Vous qui dansez sans me voir,
qui dansez sans savoir que moi je vous vois, non,
je fais plus que vous voir je vous sens
près de moi, près de nous,
car vous êtes je le sais,
le soleil espéré de tous ceux
qui voudraient se trouver à leur place,
dans la plénitude et la certitude de n’avoir à faire
que ce pourquoi ils sont nés,
ce pourquoi leurs deux pieds sont posés sur la terre.
Vous qui dansez sans me voir légère, légère,
vous êtes la beauté sanctifiée
envolée au-dessus des cratères de l’apesanteur
et de la peur des hommes,
qui s’enfoncent un peu plus chaque jour
dans les profondeurs des antipodes de votre légèreté.
Vous qui dansez sans me voir,
vous êtes le vertige absolu de l’amour universel,
dont vous tracez dans l’air
la trajectoire évidente sur le parvis du temps,
de l’éphémère et des actions de grâce,
dans la blancheur des après-midi des faunes,
dans la lumière des gares
et les stations d’un chemin de croix de la joie,
dont vous illuminez les pavés,
à tout jamais marqués par la poussière de poudre d’or
incrustée sous vos pieds.
Vous qui souriez sans me voir,
savez-vous qu’à vous voir,
et par je ne sais quel mystère,
je n’ai plus qu’à me taire,
qu’à vous suivre,
je n’ai plus qu’à sourire moi aussi.
Vous qui brillez sans me voir,
vous éclairez la nuit du théâtre des ombres,
et le noir du décor ne peut que s’effacer
devant la somptueuse évidence
de la clarté de votre corps.
Vous qui volez sans me voir,
au-dessus des lambeaux du savoir,
au-dessus des tombeaux de la gloire et des indifférences,
vous qui tracez des espaces à venir
infranchissables et improbables,
votre corps vous honore,
votre corps nous honore et nous laisse à rêver que,
pour un instant peut-être,
nous pourrions retrouver
notre si lointaine
et si précieuse légèreté.
à Polina Semionova
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