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Depuis : De certaines choses

Posté par M.KISSINE, 14 juillet 2015 · 1 261 visite(s)

 
De certaines choses que je lis ici comme ailleurs m'arrive encore d'être étonnée par ce que j'appelle la "tentation d'Anastasie", par les querelles de chapelles, par l'avarice, la mégalomanie, les cours magistraux d'anticonformisme, par le très inutile combat entre les anciens et les modernes, etc. (Sur ce dernier point aucun doute quant aux survivants, puisque les anciens sont morts depuis longtemps, un soupçon de doute, en revanche, quant à l'éternité et à la gloire des uns et des autres qui n'est peut-être pas liée au nombre de lecteurs ni au bourdonnement que fait l'objet dans sa petite boîte).
Certaines personnes, pour de multiples raisons, ne peuvent ou ne veulent parler que d'elles-mêmes. On peut les craindre moins que d'autres qui préfèrent flatter, diffamer, lapider, censurer, calomnier des personnes qu'elles ne connaissent absolument pas, pour des motifs très simples, pour ne pas dire barbares.
Les personnes qui disent très fort être les meilleures, les plus fortes, etc., le font pour convaincre, pour se convaincre elles-mêmes aussi, fréquemment, n'est-ce pas.
Les "tièdes", les timides, sont en général vus comme des lâches - par les passionnés, les pyromanes et/ou les manipulateurs. Qu'y a-t-il de nouveau dans ces comportements ? Rien.
Parle-t-on des personnes, de leur niveau de liberté, de leurs choix, de ce qu'elles disent, de ce qu'elles font, de ce qu'on essaie de faire soi-même, de ce que l'on est ?
Peut-on revendiquer une reconnaissance pour soi et la railler pour l'autre ?
Qu'est-ce qui motive à tracer une (ou plusieurs) frontières ? La peur de l'autre ("l'altérité", comme on dit à la ville), l'envie de repli, d'entre-soi, la certitude d'être une élite, bien-née, au bon endroit, au bon moment, l'illusion d'avoir raison par droit d'aînesse, par modernité, par l'authenticité de son réseau, bien garni de miroirs judicieux et d'écoutes ? La liste serait vite moraliste, je le crains.
Qu'est-ce qui motive à détruire lesdites frontières, celles-ci ou d'autres, qu'importe... J'aimerais répondre : la poésie, l'art en général...
Je voudrais raconter cette histoire - histoire vraie – j'en suis témoin, c'était le 13 mai 2015, dans la salle d'attente d'un hôpital universitaire. Service gastro-entérologie, en sous-sol. Salle comble. La secrétaire, séparée seulement de la salle par une demi-cloison parle sans cesse au téléphone, d'une voix suraiguë. Les délais d'attente s'allongent - rendez-vous pris. D'une demi-heure à une heure, une heure et demie.
Arrive un grand malade, en pyjama, d'une maigreur terrifiante, accompagné par une toute jeune infirmière. Le temps passe. Cet homme hagard ne peut s'empêcher de se lever toutes les cinq minutes, il va à petits pas jusqu'au mur du couloir, s'arrête et revient s'asseoir. L'infirmière s'impatiente. Elle essaie de se distraire avec son smartphone mais il n'y a pas de réseau dans cette pièce. Elle essaie donc d'empêcher son malade, épuisé, de se lever sans cesse. Mais rien n'y fait. Il murmure qu'il est angoissé. Elle l'accompagne une fois, deux fois, puis renonce, atteinte elle aussi par l'impuissance et la rage de devoir attendre, attendre et attendre encore... Le temps passe de moins en moins vite. Je croise le regard de ce pauvre malade. Il essaie de sourire. Mais épuisé. Il repart, à peine assis, vérifie quelque chose d'invisible. Il a trop chaud.
Après une heure et demie, il rassemble toutes ses forces et prononce, distinctement, d'une petite voix mourante : "Il faudrait prendre en compte la présence effective de la conscience".
J'ai cru tomber à ses pieds.
Était-il vieux, était-il jeune ? Quelle question stupide...
 



Source : De certaines choses



Une réflexion à laquelle j'adhère...
"Le mauvais critique se reconnaît à ce qu'il critique le poète avant de critiquer le poème." (Ezra Pound)

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