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Publications sur Toute La Poésie

derrière l'inconnue

20 décembre 2017 - 09:26

Je la voyais marcher le cou droit comme un I,

L'épaule rejetée, le regard immobile,

Le bras gracile et blanc comme une liane agile,

Serti d'or et d'argent au dessus du poignet.

 

Elle avançait, la foulée souple et le pied délicat,

Comme un serpent monté sur des échasses grises.

Les longs cheveux lissés, aux mèches indécises

Ondulaient doucement à chacun de ses pas,

découvrant la rondeur de son épaule ambrée.

 

Ses bras, du reste de son corps, semblaient s'être affranchis.

L'épaule, le coude, le poignet puis les doigts

S'animaient tour à tour dans un ballet précis

Comme ceux que font bien les femmes de Java.

 

Le lent mouvement de sa main, de onze vers cinq heures

Accrochait au retour les plis de sa tunique

Claire, la rabattant dans un geste pudique

Qui couvrait un peu plus l'arrière de ses bas.

 

J'imaginais ses yeux, bleus comme un ciel d'hiver

Noirs comme une éraflure ou bien vert brocolis.

Je ne le savais pas mais ils avaient c'est sûr

La longue profondeur de la mélancolie.

 

Je ne le sus jamais. Elle tourna à droite.

Je continuai tout droit.

 

Je suis père

10 décembre 2017 - 07:27

Je n'ai pas du travail, enduré la souffrance,

Je n'ai pas patienté les trois quart d'une année,

A sentir, chaque mois, changer mon apparence

Et bien que radieux, me savoir condamné,

Mon ventre n'a jamais été votre repère.

Je suis père.

 

Je n'ai pas partagé mes signes indigènes,

Le contours de mes yeux, la couleur de ma peau.

Tous ces échantillons bien cachés dans mes gènes,

Qui restent confinés dans leurs vieux entrepôts.

Mon patrimoine intime oscille et désespère.
Et pourtant, je suis père.

 

Mais ceci, voyez-vous, n'a que peu d'importance.

Nous avons, croyez-moi, bien plus à partager

Que l'accumulation de vagues ressemblances,

Qui font que je suis "vous", en beaucoup plus âgé:

 

Ces longues années à guetter votre présence.

J'ai maudit votre absence, à présent je l'avoue.

Devant l'orphelinat, cette ultime impatience

Et l'intime évidence au premier rendez-vous.

Ces nuits à dissiper vos profondes angoisses,

Le sanglot qui s'efface au baiser confortant,

Ce "papa" laconique en guise de préface,

Et pour guider vos pas, ma paume qui se tend.

Ces moments singuliers qu'impuissant on espère,

Et qui me font clamer : "c'est certain, je suis père".

 

 

A la recherche d'une identité poétique

27 novembre 2017 - 10:19

Je suis du vérolé l'indigne sous traitant.

Goutant dans mon cerveau par des veines fécondes,

Coule un maigre ruisseau que, malicieux, Satan

Alimente d'idées obscures et profondes.

 

Je suis le vieux barbu aux vers entortillés.

Je cultive à plaisir le rythme et l'anaphore.

Mais que la douleur vienne et ma plume endeuillée

Laisse échapper un pleur mélancolique et fort.

 

Je suis le ténébreux. Je suis l'enfant prodige.
J'accorde aux mots grossiers de séduisants parfums.

Je suis le débauché et l'automne m'afflige

Du poids lourd à porter d'une langueur sans fin.

 

Chacun à sa façon, tour à tour, me tourmente.
Je suis un purgatoire, où des âmes damnées,

En quête de pardon, sans cesse, se lamentent

Et versent à grand flot des sanglots surannés.

 

Né un instant trop tard, discipliné dépôt,
Je suis un doux hospice où des vieillards malades,

Accoudés à mon front comme dans un tripot

Se plaisent à brailler leurs sombres jérémiades.

 

novembre à l'île aux Moines

28 septembre 2017 - 09:22

Novembre à l'île aux Moines

Entre les murs étroits

Où pendent pas endroits

Des cascades de lierre.

Le soleil engourdi,

Habillant de cretonne

Les nuages d'automne

Au dessus des chaumières.

 

La mer au pied d'Holavre,

Immobile et fumante

Affectueuse amante

D'un bateau solitaire.

La nuit sur l'île aux Moines

Laissant son lourd manteau

Glisser sous les vantaux

Au bas du cimetière

 

Nous faisions sous nos pas crisser les gravillons

Espérant dans le noir le tombeau des anglais.

Et nous sortions vainqueur de cette expédition

Agités et rieurs comme des feux follets.

 

Le bac,

S'emplissant à sept heures

Du joyeux bric-à-brac

Des derniers voyageurs.

Les rues,

Tournées vers l'île d'Ars

sous la lumière écrue

De fenêtres éparses.

 

La bruine,

Délicate et légère

Jouant les ballerines

Sous les vieux lampadaires.

Le froid,

Glissant sous les chandails

Quand le vent de noroit

Fait claquer les portails

 

Au jardin d'à côté, j'allais chercher du bois

Pendant que les enfants s'amusaient au pendu

Et sous le feu douillet du poêle suspendu

Nous dinions d'un gâteau de crêpe au chocolat.