Aller au contenu

Tavulartiste

Inscrit(e) : 23 sept. 2011
Hors-ligne Dernière activité : mai 22 2016 07:00

#317520 Rendre l'instant

Posté par Tavulartiste - 20 mars 2016 - 10:29

Rendre l'instant
Qui nous est donné
Dans un souffle
Ou un murmure
Rumeur d'une prière
À la frontière de nos paupières
Au loin les lumières citadines

Les oraisons
Les fumées
Ravies
Par un ailleurs

Jonathan Le Sant




#316739 Les Bouleaux blancs

Posté par Tavulartiste - 06 mars 2016 - 04:14

Je vois une forêt, seulement boisée de bouleaux blancs.
C'est l'hiver, et la pureté de la neige se mêle par endroit à la boue bouillonnante, cicatrice purulente d'une terre agonisante. Je te vois, seulement vêtue d'une peau de cerf, ses bois sur ta tête ne détournent pas mon regard de tes seins nus qui pendent ; comme une bête, tu es cernée par ta propre vapeur. Tes deux yeux bleus tranchent l'ocre de ton visage ; ta bouche déborde de sang, sang qui recouvre tes mains dégoulinantes ; la gauche tient un cœur encor chaud, mais tes gestes sont trop rapides pour que je les apprécie.
Je te vois, dans ce bois de bouleaux blancs, innocente et sauvage.
Une rivière y serpente d'est en ouest, une rivière noire comme la nuit qui charrie des visages fermés, et pourtant translucides. Je sais que tu connais sa source, pour t'y être baignée autrefois, mais aujourd'hui tu l'ignores, tu ignores cette rivière, ces visages blêmes, tu t'en méfies même, comme d'une morsure donnée dans la confiance, tu en portes d'ailleurs toujours la cicatrice.


#316071 Je suis là

Posté par Tavulartiste - 20 février 2016 - 08:36

Je suis là
Dans le renfoncement du fond de ton jardin,
Où rien ne pousse,
Où rien ne vit,
Sinon la boue qui bouillonne, 
Insoumise, sous un ciel de Tamise ;
Je suis là,
À moitié absorbé par le sol,
Gisant tel un vieux pneu sans sa jante,
Un pneu bien trop vieux
Pour oser 
Crever.

 

Jonathan Le Sant




#314736 Sans temps

Posté par Tavulartiste - 24 janvier 2016 - 01:40

Sans temps

 

Ici, je perds la notion du temps,
Comme si le temps lui-même s'était perdu
Dans le vacarme des boulevards,
Dans les ruelles trop étroites,
Dans les impasses ;
C'est comme si le temps avait gravi 
Les marches de Notre-Dame
Et que, une fois arrivé au sommet,
Le gardien s'était assuré de refermer
Toutes les portes.

 

 

Le temps reste là-haut, maître du panorama,
Et voilà que la Seine se fige
-Comme si son courant avait besoin du temps
Pour exister-
En un miroir glacé où Narcisse ne saurait se noyer.

 

 

Sans le temps, Paris devient folle ;
Ses artères ne retiennent plus rien
Et leurs flots deviennent torrents !
Les gens s'engouffrent de bouche en bouche
Mais n'embrassent plus que le sol !
Ils n'ont plus le cœur à regarder les mendiants,
Même furtivement ;
Le visage bleu ou blanc,
Les yeux sur des écrans
Rouges de leur propre sang,
Tous parlent une langue que personne ne comprend !
Et les voilà, station après station,
Boulevard après boulevard,
Gare après gare,
Chaque fois un peu plus égarés.

 

Jonathan Le Sant

 




#313351 Conshumance

Posté par Tavulartiste - 04 janvier 2016 - 08:54

Conshumance

Ô ! nuit sans étoiles !
A qui devons-nous notre survie ?

 

Avec deux pierres différentes
L'une de l'autre
Nous avons engendré une étincelle,
Une lueur d'espoir dans nos propres ténèbres
Que nous avons portée
Sur le tronc nu de l'Arbre de Vie,
Ainsi nous avons fait un grand brasier
De ce qu'il nous restait du premier monde,
Et, ce faisant, nous avons éteint toutes les autres lumières,
Les étoiles, la foi.
Jusqu'à l'aube, nous avons dansé
Tout autour de notre grand foyer,
Mais l'aube n'est jamais revenue.

 

Ô ! nuit sans étoiles !
A qui devons-nous notre survie ?

 

Jonathan Le Sant




#312108 Dans le Ventre

Posté par Tavulartiste - 06 décembre 2015 - 06:24

Dans un silence éloquent, je savoure la douceur de la paix ; l'apocalypse embrasse doucement mon monde de son magma de bronze, voilà mes souvenirs vitrifiés ; je me laisse avaler par les flammes, et dans l'estomac du Tout, je fouille en vain le suc en quête d'une vérité universelle et versifiable, mais déjà l'on me digère, on me pousse à la renaissance, on me condamne à la vie, comme si le monde avait besoin de mes yeux, pour exister, pour me survivre.

Jonathan Le Sant


#311285 Allô Paris ?

Posté par Tavulartiste - 20 novembre 2015 - 10:20

J'ai appelé mes amis qui se trouvaient à Paris ;
Les tonalités résonnaient comme autant de détonations,
Elles se faisaient écho, les unes après les autres,
Dans les déflagrations du silence.

Jonathan Le Sant


#310243 Ecchymose

Posté par Tavulartiste - 29 octobre 2015 - 09:03

Ecchymose

 

J'ai rêvé de toi, ma douce qui m'aimes, et qui m'oses,
Mais le réveil est brutal ; souvenir ecchymose.

 

Je broie du noir, s'en dégage un parfum de myosotis
Dont j'inhale les vapeurs volatiles de l'oubli,
Et voilà que je vois rouge au plus profond de ma nuit ;
J'ai enfanté de toi des maux métis.

 

Fidèle comme l'écho, 
A son mimétisme,
J'ai répondu à l'appel de ta peau,
A son érotisme ;

 

J'y ai jeté l'encre, tatouage éphémère
D'un avenir incertain où tu me fais père.

Jonathan Le Sant




#308151 Je crois que Julie est morte

Posté par Tavulartiste - 16 septembre 2015 - 08:45

Je crois que Julie est morte.
Il y a des livres partout, ils tapissent les murs de la vieille bâtisse dans laquelle je loge pour un temps ; il y en a trop pour que je les contemple un à un durant mon séjour ; je m'intéresse à la poésie, comme toujours, ou presque, mais ce soir, en rentrant du travail, une série attire mon attention, les livres qui la composent jouissent d'une bonne épaisseur ; je saisis l'un d'entre eux, et je vois, inscrit au feutre noir, deux chiffres liés par un tiret, 82-84 ; je m'aperçois qu'il s'agit d'un album photo, et j'hésite un instant à passer la frontière cartonnée des souvenirs qu'il contient, mais ma curiosité me pousse toujours sur les terres inconnues ; la grand-mère - j'imagine - m'accueille à l'entrée, et, contemplant des visages non familiers, me voilà tournant les pages de vies passées - et sans doute révolues - ; très vite, je m'aperçois de la présence récurrente d'une jeune fille, et je tombe sous son charme lorsque je la retrouve, innocente, entre les branches d'un pommier ; plus loin, elle est assise à table, dans le jardin, plus loin encore elle joue de la flûte traversière au bord d'un lit dans la pièce où je dors aujourd'hui ! Elle doit être la fille sans doute unique de la famille ; j'aime à croire qu'elle se prénomme Julie ; ravi tout à coup par cette trouvaille, je me rends compte qu'une vie se raconte mieux avec des images ; j'arrive à la fin du premier album et veux vite conquérir le temps d'après, passant le doigt sur les années suivantes, je fais un bon dans le temps, pour savoir ce que devient Julie ; 93-94 ; Julie a le teint terne, deux valises sous les yeux, et deux enfants en bas âge ; elle a perdu de sa pureté originelle et l'innocence dans son regard ; elle n'est plus la petite fille de son père, qui, je le soupçonne, est le photographe ; déçu de cette époque, j'avance encore dans le temps ; 97 ; Julie va mieux, même si elle vieillit à vue d'œil ; ça n'est pas de cette Julie là dont je suis tombé amoureux, non ; je fais demi-tour et retourne dans les années 80 à la recherche de cette fille pleine de vie et d'insouciance dans les yeux ; voilà qu'elle me tire la langue et je ris face à son visage retrouvé, mais mon rire ne dure qu'une seconde ; si en 87-88, Julie a 18 ans, quel âge a-t-elle aujourd'hui ? Qu'est-elle devenue ? Je cherche une réponse sur l'étagère de la bibliothèque, mais la course dans le temps prend fin en 1997, comme si la vie s'était arrêtée là, comme si le monde moderne et numérique avait engouffré les souvenirs de ces inconnus dans les méandres informatiques et virtuels, et je n'ai pas ma réponse, Julie ! La maison, dans laquelle je retrouve, sur les clichés de ton père, ton image, celle de ta famille à table, dans le jardin, autour d'un jeu de société, tes jeans taille haute, tes mini-jupes et tes chaussettes, ton sourire chaud et sincère, tes yeux et ton visage naïfs, est vide désormais ! Comme si en 1997 s'était passé un événement innommable et qu'il vous a fallu quitter dans l'urgence votre vie, laisser derrière vous vos souvenirs, votre maison qui n'a pas bougé, figée à tout jamais, si j'en crois les photos, comme si 1997 vous avez chassés loin de vous-mêmes ! Je te vois faire la vaisselle, Julie, dans le même évier où trempent mes mains ! Mais tu n'es plus là ! Et ton rire n'a plus son écho entre ces murs ! Et les miroirs ne te reflètent plus ! Julie !

 

Julie, où es-tu donc passée ?

 

 

Jonathan Le Sant, Je crois que Julie est morte

Montacher-Villegardin, 14 septembre 2015




#306105 La Cheminée

Posté par Tavulartiste - 15 août 2015 - 07:09

La Cheminée

L'hiver, l'ivresse,
L'ennui qui pèse dehors
Comme sur ton corps ; 
Je fais un curieux manteau.

 

C'est qu'elle est fragile ta peau,
Et toi tu ne désir'alors que mon cuir ;
Les braises ne réchauffent plus rien,
Que les cendres, les cendres d'hier ;
Les souvenirs nous consument.

 

Vain chaud, tu me bois pour noyer ta soif,
Tu me consommes ;
Moi, déjà très vieux, je tricote les voyelles aux consonnes
Dans une écharpe que les autres appellent poésie.
Je crois bien que tu ne m'as jamais compris,
Seulement saisi, parfois, comme une viande sur le feu.

 

 

Jonathan Le Sant




#305891 Minuit m'appelle

Posté par Tavulartiste - 11 août 2015 - 06:38

Merci pour votre lecture à chacun ; j'aime partager mes vers avec vous, vous êtes avisés ! 

 




#305791 Minuit m'appelle

Posté par Tavulartiste - 09 août 2015 - 06:19

Minuit m'appelle

 

Minuit m'appelle 
Et me réveille. 
Minuit m'appelle
Et me rappelle
Que j'ai sommeil ; 
Minuit, ma pelle,
Et le trou dans mon cœur ;
Minuit, ma pelle,
Et je recouvre de larmes
Le cercueil qui garde ton souvenir...

Minuit m'appelle
Et toi
Tu t'es tue
.

 

Jonathan Le Sant

20 juillet 2015, Arènes de Lutèce

 




#305790 Rive gauche

Posté par Tavulartiste - 09 août 2015 - 06:16

Rive gauche

 

Sur la rive gauche, il y a les armes,
Les armes de la République,
Des voix sans visages,
Ou seulement médiatiques,
Et des mots maladroits
Siégeant dans l'hémicycle.

Jonathan Le Sant




#304130 L'Espagnole ou Dolorès

Posté par Tavulartiste - 02 juillet 2015 - 06:49

Merci les copains =)

La première strophe se chanterait bien oui =)




#304060 L'Espagnole ou Dolorès

Posté par Tavulartiste - 01 juillet 2015 - 10:01

L'Espagnole ou Dolorès
 


J'ai fait un rêve indolore
Où tu m'attendais dans l'eau
Où tu m'attendais dans l'aurore
Et nous tournions tous deux le dos
A toutes nos nuits incolores

 

Dans tes yeux d'or brillait l'Espagne
Tu portais fièrement son drapeau
En un superbe pagne
Fidèle comme l'écho
Je répondais à l'appel de ta peau

 

A l'appel de ta peau

 

J'ai fait un rêve indolore
Où tu parlais le soleil d'Andalousie
Et moi je chantais ma poésie
Dans tes cheveux sonores

 

Ha ! Tes cheveux ! Je m'en souviens encor !
Et leurs parfums ! Et leurs navires quittant le port !
Je me sentais l'âme d'un conquistador !

 

Ô ma douce Dolor
J'ai fait un rêve indolore



Jonathan Le Sant