Mon frère, tu as cédé sous le poids de la bêtise,
Plié en deux par ce flot ininterrompu,
Te voilà les genoux à terre et la nuque tordu,
Tu restes là, tu t’enlises,
Tu ne cherches même pas à lutter,
Tu restes là, impassible,
Regardant cette boue qui dégouline,
Ignorant ton âme qui se met à hurler,
Elle qui se nourrit de choses profondes,
Tu l’as laissé s’étouffer dans l’abjecte,
Et malgré ses nombreuses requêtes,
Tu as toi-même creusé sa tombe,
A tes yeux, ces yeux qui illuminent l’âme,
Tu n’as offert comme point de repère,
Qu’une étendue d’ignorance sur un lit de poussière,
Voici mon frère, tout ton drame,
Ainsi délesté de ton esprit,
Tu deviens un corps vide, une carcasse,
Et l’ignorance a alors toute sa place,
Lorsque tu perds cette part d’infini,
Sans esprit, qu’adviens-tu,
Si ce n’est un objet, malléable à volonté,
Par des mains qui décident à quoi tu dois ressembler,
A quoi tu dois penser, qu’elles doivent être tes vertus,
Mon frère, sans ton âme pour t’éclairer,
Comment espères-tu y voir clair,
Déceler les pièges que te tendent ces nouveaux clercs,
Lorsqu’ils te gavent de prêt à penser,
Mon frère, comment peux-tu avoir les armes pour te défendre,
Comment peux-tu avoir des valeurs à respecter,
Quand ton chemin a été balisé par la stupidité,
Et que ton intelligence a été sommée de se rendre,
Mon frère comment peux-tu développer ton esprit critique,
Lorsque depuis l’enfance tout te pousse à le délaisser,
Comment penser par toi-même alors que tu n’as jamais essayé,
Que tu crois sur parole ces bouches dès qu’elles prononcent république,
Mon frère, je t’en supplie, déterre ton âme,
Elève la par la lecture, fortifie la par de nobles valeurs,
Tu commenceras à mettre un nom sur tes malheurs,
Et tu crieras au scandale,
Soit un Homme et non pas un corps vidé de sa substance,
Comprends ce qui est important,
Comprends ce qui t’attends,
Si tu demeures cet être sans esprit, sans essence,
N’accepte pas cette lourde défaite,
Coupe tes liens par un esprit aiguisé,
Soit libre de te redresser, de réfléchir, de penser,
Et les mensonges seront éventrés par cette baïonnette,
Mon frère si je m’inquiète autant pour toi,
C’est que nos voix ont le même poids, la même valeur,
Et si tu demeures cet être sans profondeur,
L’injustice continuera à se faire sur le dos de l’ignorance, comme à chaque fois.
Ton frère.