JARDIN PUNK.
Hé oui! Hé oui!
Il faut s’y faire,
voyez-vous,
notre avis interne,
nos considérations oiseuses ou non ne sont pas requis ici.
Oui,
au final,
au fil d‘un pas puis de l’autre,
cheminant par tous les temps,
en planche à voile rutilante
ou dans un 4X4 crotté de désillusions faisandées,
je suis arrivé à l’âge de fréquenter encore plus assidûment,
les bancs ombragés,
si possible en bois brut bien buriné par les ans,
de la fin d’après-midi ensoleillée,
là où j’en croise,
après un apéro à la gentiane ponctué de carrés de Tomme
suivi d’un repas léger
du genre pizza speck-Reblochon au lait cru-vraies olives noires
avec beaucoup de basilic croquant,
tout droit cueilli du potager de qui m’accueille,
ajouté à la sortie du four à bois lors du dépôt dans l’assiette
avant un arrosage vaporeux d’huile vierge non pimentée
accompagné d’un pichet de rosé bio bien frais,
pas glacial, juste bien frais,
suivi d’un sorbet aux myrtilles sauvages
vigoureusement nimbé de génépi artisanal.
Pas de café, merci.
Mais si vous avez de l’infusion de verveine,
je suis preneur...
Oui, voici arrivé l’âge béni d’écouter s’écouler
le lent mantra des clapotis de sources
dansant entre les cailloux verdis de cheveux habiles,
un cahier et un crayon à portée de main:
on ne sait jamais une muse pourrait surgir
d’entre les chèvrefeuilles en fleurs
et, telle une bouche invisible,
venir murmurer des vers à mon oreille,
on va dire à l’insu de mon plein gré.
Oui, la bienvenue au temps prospère
de respirer les fragrances évocatrices
des pinèdes après l’averse
alors que la terre expire des volutes ouvragées
d’arabesques androgynes,
tout comme à celui de rêver en regardant les nuages
ou un écureuil se promener au pied des bocages replantés.
Jadis,
je n’en disconviens pas,
lorsque l’occasion se présentait,
remerciant Jack Kerouac, Kenneth White
de m’avoir littérairement initié,
j’ai toujours pratiqué avec un ravissement non dissimulé
les simples bonheurs champêtres révélateurs et édifiants
éclairant durablement le cheminement hirsute désarticulé
évoqué plus haut.
Voyez-vous, braves gens,
jeune coq imbu, je pensais être détendu,
cool total,
roi du relax placide en zone rurale non hostile.
Que nenni!
En fait, j’avais tort,
je supputais juste crânement être aware
mais il s’agissait de pure spéculations.
Il me restait, de manière non-dite, beaucoup à apprendre,
encore plus à percevoir,
mais bon, je ne vais pas vous faire l’affront
de vous vendre à crédit du Gabin relooké
façon fin de soirée au comptoir d’un bar
à blues lacrymal bien gras,
un vendredi de giboulées cloaqueuses
où même les pavés rincés sont las, mégas las,
d’essayer de flanquer les pochetrons dans le caniveau
en leur murmurant:
« Débrouillez-vous, les glaireux,
les abonnés de la déroute,
les aficionados du dézinguage mental nocturne.
Nous avons essuyé assez de larmes caustiques,
de godets renversés,
de sang de réprimés.
Zapping sur pause!
Bas les armes!
Démerdez-vous, les glauques!»
Zooouuuuuu!
Même si nous le concevons cahin-caha,
nous allons juste convenir du fait que le temps a passé,
que, mesquines mais pas trop,
les années sont devenues décennies,
avant de retourner zoner sur un banc croisé au hasard
après un bon repas en terrasse entourée de crêtes enjôleuses,
où sinuent de discrets sentiers tracés
par les vers luisants et les lucioles
les soirs cristallins de pluies d’étoiles filantes.
Puis bon, allez savoir,
Merlin y est peut-être pour quelque chose.
Allez savoir…
Allez savoir…
Avec Merlin, Rambo, Mélusine, Morgane, les Schtroumpfs,
la Dame Blanche, la Vouivre, un pompier forestier retraité,
Idéfix à la recherche de champignons psychédéliques,
sans oublier la caravane publicitaire du Tour de France,
Pocahontas, Alain Voulzy et Laurent Souchon musardant alentours,
qui peut être sûr d’être certain d’être convaincu
de quoi que ce soit de judicieusement irréfutable
sans avoir été influencé
de manière consciente ou non?
Il fait chaud, hein?
Normal, vu la saison et l’heure.
Pas besoin d’allumer le barbecue,
on peut cuisiner sur le capot
même si le moteur n’a pas tourné.
Ne faites pas les bigotes,
Les timides ou les contrits.
Approchez.
Approchez..
Allez venez, que je vous fasse une petite place
dans ce jardin punk qu’est mon cerveau acidulé,
toujours un peu niais, je vous rassure,
on ne se refait pas, à part un peu,
et souvent plus par hasard que par vigilances.
Venez poser vos reliques osseuses à mes côtés
sur ce banc accueillant,
solide, stable, convivial, dévoué,
comme déposé là à notre intention
par des elfes bienveillants et discrets
vite repartis à l’ombre de leur habitat coutumier.
Venez.
Arrivez.
Veeeeeeeeenez.
Pas de chichis entre nous.
C’est comme à la maison,
comme sous un pont de chemin de fer
protecteur lors d’un orage forcené,
comme sous les astres dévoilés
une nuit d’étape de randonnée
quand après douze heures de marche,
on peut enfin se poser pour ouvrir une boite de sardines,
la dévorer sauvagement,
avant de se glisser dans le sac de couchage
pour s’endormir rassasié en regardant les étoiles.
Et qui sait
si dans quelques heures,
à l’aube,
un chat en ribaude ne viendra pas se poser sur votre poitrine
en vous regardant droit dans les yeux
lorsque vous les ouvrirez?
Cela arrive,
je l’ai vécu,
vrai de vrai,
alors que je cuvais quelques litres de Rodenbach à la grenadine,
bien au calme dans des dunes,
après un festival de rock sans pluie ni ange balnéaire.
Souvenir magnifique, voire magique!
Bref, tout est possible.
Tout est possible!
C’est ça qui fait vibrer la vie,
qui génère les bonnes vibes,
les pensées célestes,
les bons petits plats mijotés avec passion:
manifestez votre bonheur par de fervents applaudissements,
accueillez à bras ouverts l’expérimentation des possibles,
l’insatiable besoin de les fréquenter avidement,
d’en reluquer les multiples facettes aléatoires,
discrètes ou non,
de s’en repaître.
Redevenez enfants se roulant dans la neige,
flibustiers de ruisseau,
explorateurs de branches d’arbres,
Petits Princes ou Princesses
batifolant dans les éboulis
en chantant gaillardement
afin de chasser les dragons légendaires
et les gorgones analphabètes égarées
faute de carte IGN adéquate.
De cartes!
De cartes en papier!
En papier!
Oui, oui, ooouuuiiiii, ça existe.
C’est bien mieux qu’un GPS
si l’on sort des sentiers battus,
des allées en gravier,
des sentiers asphaltées,
des landes loties
volées aux autochtones,
des estrans dévoyés,
si l’on laisse les serpillières à la maison
pour cavaler vers les puissances à honorer
dans un paganisme éruptif complet,
global mais férocement non globalisé.
Mais d’abord une petite pause,
si vous le voulez bien.
Tenez, voici une pelle de plage presque neuve,
quelques formes en plastique,
de quoi fabriquer des fleurs en papier
à vendre aux pèlerins des sources taries,
un tube de protection solaire,
des bobs Ricard délavés mais sans poux.
Là, vous voyez quoi?
Du sable?
Oui! Du sable.
Zou!
Filez vous amuser un peu!
Nous papoterons ensuite.
Allez vous changer les neurones,
le temps que je digère.
Ou alors, optez pour une sieste.
Mais à la nippone, hein!
Pas plus de dix minutes.
Compris?
Que je relise ce texte
qui n’est pas vraiment de la poésie.
Comment ils disent les Ricains?
Speaking ou spoken machin, je ne sais plus quoi.
Je m’en fous
comme psalmodierait Jacques,
un presque voisin…
Voilà, c’est fait.
Bon,
j’en étais où?
À rêvasser comme d’hab,
pêle-mêle
à remplir des feuilles sans ordre,
à semer des mots hors-réseaux,
bref à arroser mon jardin punk intime,
à le partager avec une fière fiévreuse humilité,
car, on ne sait jamais,
sur un malentendu peut-être,
il pourrait sauter les murs
et paf,
enfanter des émules par chez vous.