sous mon regard ébloui par le soleil brûlant
de cet après-midi d'été au bord de la mer,
près de moi, à la surface lisse de l'eau,
de ce qui semblait être une tache de couleur,
un chignon flottant ... ou une fleur de lotus,
émerge soudain un animal marin géant,
ou plutôt un monstre, un mastodonte
à l'encolure puissante, aux épaules arrondies,
au ventre rebondi, aux flancs renflés, luisants,
aux hanches larges, à la croupe difforme,
à la taille démesurée d'une baleine rose
venue des profondeurs et dressée vers le ciel,
me couvrant maintenant de son ombre froide,
et qui, sous mon regard médusé, incrédule,
se hisse bientôt vers la plage avec lenteur,
puis vient lourdement s'échouer sur le sable
alors que cette créature étrange et fascinante,
m'observait de ses petits yeux cruels,
à travers ses paupières plissées et ternes,
d'un seul coup, je revois ces éléphants de mer
de la Península Valdés, au nord de la Patagonie,
masses informes et grises, flasques, impavides,
entassés pêle-mêle sur le long éperon rocheux,
et qui ont si longtemps hanté ma mémoire,
dont j'entends encore, à peine assourdi,
le cri rauque et plaintif de tous les mal-aimés
la femme-éléphant, les yeux embués de larmes
- ou est-ce simplement l'effet des embruns ? -
parcourt sans fin de son regard absent et morne
l'étendue de la mer et des cieux déserts,
glauques et immobiles, sans le moindre oiseau,
sans la moindre voile à l'horizon
avant, peut-être,
de replonger et de disparaître sous les eaux