Il monte les marches d'une cité antique,
tapissées de mousse et rosée de cristal ;
les insectes bruissant, les oiseaux cantiques
jouent une symphonie au monde végétal.
L'Indien avance dans l'étouffante moiteur
d'un cœur tout vert enveloppé de brumes.
Il se glisse entre deux mondes perdus sous l'Equateur
entre chercheurs d'or et fils du Serpent à plumes.
Il marche dans les pas d'une déesse verte,
dans la forêt de lianes aux troncs morts entassés ;
aux feuilles-lances, calices -fleurs de la nature offerte
aux crocs du jaguar et serpents enlacés.
Sur le pont de cordes tressées son pas est vacillant
car la montagne tremble, gronde et désespère.
Un déluge s'abat en boue, sur la terre,
sous les cieux en courroux, sur tous ses enfants.
Sortant de la lumière, des larmes de géant,
tombent sur l'arborescence des fougères
ruisselant goutte à goutte dans l'abîme béant
où glissent sans bruit des serpents au regard vert.
Survivant de la Conquête, Il vivait paisiblement,
dans sa réserve perdue au cœur du continent,
libre, mais gênant pour les grands propriétaires
qui, pour or et diamants, convoitaient ses terres.
Homme de la forêt, entre le ciel et l'eau,
Dans une ombre dense peuplée de mille oiseaux.
Un jour il a fui, loin des hommes, et leur folie,
Errant jusqu’aux confins de son Amazonie.
Longeant les grandes chutes, au terme du parcours,
l'Indien avance au bord, et fixe le soleil.
Dans la brume irisée, le temps retient son cours ;
l'oiseau fond puis s'envole, et rejoint l'arc en ciel.
Les chutes se taisent et le murmure de l'eau,
le chant des sources, les flûtes de roseau
comme un chant funèbre
s'accordent puis
s'éteignent.