez rien. Pourquoi est-il là lui ?
Je suis là pour elle. Elle me l'a demandé.
D'habitude je ne fais rien de ce qu'on me demande. Mais là, c'est pas pareil. Ses yeux...
"Elle a choisi de partir, de rejoindre le Seigneur qui l'aime, qui nous aime tous. "
Doux euphémisme. Partir. Elle s'est bourrée de cachets de toutes sortes, oui. TS réussie. Ce n'est plus une tentative ça...
Et vous. Vous tentez quoi là sous les pierres de cette église, le rachat ?
Les âmes ne se rachètent pas.
Elles se perdent.
Et ce Seigneur qui l'aime comme il vous aime... Moi je ne l'aime pas. Il ne sait pas.
Oh, je vous sens bien, vous aussi, vous qui lisez mes pensées. Vous aimeriez savoir. Savoir pourquoi savoir comment.
Pourquoi suis-je là, comment est-ce possible, moi dans cette église du bout du monde ?
Je ne peux pas vous aider. Faites donc travailler votre imagination. Moi je n'en ai plus.
"Elle avait vingt ans..."
Je sais. Pas la peine de le me rappeler. Elle avait vingt ans et l'avenir devant elle. Quelle banalité ! Elle avait vingt ans et l'amour absent. Triste réalité !
Le mien. Le vôtre surtout. Vous, ses intimes. Vous, ses proches. Rien.
Ce rien je le sais. Oh rien de plus banal. Ne cherche pas toi, à qui je confie mes pensées. Rien de grave. Le pas d'amour. Vous voyez comme c'est banal. Banal à pleurer. L'amour.
Le mien, je ne pouvais pas lui donner. Elle ne le voulait pas, elle voulait le vôtre.
Le vôtre...
Comme si le vôtre aurait pu la sauver.
Peut-être... peut-être pas.
J'ai vingt ans aussi, et déjà je sens que mon avenir sera autre. Pas comme le vôtre. Enfin j'espère.
J'étouffe ici, l'air confiné sans doute, vos larmes aussi sûrement. Elles, je ne me les explique pas. Peut-être est-ce cette musique que tu aimais et qui maintenant résonne entre les pierres. C'est pour ça sans doute.
Je sors. Dehors le temps est serein par cette après-midi d'automne. La vallée me semble belle.
Triste un peu. Non pas vraiment. Je suis heureux de te retrouver.
Mais... J'aurais aimé t'entendre, t'entendre me dire pourquoi. Mais c'est ton secret. Je l'ai lu dans les regards qui me tournaient le dos.
Je me retourne, regarde une dernière fois cette petite église du bout du monde.
Es-tu là encore ? Tu me le diras pas.
Qu'importe !
Je te souris Abigaël.
C'est étrange d'être là, moi qui ne suis pas croyant, dans cette petite église du bout du monde.
Je n'aime pas voyager, je n'aime pas la campagne, et pourtant je suis là.
Je connais personne et personne me connaît.
Ils m'ont regardé à peine quand je me suis mêlé à eux.
Mêlé à eux...
Je reste au fond, tout derrière. Tous me tournent le dos et c'est mieux ainsi.
Je ne veux pas vous voir de face.
Moi, je suis là, absent. Je vous laisse la présence ici. Je suis venu pour elle, elle que je connais à peine, elle qui un soir à Paris m'a dit, une nuit, et maintenant ici dans cette église du bout du monde ne me dit plus rien.
Son monde ? Je l'ai à peine connu. Paris la vie. Paris les nuits la folie. La nôtre nous a échappé.
Avons-nous fait l'amour ? Je n'en suis pas bien sûr. Je n'ai guère de mémoire, mais ses yeux oui je me rappelle.
"Au nom du père, et du fils et du saint esprit"
"Aaaaaaamen"
Oui ainsi soit-elle.
Après ce soir cette nuit elle m'avait écrit, elle qui n'aimait pas écrire. De longues lettres pourtant.
D'habitude je n'aime pas lire. Mais ces mots m'avaient touché; je les avais sentis fragiles, prêts à basculer.
Ses yeux. Je les vois encore humides et bleus, sombres et lumineux, posés sur moi, déposés, défunts; une ancre qu'elle aurait jetée dans mon port comme ça, sans le vouloir vraiment.
"Je voudrais que tu sois là. Juste après que mon âme se soit envolée." C'étaient ses mots. Je n'avais pas compris.
Juste après. Et pourquoi pas pendant, ou juste avant ?
Cet après, je suis là pour lui, dans cette petite église du bout du monde.
Je ne sais pas bien pourquoi ni de quoi ni comment cet après sera fait.
Je me souviens avoir promis.
"Abigaël nous a quittés. Prions pour elle !"
Priez pour elle. Moi, je ne sais pas prier. Je n'ai pas appris. Je ne veux pas apprendre. Et même si je savais, je ne le ferai pas.
Oui vous. Priez pour elle. Priez aussi pour vous surtout !
Ses yeux. Je les vois encore. Ils m'ont dit, vous ont trahis. J'ai oublié.
Je crois qu'ils demandaient de prier pour vous. Je n'ai pas de mémoire.
Vous. Qui êtes-vous donc ? Je ne vous connais pas. Je ne vous ai jamais rencontrés. Vous. Mais je crois savoir. Elle me l'a dit. Vous lui avez fait du mal. Quel mal ? Je ne me souviens plus. Peut-être ne l'ai-je jamais su. Je ne veux pas savoir. Je veux oublier.
Elle, je l'ai aimée. Oh pas assez sans. Mais ça suffit pour que je sois là, dans cette petite église du bout du monde.
Et vous que faites-vous là ?
"Le Seigneur nous l'a donné. Le seigneur nous l'a repris."
Repris ou reprise ? Je me pose cette question stupide.
Le Seigneur...
Tiens lui, je ne l'ai jamais rencontré. J'aimerais bien pourtant savoir comme vous où il se cache.
Ah vous ne savez pas ?
Que faites-vous là alors ? Mais que suis-je venu faire là moi aussi, moi qui ne l'aimais pas suffisamment pour vous la ravir ? J'adore ce verbe. Vous n'êtes pas ravis de me voir, de voir cet inconnu dont vous ne savez rien. Pourquoi est-il là lui ?
Je suis là pour elle. Elle me l'a demandé.
D'habitude je ne fais rien de ce qu'on me demande. Mais là, c'est pas pareil. Ses yeux...
"Elle a choisi de partir, de rejoindre le Seigneur qui l'aime, qui nous aime tous. "
Doux euphémisme. Partir. Elle s'est bourrée de cachets de toutes sortes, oui. TS réussie. Ce n'est plus une tentative ça...
Et vous. Vous tentez quoi là sous les pierres de cette église, le rachat ?
Les âmes ne se rachètent pas.
Elles se perdent.
Et ce Seigneur qui l'aime comme il vous aime... Moi je ne l'aime pas. Il ne sait pas.
Oh, je vous sens bien, vous aussi, vous qui lisez mes pensées. Vous aimeriez savoir. Savoir pourquoi savoir comment.
Pourquoi suis-je là, comment est-ce possible, moi dans cette église du bout du monde ?
Je ne peux pas vous aider. Faites donc travailler votre imagination. Moi je n'en ai plus.
"Elle avait vingt ans..."
Je sais. Pas la peine de le me rappeler. Elle avait vingt ans et l'avenir devant elle. Quelle banalité ! Elle avait vingt ans et l'amour absent. Triste réalité !
Le mien. Le vôtre surtout. Vous, ses intimes. Vous, ses proches. Rien.
Ce rien je le sais. Oh rien de plus banal. Ne cherche pas toi, à qui je confie mes pensées. Rien de grave. Le pas d'amour. Vous voyez comme c'est banal. Banal à pleurer. L'amour.
Le mien, je ne pouvais pas lui donner. Elle ne le voulait pas, elle voulait le vôtre.
Le vôtre...
Comme si le vôtre aurait pu la sauver.
Peut-être... peut-être pas.
J'ai vingt ans aussi, et déjà je sens que mon avenir sera autre. Pas comme le vôtre. Enfin j'espère.
J'étouffe ici, l'air confiné sans doute, vos larmes aussi sûrement. Elles, je ne me les explique pas. Peut-être est-ce cette musique que tu aimais et qui maintenant résonne entre les pierres. C'est pour ça sans doute.
Je sors. Dehors le temps est serein par cette après-midi d'automne. La vallée me semble belle.
Triste un peu. Non pas vraiment. Je suis heureux de te retrouver.
Mais... J'aurais aimé t'entendre, t'entendre me dire pourquoi. Mais c'est ton secret. Je l'ai lu dans les regards qui me tournaient le dos.
Je me retourne, regarde une dernière fois cette petite église du bout du monde.
Es-tu là encore ? Tu me le diras pas.
Qu'importe !
Je te souris Abigaël.