Je ne sais plus dans quel pays
Le vent se pousse si vite
En recevant tous les dons
Que les hommes pressés lui confient
Si vite qu’il les répand n’importe où
Dans les bras de n’importe qui –
Et le voilà qui repart toujours en retard
Sur la saison qu’il guette
En poussant avec lui des navires
Chargés de passagers qui soupirent –
Pas un ne sait à quel saint
Se vouer, pas un ne se figure
A quelle saison il appartient
Depuis tout petit et tous
Parlent d’amour comme de rien –
Mais le vent a déjà emporté leurs paroles
Elles ont coulé à dix mètres de profondeur
Elles font le lit déchiqueté de l’océan
La matière à rêver du poulpe tapi dans son antre
Parfois une pauvre sirène s’étrangle
Avec un mot trop gros ou trop coupant
Et c’est la fin de son chant
Le drame de tout un peuple des mers
Leurs plaintes mêlées remontent à la surface
Mais le vent les enlève aussitôt
Personne n’a idée de rien là-haut –
On se mouche on boit on couche on touche
Du doigt l’épine du problème
Et on recommence toujours
Tandis que le navire accoste en différents ports
Que les uns débarquent que d’autres embarquent
J’ignore pour quels horizons nouveaux
Chacun prend ce bateau, ce navire plein à craquer –
S’agit-il en réalité d’un voyage ou d’un naufrage ?
Les deux sans doute
Je ne me souviens plus de la grève
Où tout cela pris fin
La désolation du paysage -
Il a fallu que je me lève, que je m’habille, j’avais faim.