Il y a longtemps
Dans un royaume enchanté
Vivait un poète
Roi de la versification
Prince de l’éloquence
Il déclamait chaque matin
Ses alexandrins aux roses du jardin
Mais une sorcière jalouse
Vînt une nuit lui voler
Son traité de versification
À l’aube, cherchant ses rimes
Comptant ses pieds
Il n’y arrivait plus
Et c’est en larmes
Qu’il traversa son jardin
Piétinant par mégarde ses plates-bandes
Il courut jusqu’à plus de souffle
Épuisé il s’endormit sous un saule
À son réveil une jolie fée
Murmurait à son oreille
Des vers libérés de leurs chaînes
Des vers sentant bon la fraîcheur du printemps
Et le poète métamorphosé
Par les nouveaux vents de la poésie
Alla raconter à ses roses meurtries
Tout son chagrin de les avoir blessées
Et son cœur si bien inspiré
Emporté par toute l’emphase de son verbe
S’assoupit enfin à la tombée du jour
Mais la sorcière exacerbée dans sa jalousie
Lui jeta à nouveau un sort
Le privant de sa belle éloquence à jamais
Le lendemain étranglé dans ses mots
Incapable d’émouvoir ses belles roses
Sa grandiloquence brisée
Il s’en alla se perdre dans le bois
Honteux de son bafouillage ridicule
Alors qu’il cherchait une corde
Ayant trouvé un chêne assez solide
La jolie fée lui réapparut et lui dit
« Va à la montagne. Couche toi sur l’herbe.
Et ferme les yeux jusqu’à la nuit. »
Et lorsqu’il ouvrit ses yeux
Devant le spectacle divin du ciel étoilé
Il comprit enfin le sens de la poésie
Ni versification, ni lyrisme littéraire, ni beauté de langage
Ne pouvait expliquer le cœur du poète
Il suffisait d’écouter le chant du Monde
Qui monte en soi-même et chercher l’accord
Avec la symphonie des étoiles qui nous subjuguent
Il avait compris que la poésie n’était pas dans les mots
Mais dans la rose elle-même qui se languissait au jardin…