Je bois les mots, je les avale, les ingurgite. Je les dévore et les digère. Mais ça ne m'apaise plus. Fût un temps où les mots atténuaient mes douleurs, où ils consolaient mes peines. Fût un temps où les mots me suffisaient. Je n'avais qu'à voir l'immense étendue des ravages de l'amour. Je n'avais qu'à voir que mon sentiment si unique était en fait partagé par une multitude. Comment tant de gens peuvent-ils vivre dans une telle douleur ? Sans même se rendre compte que ceux qu'ils croisent vivent le même calvaire. On vit chaque émotion dans l'idée que personne ne pourra jamais comprendre, ni pourquoi ni comment cette puissance s'est logée en nous. Mais au fond dans notre différence nous sommes tous les mêmes … Comment peut-on oser prétendre qu'autrui ressent d'une intensité moindre ce qui ressemble au même schéma de situation ? Rien ne nous permet de juger ce que l'autre vit, tout comme l'autre ne peut dire que « ce n'est rien », et que ta mésaventure n'est qu'une page à tourner. Je ne sais pas si toi, si lui, si eux, même, seraient aptes à appréhender ma vision des choses. Comment pourrais-je oser prétendre qu'ils ne peuvent comprendre ?
Au contraire, tout en mettant une certaine barrière entre la pensée du cœur et son expression, les mots sont là, par métaphores et par images, pour te montrer que dans ta solitude, d'autres t'accompagnent et marchent à tes côtés, tapis dans la brume du désespoir. Mais j'ai beau boire les mots, les avaler, les ingurgiter, j'ai beau les dévorer et les digérer, je m'anesthésie et ne ressens plus cet effet de « baume au coeur » … C'est triste à dire, les mots ne m'apaisent plus...