L'argent n'a parait-il pas d'odeur, je n'en suis guère étonné.
Mais le bonheur, quelle couleur a-t-il ?
Moi je l'ai connu: il s'appelait Garden' Heaven, mon magnifique cottage à Castelbury dont j'avais fait l'acquisition il y a de cela quelques années. Mon bonheur avait la couleur de mes fleurs. Il m'avait fallu beaucoup d'argent.
J'y avais planté rosiers, azalées, exburies...
Cette année-là, il n'y avait pas eu de printemps.
Le bonheur est fragile et beau comme ces fleurs sur lesquelles je veillais, ces fleurs d'un jardin sous mon ciel pellucide.
Je prenais soin d'elles, avec tant amour tant de patience que l'ombre en était parfois jalouse.
De ce temps aujourd'hui révolu, j'ai gardé l'odeur, la fragrance exquise de mes roses, la couleur de mes azalées. Rien à l'époque n'était morose. Le bonheur, les fleurs, le rire des enfants dans l'allée des exburies.
Veiller. À ce qu'ils ne s'éteignent pas.
D'abord prendre soin de mes fleurs.
Puis prendre un peu du repos bien mérité, sur ma chaise à bascule, à lire à l'ombre des cyprès.
Le bonheur fragile et beau comme ce repos au goût d'éternité.
Mes fleurs, je les aimais.
Aimer n'est pas suffisant lorsqu'on désire voir l'amour nous sourire. Il faut être vigilant, en bon jardinier.
L'amour est un jardin que les mauvaises herbes envahissent trop vite. Il faut être opiniâtre et lutter...
Moi j'étais comblé, récompensé par le sourire éclatant de mes fleurs comme autant de réponses à l'amour que je leurs portais.
Couleurs toujours plus belles, toujours plus rares.
J'avais fait planter des cyprès au bord de l'allée des exburies, afin de les protéger de la lumière parfois trop vive.
Le bonheur aimait venir se reposer à l'ombre fraîche de ces arbres sombres, les après-midi d'été, s'amuser du rire des enfants qui couraient parmi les rosiers.
L'ombre ne cache pas la lumière, elle la met en valeur, la rend plus belle.
Et pourtant.. .
2 novembre 2008