L’imprononçable
A Paul Celan
Ma mère a repassé le linge
de l’oubli
linge noir linge gris.
Des fantômes lointains
des suaires se sont dressés
des mains se sont tendues
vers cette source blême d’où la mémoire émerge.
Des horreurs défroissées ont pu
enfin se dire et des chairs
éclatées trouver le réconfort.
Quant à la guérison impossible
d’y croire.
Le pli géologique la mémoire
des vaincus
les strates souterraines
ont recraché des corps tapis
dans le silence.
Ma mère m’a raconté le linge
de l’oubli
l’Histoire mise en intrigue
cohérente ou heurtée
matrice de souffrances
et d’espoirs emmêlés.
Elle est morte là-bas parmi
l’espèce humaine
qui demandait pourquoi
et qui les fers aux pieds
a regardé la vie
s'enfuir comme une haleine
du conduit de la cheminée.