"Les quatre maux accomplis par la parole sont la tromperie, l'injure, la médisance et le vain bavardage, celui-ci conduisant à toutes sortes d'interprétations nuisibles."
Bouddha
... et maintenant, de la poésie pour un forum de poésie...
"La poésie est pourrie d'épileurs de chenilles, de rétameurs d'échos, de laitiers caressants, de minaudiers fourbus, de visages qui trafiquent du sacré, d'acteurs de fétides métaphores, etc.
Il serait sain d'incinérer sans retard ces artistes."
"La poésie est de toutes les eaux claires celle qui s'attarde le moins au reflet de ses ponts.
Poésie, la vie future à l'intérieur de l'homme requalifié."
"La poésie ose dire dans la modestie ce qu'aucune autre voix n'ose confier au sanguinaire Temps. Elle porte aussi secours à l'instinct en perdition. Dans ce mouvement, il advient qu'un mot évidé se retourne dans le vent de la parole."
René Char
Sainte
À la fenêtre recélant
Le santal vieux qui se dédore
De sa viole étincelant
Jadis avec flûte ou mandore,
Est la Sainte pâle, étalant
Le livre vieux qui se déplie
Du Magnificat ruisselant
Jadis selon vêpre et complie :
À ce vitrage d'ostensoir
Que frôle une harpe par l'Ange
Formée avec son col du soir
Pour la délicate phalange
Du doigt que, sans le vieux santal
Ni le vieux livre, elle balance
Sur le plumage instrumental,
Musicienne du silence.
Stéphane Mallarmé
L'Éternité
Elle est retrouvée.
Quoi? - L'Éternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil.
Âme sentinelle,
Murmurons l'aveu
De la nuit si nulle
Et du jour en feu.
Des humains suffrages,
Des communs élans
Là tu te dégages
Et voles selon.
Puisque de vous seules,
Braises de satin,
Le Devoir s'exhale
Sans qu'on dise:enfin.
Là pas d'espérance,
Nul orietur.
Science avec patience,
Le supplice est sûr.
Elle est retrouvée.
Quoi? - L'Éternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil.
Arthur Rimbaud
Féerie
La lune mince verse une lueur sacrée,
Toute une jupe d'un tissu d'argent léger,
Sur les bases de marbre où vient l'Ombre songer
Que suit d'un char de perle une gaze nacrée.
Pour les cygnes soyeux qui frôlent les roseaux
De carènes de plume à demi lumineuse,
Elle effeuille infinie une rose neigeuse
Dont les pétales font des cercles sur les eaux...
Est-ce vivre ?... Ô désert de volupté pâmée
Où meurt le battement faible de l'eau lamée,
Usant le seuil secret des échos de cristal...
La chair confuse des molles roses commence
À frémir, si d'un cri le diamant fatal
Fêle d'un fil de jour toute la fable immense.
Paul Valéry
Evadne
L'été et notre vie étions d'un seul tenant
La campagne mangeait la couleur de ta jupe odorante
Avidité et contrainte s'étaient réconciliées
Le château de Maubec s'enfonçait dans l'argile
Bientôt s'effondrerait le roulis de sa lyre
La violence des plantes nous faisait vaciller
Un corbeau rameur sombre déviant de l'escadre
Sur le muet silex de midi écartelé
Accompagnait notre entente aux mouvements tendres
La faucille partout devait se reposer
Notre rareté commençait un règne
(Le vent insomnieux qui nous ride la paupière
En tournant chaque nuit la page consentie
Veut que chaque part de toi que je retienne
Soit étendue à un pays d'âge affamé et de larmier géant)
C'était au début d'adorables années
La terre nous aimait un peu je me souviens.
René Char
... je tiens beaucoup à associer
à ce florilège émerveillant
des fugacités humaines
l'oeuvre ici même offerte
de boētiane
d'Aure
de Wakoda
de Linfabrice
de Clemouchka
d'Hasia
de Silver
de Pigloo
de caillou caillasse
de Carla
de Papaver
de Deneb Mars
de xiaoyuli
de FlorentM
de Yeos
de Stixx
d'Ophélie
de baccala
poètes à mes yeux aussi rares que décisifs
aussi silencieux
que musiciens
... les (re)découvrir
lentement
patiemment
sincèrement
sans consumérisme thuriféraire
contre les machines à lazzis à mépris à oubli
Cordialement,
𝕃𝕠𝕦𝕡-𝕕𝕖-𝕝𝕦𝕟𝕖 / 劉 碧峥
Modifié par Loup-de-lune, 08 mars 2021 - 10:22 .