La nuit était tombée sur Paris. Eve Malleret m’avait emmené assister à un récital de poésie, où se trouvait Jean Marcenac, avec qui elle échangea quelques mots. Elle voulait éblouir le jeune provincial que j’étais, et, à minuit, elle demanda à un taxi de nous déposer devant la «La Closerie des lilas ».
Je n’imaginais pas qu’un restaurant puisse briller de mille feux à une heure aussi tardive. Un piano jouait un air en sourdine. Sur les tables, des plaques de cuivre indiquaient les noms des illustres clients qui s’étaient assis là, autrefois : « Apollinaire », « Lénine »... Eve commanda des cocktails-champagne, où des couleurs multiples donnaient à voir tout l’art sophistiqué de les préparer. Elle nous fit servir des harengs à l’huile, une tarte Tatin… J’avais l’impression d’avoir franchi une porte invisible et d’être entré dans un autre monde.
Sur le trajet du retour, le chauffeur de taxi, croyant avoir affaire à deux provinciaux, choisit le trajet le plus long possible. "«Vous prenez vraiment le trajet le plus court ?", lui dit Eve, avec ironie. Ce jour-là, j’avais appris en quelques heures, tout ce que signifiait l’expression « Paris est une fête ».
1/4/22
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