Un souper extraordinaire

Dame Nature la première
Invite à souper la Lumière
– Ou du moins son ambassadeur,
Dame Culture, tout en fleur,
En blanche robe d'hellébore.
On guérit tout de cette amphore,
Indique l'hôtesse en tendant
Au ciel son verre triomphant.
Santé ! Longue vie, terre mère,
Ô nourriture nécessaire,
Aie pitié de tous les penseurs !
À ces mots la Culture, en pleurs,
Cherche un appui dans la tribune.
Hélas on n'a pas invité la lune :
Un murmure à peine soufflé
Prétend qu'elle aurait refusé
De jouer dans cette assemblée
Le rôle de la destinée
Pour l'une et celui des saisons,
Des colères, pour l'autre côté.
Le vrai, toujours est morcelé
Dès que l'esprit, dans la partie,
Préférant son hégémonie,
Ferme les bras de son compas,
Parfois, et l'on ne comprend pas
La rage des matières grises
Contre les parcelles conquises...
Mais si l'existant, converti
Par ce que la science dit,
N'avait d'essence que parole,
Alors la terre devînt folle
Autant que le ciel éloigné
Plus, même, hélas. Voyons ce blé :
Va-t-il, une fois, assembler
Tous les hommes aux mains calleuses
Dans le palais des nébuleuses ?
Cet or de la Nature doit
De terre et d'eau tout à la fois
Germer dans la douceur obscure
Ainsi que les pensées qui durent.
L'amnios de nos dualités
Porte des murs à élever.
 
Lignes brisées ©M.KISSINE – ISBN 9782919390175