Nicole
À Nicole Bertrand, qui fut un peu ma seconde maman
Jusqu’à son dernier jour, élégante, impeccable,
Elle fut le cœur même et l’âme du foyer
Dont le rire éclatant savait si bien noyer
La peine qu’on ressent, le mal qui vous accable.
Elle évoquait sa vie au long fil tortueux,
De France à la Guyane en passant par l’Afrique,
En faisait une histoire, un récit fantastique,
Souvenirs égrenés en long fil sinueux.
Elle parlait d’enfants, de mari, de lignée,
Tissant leur trame vive à l’écheveau du temps ;
Présidait, de Norma, les nombreux habitants
Avec attention, maniaque et soignée.
Parfois, elle jugeait, féroce, haussant le ton,
Et je plaignais celui, réduit plus bas que terre,
Qu’elle écharpait ainsi d’un cuisant commentaire,
Assénant un bon mot comme un coup de bâton.
Nous parlions bien souvent d’un auteur ou d’un livre ;
Décortiquions Jean d’O, que tant elle admirait.
Je n’imaginais pas qu’elle nous quitterait,
Elle dont le désir était encor de vivre.
De Roger, elle était l’épouse et l’âme sœur.
J’enviais leurs regards, leurs jours inséparables,
Ces soixante ans d’amour, complices, admirables.
De les voir côte à côte était un doux bonheur.
A ceux qu’elle estimait, sa table était ouverte,
Et j’ai eu cette joie, en toute intimité,
De dîner en famille, avec simplicité.
Son poulet embroché* fut une découverte !
Franche de sentiments, foi chevillée au corps,
Elle me fit cadeau d’une amitié sincère ;
Par moments confidente et parfois une mère,
Elle était une amie et fut bien plus encor.
Jamais le temps passé ne peut se réécrire.
Je l’imagine assise, au creux de son fauteuil ;
Nicole au cœur si grand, dont nous faisons le deuil.
Elle me manquera plus que je ne puis dire.
11 novembre 2020
Nicole fut soixante ans l'épouse de notre animateur d'atelier poétique, Roger, avec qui elle entretenait une relation magnifique d'amour, de sincérité, de joie. Elle fut pour moi une seconde maman aussi affectueuse que tyrannique, légendaire pour ses colères et son obsession de la ponctuation, mais aussi pour la chaleur de son accueil, pour sa table généreuse et pour son accueil hors pair. Elle nous a quitté ce 10 novembre.
*La bienséance poétique me commande de ne pas écrire ici l’adjectif qu’elle utilisa,
dans un éclat de rire, qualifiant ce poulet, sur son socle vertical, de poulet « enculé ».