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chemins d'écritures

Inscrit(e) : 25 mars 2008
Hors-ligne Dernière activité : sept. 25 2018 05:41

#352074 à Paul Celan

Posté par chemins d'écritures - 25 septembre 2018 - 05:45

L’imprononçable

A Paul Celan

 

Ma mère a repassé le linge

de l’oubli

linge noir linge gris.

Des fantômes lointains

des suaires se sont dressés

des mains se sont tendues

vers cette source blême d’où la mémoire émerge.

Des horreurs défroissées ont pu

enfin se dire et des chairs

éclatées trouver le réconfort.

Quant à la guérison impossible

d’y croire.

Le pli géologique la mémoire

des vaincus

les strates souterraines

ont recraché des corps tapis

dans le silence.

Ma mère m’a raconté le linge

de l’oubli

l’Histoire mise en intrigue

cohérente ou heurtée

matrice de souffrances

et d’espoirs emmêlés.

Elle est morte là-bas parmi

l’espèce humaine

qui demandait pourquoi

et qui les fers aux pieds

a regardé la vie

s'enfuir comme une haleine

du conduit de la cheminée.




#352008 Fin de campagne

Posté par chemins d'écritures - 24 septembre 2018 - 11:21

Fin de campagne

 

…L’orateur ne parvenait pas à clôturer son discours. Il avait utilisé des mètres de littoraliture, de bobarbelés galvanisants et d’hexamètres dactyliques hyperbranchés.

De toute façon, le courant ne passait plus dans la salle. L’auditoire étouffait sous l’âcre remugle d’une foule croupissante ; et l’atmosphère, pleine comme un œuf, était à son comble.

On entendait bien ça et là, de temps à autre, quelques ronflementsonges qui ponctuaient avec peine l’interminable spitche.

Trop dense, le discours courait comme un torrent furieux. Un hurlementsonge final du grand blablateur fit grésiller les sonotones et brusquement, l’assistance assistée, rallumant ses écouteurs et rassérénée, se remit d’aplomb pour embrayer la Marionnaise finale.

 

La campagne était close dans la grande Cité, ouverte à tous les vents de la vieille patrie pétomaniaque.

 




#352003 dernière pluie

Posté par chemins d'écritures - 24 septembre 2018 - 10:20

Dernière pluie

 

Soleil, flambée d’écume

au large de minuit,

le poème n’est plus qu’un babil qui m’ennuie

Le phare d’Alexandrie fouille dans son grenier

cherchant du neuf encore

au milieu d’un guêpier.

Ulysse, Alice, hélas !

 

Ô miroirs éclatés !

Qui nous récitera en douces mélopées

la molle éternité aux yeux

de ritournelle

ou les cris du présent

infesté de crécelles ?

Plus jamais le soleil, ni trouble ni repos

La vie est ainsi fête aux marges du sanglot

 

Paradoxe ineffable au goût d’absence beige

je me fonds dans le globe

d’une goutte de neige

Dilué disparu enfui

Dans la lumière

j’ensemence l’espace

d’atomes ingénus

Et si je vous écris et si je vous salue

donnez-moi le bon jour

car je suis né d’hier.




#352002 En attendant Schoelcher...

Posté par chemins d'écritures - 24 septembre 2018 - 10:15

En attendant SCHOELCHER…

(Victor Schoelcher, député français qui fit voter l'abolition de l'esclavage en 1848. En Guadeloupe et en Martinique, beaucoup de monuments portent son nom.)

 

"C’est dans la cale

Qu’on met les rats"

Les esclaves et les scélérats

Ceux qui n’ont plus d’identité

Les captifs et les enchaînés

A fond de cale

Et dans la nuit

On les prive de tout espoir

A fond de cale au fond du puits

La couleur de l’homme

Est le noir

Dans le ventre du bateau lourd

Le sang de l’Afrique

A coups sourds palpite

Et bat comme la peau

D’un tambour ivre de sanglots

Dans les entrailles du navire

Circule le sang des martyrs

Qui éclabousse les drapeaux

Des gouvernements déloyaux

 

Le bois d’ébène sans destin

Sombre honte

Au front des humains

Qui font de l’amour du prochain

Une cendre

Sans lendemain.

 




#352001 Même pas vrai !

Posté par chemins d'écritures - 24 septembre 2018 - 10:14

« Même pas vrai ! »

 

Un enfant a trouvé « Respect » et « Tolérance »

Dans tous les dictionnaires du beau pays de France.

Il s’est dit : « C’est super, j’ai des droits, vive l’enfance ! »

Il a aussi cherché ces mots-là dans la rue,

Mais ne les a ni vus, ni lus, ni entendus.

C’était écrit partout sur les murs de la ville

Des injures, des gros mots, des choses horribles à dire :

« Retourn’ dans ton pays ! Mort aux Juifs ! Sal’ raton !

Bougnoul’ ou Nique ta mère, ou Ton frère est un con ! »

Alors l’enfant trahi, déchiré par la honte,

A pris son dictionnaire pour un livre de contes.