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FlorentM

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Publications sur Toute La Poésie

Le sommeil

28 février 2017 - 09:45

Le sommeil : un abîme ouvert devant les yeux,
Deux mondes, les jamais, les secondes si brèves,
Un gouffre, le néant, élan mystérieux,
Glacé de l'inconnu menaçant de mes rêves.

Égaré, l’ego sème en draps silencieux
Les embarras, les cris, les chemins qui s'achèvent ;
Un jour oublié, las, déjà sentencieux,
Efface lentement les pas qui le relèvent.

Mon corps épuisé part en tirant les galères,
Déversé d'agonie aux ravins de colères
Dans les bris embrumés des lumineux désirs

Et sans grâce je tombe aux mélasses amères,
Effaré dans les bras de railleuses chimères
Dont la griffe est mon sang grinçant de souvenirs.

Il

05 février 2017 - 01:51

Il marche seul entre les brumes, telles des lambeaux fins de ciel qui tombent de l'obscurité. Les bras ballants, le pas timide, il laisse l'aléa tracer son chemin vers une destination mouvante, sans doute aussi belle qu'indéfinie. Ses jambes endolories peinent à progresser, mais il ne le sait pas. Il ne les ressent pas. En fait, il ne ressent rien. Rien qu'une image de lui-même. Il ne touche, il n'entend que des songes, pleins de vide et d'illusions. Son regard est ailleurs, hors du monde, comme piégé par l'immensité de son imaginaire oppressant, sauvage.

 

Sélène de ses bras de velours illumine
Une larme de rose, elle pose un rayon
Argenté comme un cil en oscillation
Et caresse le vent effleurant une épine.

 

Il erre depuis tant de jours, de mois, d'années, que seul un souvenir à demi effacé lui laisse percevoir un possible repos. Sans un bruit, sans un mot, à peine un souffle, il trimballe avec lui ce fracas permanent des idées volatiles, un silence si lourd, et le choc assassin de ses rêves brisés. Quand passe sur sa peau quelque feuille d'automne, il pense que la Terre encore s'est fanée, là, tout en haut de l'inaccessible.

 

Noctulescents venins
De ronces ;
Les brumes, à l'heure cristal,
Se seront tues.

 

Il vague dans les eaux des firmaments mélancoliques, des ombres défroissées. Un regret, parfois, lui traverse l'esprit comme une lame fugace : celui de n'avoir jamais, vraiment, pu aimer. Aimer… ce mot si vaste et mystérieux dont il avait, pourtant, mille fois cru comprendre le sens avant qu'il ne s'échappe, fonde au creux de sa main, tel un de ces flocons qu'un soir l'enfant qu'il fut se désolait d'avoir tués.

 

Des cimes, un regard, un ange ruisselant
Descend, rêve le temps, invente le mirage,
Il vante l'infini soupirant, mais l'orage
A quelquefois manqué dans sa rose de blanc.
Il est tel un bassin dur en cœur et cilant
Les ormes colorés, rébus anatomiques ;
Un jour il est venu crier devant la mer
Et l'or, et le parfum des limbes anémiques
A revu devant soi les syllabes de fer.

 

À force de mirer la brume, l'air s'était perdu dans un nuage. Seules quelques absences disaient encore ce qu'il aurait pu découvrir si l'aube n'était pas venue. Une larme se scinde, deux gouttes salées se séparent à tout jamais. Il les porte à demi-mots, les caresse de sa joue, comme pour en retenir quelque chose. Un peu de vie, peut-être. Un peu d'amour blessé. Ou un peu de folie, lui qui cherche l'Autre sans avoir jamais pu se trouver lui-même.

 

Une grive, la vie odieusement belle,
Abysse à fleur de peau, une onde, les chemins,
Ce vent, aventureux, qui me glace les mains,
Givre déraciné, tes flaques éternelles...

L'éphémère

10 janvier 2017 - 10:12

C'était un triste soir d'octobre. Le jour mourait à l'horizon dans un linceul éthéré, sans voir autour de lui craquer les feuilles brunes. Le vent, silencieux, berçait de sa fraîcheur l'absence des étoiles. Sa solitude était un peu la mienne : celle d'une âme qui s'égare au sein des brumes en espérant, peut-être, s'effacer avec elles lorsqu'un Soleil nouveau réchauffera les cœurs encor dignes d'amour.

     Elle, fine et silencieuse comme une ombre, me dévisageait. Le noir de ses longs cheveux et celui de sa robe se fondaient si bien, dans cette douceur fantomatique du crépuscule, qu'on aurait dit un drap de nuit la couvrant de la tête aux pieds. Sa peau, très pâle, semblait s'étioler à mesure que l'orange du ciel disparaissait. Et son regard vide, privé de rêve et d'illusions, lui donnait une allure ancestrale. Nos yeux se croisèrent ; d'abord furtivement, presque gênés, puis de plus en plus intensément, comme pour noyer nos propres douleurs dans le chagrin de l'autre. Et j'eus, pour la première fois de ma vie, le sentiment de comprendre quelqu'un, de ressentir sa détresse. Sans un mot. Une larme solitaire lentement ruisselait sur ma joue. Elle la suivit du regard, l'accompagnant dans sa chute. Puis replongea ses yeux dans les miens, plus douce, moins austère, comme si cette goutte avait tissé entre nous quelque indicible lien.

     Une poignée d'étoiles perçaient timidement l'obscurité, indélicats témoins de cette scène improvisée, insolentes de sérénité. Comme si l'idée même de mouvement s'assoupissait, ne laissant derrière lui que le frémissement du vent. Comme pour laisser place aux coups sourds de mon cœur que je sentais parcourir tout mon corps et résonner dans mes os, assourdissants. Et son cœur, à Elle ? Est-ce qu'il battait comme le mien ? J'aurais tant donné pour le savoir.

     Une fine brise se leva, chassant les feuilles mortes et noircissant le ciel. Au-dessus de nous, quelques branches oscillaient sur un tempo lent, laissant tomber leurs fragrances de bois humide. Le vent s'enhardissait. Les arbres tanguaient à son passage. Le Soleil fuit. La bruine vint. Nos mains brièvement s’effleurèrent. Surpris par la tiédeur de sa peau, je fermai les yeux un instant.

     Lorsque je les rouvris, j'étais seul. Elle avait disparu. Seul, sous la pluie et la morsure glacée d’Éole. Seul comme jamais je ne l'avais été, sans force et sans raison. Seul avec ce souvenir, gravé au fond de mes pensées...

De songes héliaques

27 décembre 2016 - 06:09

Un Soleil, en lissant l'auréole du vide,
Appelait l'horizon, au loin, dans l'inconnu,
L'orange se hissait sur la sphère limpide
Et l'abeille glissait dans l'air encore nu.

 

Instantanés
De mes soupirs ;
Les temps fanés,
Yeux de saphirs.

 

Quelques roses laiteux, lumineux bris de jour,
Se fondaient dans les bras de l'azur renaissant,
Un sourire passait sur les cimes, autour
De la rive où ses pas venaient lire le sang
Des heures boréales.

 

Choc en pénombre
Exponentiel,
Le verbe sombre
Au fond du ciel.

 

Avances nivéales,
Un rayon délabré s'élance à mille tours,
Aussi fin que lueur, une fleur en délices,
Voir ; et jusqu'à demain les songes d'artifices
Effluvent à lier de célestes atours.

 

Seul, un regard
Vain qui s'envole ;
Mire le phare
Et se désole.

 

Un abysse élancé, circulairement seul
Tombe des mots mal dessinés,
Alcôve où l'on ne sait les vents assassinés
Sur un tilleul
Bleu de cristal
Inendormi,
Le temps fractal,
Bémol en mi.

 

Les chemins effacés des enlacements grêlent
Un filament rougit par les failles liquides,
De leur immensité s'élancent les eaux frêles
En sillons lumineux fusant comme des rides.

 

La nuit s'en va
Sur une étoile,
Intime voile,
De ci, de là...

Une feuille...

08 décembre 2016 - 08:28

Une feuille glissant sur les plis de mon âme,
Automne, rêves gris, un seul en souvenir
Aux filets dont le vent ne voulait retenir
Un sol évanescent, riant sur une lame,

 

Une main caressant mes orages aphones,
Errances de la rime aux temps silencieux,
De corps effilé, vain, à peine audacieux,
Mirant ces avenirs dont les mondes résonnent,

 

Une idylle assonant tel un voile d'azur -
Un cil en mire l'air, iridescentes, lestes
Immensités aux chants des abysses célestes,
Informe, le rideau, la mer et sa brisure,

 

Une rose, un chemin de mes songes au soir,
Scintillement nacré de flaques passagères,
Quelques heures coulant en ses brumes légères
Et le soleil errant
dans ses limbes de noir...