Les deux sources de l'erreur
I Nous voulons ecrire pour faire rêver
a) Mais nous manquons notre coup dans l'usure de la langue
Le feu , la pierre, l'eau , la terre, voilà quatre murs porteurs du langage poétique. Or il est étonnant de voir que ce sont aussi les murs porteurs du monde. Apres quoi nous pouvons nous poser ces deux questions.
D'une part, Le monde est-il une oeuvre poétique ? Depuis l'homme qui regarde un coucher de Soleil, a celui qui detruit la nature, le sentiment général veut que nous trouvions la nature inspirante. Ainsi le coucher du soleil, c'est le sommeil de l'astre, c'est la révolution du jour, c'est la fuite inexorable de la vie:Je ne peux m'empêcher de citer dans ce sens le génie de Baudelaire , Son coucher du soleil romantique (_est il besoin de rajouter ndlr: Les Fleurs Du Mal ?)
Que le soleil est beau quand tout frais il se lève,
Comme une explosion nous lançant son bonjour !
- Bienheureux celui-là qui peut avec amour
Saluer son coucher plus glorieux qu'un rêve !
Je me souviens ! J'ai vu tout, fleur, source, sillon,
Se pâmer sous son oeil comme un coeur qui palpite...
- Courons vers l'horizon, il est tard, courons vite,
Pour attraper au moins un oblique rayon !
Mais je poursuis en vain le Dieu qui se retire ;
L'irrésistible Nuit établit son empire,
Noire, humide, funeste et pleine de frissons ;
Une odeur de tombeau dans les ténèbres nage,
Et mon pied peureux froisse, au bord du marécage,
Des crapauds imprévus et de froids limaçons.
Ainsi, la nature pose à l'homme de vrai problème de société. Mais comment imaginer la Biologie, la physique , la science sans matière? Et comment imaginer les mathématiques sans cailloux, sans chaleur , sans gaz et sans litre si, nulle part il n'y a deux cailloux à compter, deux degrés à comparer, deux pressions qui ne se multiplient, deux volumes en divisions ?
Un champs m'inspire, mais que m'inspire t'il ? Si ce n'est la brume qui sous le feu du jour depose la rosée , mouille la terre et s'evapore dès que viennent "s'agitater" le vents ?
Il en est de la sociéte , qu'en est il du poète ? peut il sortir de ces contingences ?
Existe t il un poème qui s'affirme sans les éléments, sans la nature sans le monde?
C'est difficile à croire , parce que le monde nous apporte deux choses
_une universalité, par ailleurs indispensable à la compréhension d'un poème. Cette universalité des choses incite le poète à user d'elle. Le poète parle du monde pour etre comprit, mais pour parler du monde il parlera de ce qui est plus répendu. Quoi de plus universel que le feu, l'eau, la terre , l'air quand nous en avons tous une experience complète?
_Une rêverie, celle ci découle de son universalité. Le Monde est une chose que nous contemplons sans efforts. Nous ne le regardons même pas. Car pour peu que nous ouvrons les yeux , c'est de lui même qu'il s'insère, pousser par la lumière, et qu'il se reflete sous tout les plis de la matière grise . Les oreilles n'ont pas a s'agiter pour ecouter le monde, c'est le monde qui s'agite pour s'offrir aux oreilles.
Alors quand la rêverie figure être la phase du cerveau ou l'esprit se repose, se divertit des choses, le monde lui apparait sous ses coutures les plus accessibles, les plus divertissantes . Allez je le dis, mais vous le savez déjà le monde nous apparait poétique.
Derrière les apparences Le monde est-il tant poétique? C'est bien la seconde question que nous pouvons nous poser, qui s'impose toute seule et découle de ce que j'ai dit. Comment y répondre?
Comment dire cette phrase de si bon sens " le monde n'est pas poétique " sans, tout d'un coup, sous entendre le poète est de mauvaise foi ou a une mauvaise vue, il refuse de voire que le monde agit sans lui, au deça de ces considérations, le monde ne se plie pas à l'harmonie poétique mais à un seul equilibre , un lien entre le hasard et le temps qui fait que tout va sans se poser de question , borner par le hasard, que tout est obliger d'aller pousser par le temps ? La poésie du Monde est une apparence pour qui donne de la valeur à cette apparence.
b ) Les mots et l'apparence
Le poète est il obliger de stagner à cette vision du monde, alors qu'il sait ce qui est faux, sur ce sujet personne ne pourra mieux introduire mes propos que ce brave Albert CAMUS:
"Comprendre le monde c'est le réduire à l'humain"
Je n'aime pas les petites citations aussi cette phrase n'est rien sans ce texte qu'il a ecrit, que j'aimerais vous voir méditer, je le connais par coeur, je rêverais de m'exprimer aussi facilement , pour dire des choses aussi belles
ecoutez cette profondeur, parcourez là ! emerveillez vous! faites y pousser votre jardin! s'il vous plait ami lecteur lisez!
De même et pour tous les jours d'une vie sans éclat, le temps nous porte. Mais un moment vient toujours ou il faut le porter. Nous vivons sur l'avenir : "demain", "plus tard", "quand tu auras une situation", "avec l'âge tu comprendras", ces inconséquences sont admirables, car enfin il s'agit de mourir. Un jour vient pourtant et l'homme constate ou dit qu'il a trente ans. Il affirme ainsi sa jeunesse. Mais du même coup, il se situe par rapport au temps. Il y prend sa place. Il reconnaît qu'il est à un certain moment d'une courbe qu'il confesse devoir parcourir. Il appartient au temps et, à cette horreur qui le casait, il y reconnaît son pire ennemi. Demain, il souhaitait demain, quand tout lui-même aurait du s'y refuser. Cette révolte de la chair, c'est l'absurde.
Un degré plus bas et voici l'étrangeté : s'apercevoir que le monde est « épais », entrevoir à quel point une pierre est étrangère, nous est irréductible, avec quelle intensité la nature, un paysage peut nous nier. Au fond de toute beauté gît quelque chose d'inhumain et ces collines, la douceur du ciel, ces dessins d'arbres, voici qu'à la minute même, ils perdent le sens illusoire dont nous les revêtions, désormais plus lointains qu'un paradis perdu. [...] Le monde nous échappe puisqu'il redevient lui-même. Ces décors masqués par l'habitude redeviennent ce qu'ils sont. Ils s'éloignent de nous. De même qu'il est des jours où, sous le visage familier d'une femme, on retrouve comme une étrangère celle qu'on avait aimée il y a des mois ou des années, peut-être allons-nous désirer même ce qui nous rend soudain si seuls. Mais le temps n'est pas encore venu. Une seule chose : cette épaisseur et cette étrangeté du monde, c'est l'absurde.
Je reviens tout particulièrement sur une phrase du second paragraphe "Le Monde nous échappe parce qu'il redevient lui même"
Et je déclare que nous sommes allés très loin dans la description du monde, ainsi les romantiques, déjà , malgré leurs faux airs bucoliques essayaient tous d'en sortir, qu'il s'étaient mis, pour beaucoup à dénaturer le monde en ne le décrivant plus tout à fait, en feignant seulement de le faire, que cela plus tard devait donner, le surréalisme, la négation du monde...
je dis là des évidences
II Nous parlons du monde. "Le monde nous échappe parce qu'il redevient lui même"...
a) Ne parlons plus du monde !
Ne nous attachons plus à cet art qui veut mêler les éléments, ne détournons plus tant les hommes en montrant , soumis a ce qu'ils croyent , que la poésie c'est bien ce qu'ils croyaient
dire feu , parler de la pîerre, faire couler de l'eau en grattant de l'encre, oui mais pourquoi?
Pourquoi continuer ce qui se vide chaque jour un peu plus de sa substance quand nous nous bornons à continuer l'oeuvre sans fin?
Soyons plus libres, des poètes libres du monde. Soyons Hommes et parlons d'abords pour les Hommes. Que croyez vous? milles sonnets élogieux ne sauveront personne du réchauffement du climat. La nature même se moque des intentions qu'on lui porte, elle se moque même de mourir.
L'homme lui ne mérite pas de mourir, il ne mérite pas même de ne pas connaitre la nature.
b ) A présent parlons dans le Monde
Vous vouliez tout à l'heure, m'ecrire ce mot admirable, ce génie de trois lettres... comment l'ai je appelé déjà ? feu il me semble.
Mettez le, allez y! mais sans la moindre mise en scène pour ce qu'il est, faites en sorte de ne plus user des 4 éléments pour faire émouvoir le lectorat autour de ce qu'ils sont ces 4 éléments!
allez plus loin!!!
Rapprochez vous des hommes, ecrivez pour eux, rencontrez les, c'est urgent, La poésie aura son rôle dans ces petits rapprochements..
Tuons l'egocentrisme poétique , faisons vivre par nos arts l'egocentrisme de L'humanité
Merci
Lambert
(le concours n'est pas terminé)
Lambert je lis avec plaisir ton long commentaire. Je commence - pour heurter l'usage - par la
digression.
Digression
? Aussi tu exagères avec tes postulats de départ genre
Nous voulons écrire pour faire rêver... Faire rêver ? Faire rêver toi-même ! s'il s'agissait de ça...
La nature pose a l'homme un vrai problème de société. Le rapport poétique ? L'homme pose à la société un vrai problème de nature... humaine ! Molière écrit 20,000 vers, pas un sur la nature oiseaux-fleurs-volcans-météores-nuages (ce mythe)... Le seul que je connaisse est
La nature, Madame, est fort belle aujourd'hui.
Nous parlons toujours pour dire autre chose.
Nous n'avons jamais évoqué l'art de dire, l'art de la profération - la transposition sonore de la composition - qui change l'écriture même
Fin de la digression
Je suis certaine que tu mesures l'étendue du... désastre.
Tu découvres ce qui existe déjà . Mais apparemment tu le découvres de toi-même, tu ne nous récites pas le cours de ce matin.
As-tu entendu parler de la théologie négative ? Elle procède par la négation ou par l'abstraction. Parles-en à ton prof ou plutôt exprime-lui tout ce que tu viens d'écrire, il ne manquera pas de penser à la méthode
apophatique (
apophasis: négation) ou bien
aphairétique (
aphairesis : abstraction). Elle consiste à se soustraire à toute adhérence intellectuelle aux concepts - mais comment faire puisque l'on recourt aux articulations du langage ? Processus : La négation se nie elle-même, l'abstraction s'abstrait de soi.
Cette pensée anti-pensée a dirigé toute la réflexion des années 1950, liée au structuralisme et au projet situationniste - mais aussi chez Lacan chez Derrida et tous les modernes philosophes du langage tu en trouveras d'amples illustrations.
L'indicible se situe à l'intérieur du langage. Comment parler de ce qui ne peut être dit ? "Il n'y a pas de métalangage."
J'oubliais !!! Mallarmé, la "
disparition élocutoire du poète" !!!
Ces questions se trouvent déjà dans l'ancienne Grèce, - pardon de survoler ainsi je ne peux pas faire d'heures sup demain je commence tôt.
Poétiquement maintenant, comment crois-tu que les poètes se soient tirés de cette
hyperconscience linguistique (William Marx) ?
Lis Jouve, Bonnefoy, Leiris, Roubaud, Reda, mais si tu lis Derrida ou Jabès tu ne verras pas grand chose qui distingue l'écrit poétique de l'écrit théorique. La poésie en est là .
Perso maintenant - ce n'est pas d'aujourd'hui que je te dis cela, je n'improvise pas tu sais avec qui je bosse ! mais pas qu'avec lui - perso je trouve, j'ai déjà trouvé, j'ai déjà ressenti profondément ce que je te dis là et j'ai longuement discuté ces sentiments (donc pense que je pèse mes paroles et stp
n'en sois pas contrarié) mets ton miel dans l'amère tisane

je trouve Camus (qui t'est cher) comme Baudelaire (qui t'est cher)
essentiellement descriptifs, et au plus loin de prouver ce qu'ils disent ou prétendent en acte, par l'art des articulations de la langue qu'ils écrivent.
Ils ne font pas ce qu'ils disent (dirait L.)
Bien qu'ordinairement salué comme un chef-d'oeuvre le sonnet de Baudelaire ne répond en rien à mes critères de recherche syntaxique, de plein emploi des ressources phoniques, de suggestion de sens... Mais bien sûr ce n'est que mon émotion et mon analyse qui sont en jeu, pas la Vérité universelle !
L'ennui avec les étudiants c'est leur virginité. Ennui ? parce que la
nouveauté du propos qu'ils découvrent les incline à croire à sa
vérité. et à prendre les deux notions l'une pour l'autre.
Avantage ? Nos leçons sont acceptées, parce qu'elles sont en avance sur eux (forcément) et donc nous ne sommes pas nous profs au chômage !
Mon sentiment reste pourtant le
plaisir que je t'ai dit en intro. Pcq ton énergie et ton ardeur sont bien rares, et ta conscience d'une nécessité d'une poésie prospective bien précieuse.
Bises drago
je t'ai écrit l'oreille au téléphone, en partie, mais à une seule voix
(oui je suis assez grande pour te répondre toute seule)
(et toi pour m'envoyer bouler (?)

)