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Anowarakowa

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6 réponses à ce sujet

#1 Guillaume d'Aquilée

Guillaume d'Aquilée

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  • Une phrase ::Media vita in morte sumus.

Posté 16 avril 2014 - 05:48

Sur ma terre près le matin il se fait orage,
Sur ma terre en Ouest le matin doit tonner.
Déjà l'Océan craque des pans de falaise en Ouest,
oiseaux de mer hurlent au matin,
oiseaux de terre rasent l'herbe haute comme les blés couchés
sur ma terre au Couchant des mondes
où le matin tarde dans le ciel d'orage.

Voici, et j'ai dit, le ciel n'est point encore distinct de la mer
et la terre, mon Ouest, hurle les oiseaux
qu'agite la promesse de l'éclair.
A point nommé l'obscur entoure
tout ce qui veut vivre et qui vient à vivre
et nul encore n'est frappé de sa charge de ténèbres.

Des plaines anciennes quelques hommes sont aux aguets
mais nul chant des hommes ne se joint aux premiers cris des bêtes
et les feux de l'hier s'éteignent en silence dans les cendres du matin,
sous la charge d'orage des nuages où l'éclair est pressenti
Mille pupilles noires se lèvent, ouvertes encore sur la nuit sans ténèbres
et les premiers embruns se mêlent aux clignements de leurs paupières de vivants.

Voici, et j'ai dit, sur ma terre en Ouest l'orage lève sa tête
et l'Océan, de toutes parts, craque les rivages où les bêtes inquiètes
convoquent les hommes à cette fête du poème
où s'en vient le matin par les senteurs d'orages et d'écumes:
Sur ma terre le Soleil !
Sur ma terre l'éclair et le claquement du Ciel !
Sur ma terre le déferlement des vagues en cascades
et le sifflement de joie de jeunes dieux innommés font du Ciel
et de la Terre un flamboiement sacré de mille feux:
C'est le vent et c'est la pluie, c'est le hurlement de tous les oiseaux
de terre et de mer, des bêtes lourdes mugissent
yeux levés au ciel et pupilles dilatées dans l'éclair !

Les blés battus éclatent tels des champs d'or sous les éclairs
Les tentes des hommes découvrent mille constellations inouïes
pour les yeux des enfants qui pleurent et des mères qui les consolent.
Les lances des chasseurs plantées en faisceaux couvrent la plaine
et certaines aussi seront touchées par l'éclair.

Sur ma terre aux orages le matin vient
Sur ma terre en Ouest un Orient s'éclaire
Et la terre en sa fête de vivants convoqués sous le Ciel
Découvre la mer au regard des enfants neufs du matin d'orage,
regard chargé des constellations des tentes dans l'orage
Regards lavés par la pluie d'orage et les mains maternelles,
Pupilles franches et noires dans le matin frais
Où le soleil porte promesse de blés et de chasses
Dans une lumière neuve et partout d'or.

Les lances sont aux mains des hommes
qui chantent à l'Ouest une louange aux grands morts.
Puis tournés vers le soleil ils peignent des blessures
et vont à leurs chasses dans le sourire d'un enfant moqueur
dont la main arbitrera les joutes au soir près des feux et des tambours.

Sur ma terre près le matin l'enfance veille dans la joie.



#2 M. de Saint-Michel

M. de Saint-Michel

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Posté 16 avril 2014 - 06:54

Un souffle large et puissant d'une grande beauté... (Je pensais, parfois, en vous lisant, à Saint-John Perse.)

#3 Cyraknow

Cyraknow

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Posté 16 avril 2014 - 07:05

Un texte d'une grande puissance et d'une indicible beauté, ciselé au vent du large et au souffle de la terre. C'est superbe.
Merci... Et bienvenu parmi nous.

#4 Guillaume d'Aquilée

Guillaume d'Aquilée

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  • Une phrase ::Media vita in morte sumus.

Posté 17 avril 2014 - 12:29

Un souffle large et puissant d'une grande beauté... (Je pensais, parfois, en vous lisant, à Saint-John Perse.)

Il y a une courte citation (imbriquée) de Perse, mais mon inspiration est plutôt du côté de Senghor et de certains poètes épiques américains - puisqu'il est question ici d'être contemporain d'un événement quelque part sur la côte ouest de l'Amérique précolombienne - en plus des classiques latins Ovide et Catulle, et du Flaubert de Salammbô.
La peinture de Frederic Edwin Church n'est pas loin non plus, ainsi que le souvenir d'un séjour parmi des Amérindiens du Canada.
Dans ce type de poèmes j'essaie de porter un regard détaché vers et au sein d'une forme d'existence étrangère au monde actuel et saisie dans son jaillissement. Même si, dans d'autres poèmes, l'événement peut être contemporain, son récit est inactuel et situé dans la totalité des événements naturels, réels ou imaginaires comme dans les Deux Fragments d'Atlantide.

 



#5 Hattie

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Posté 17 avril 2014 - 04:21

Dans ce chant touffu aux vastes étendues, je pense volontiers à l'empreinte de Walt Whitman, son style incantatoire, confiance en la Vie, orages et constellations. Jusqu'à la force des répétitions, regards altiers tournés vers l'Ouest, comme un soulignement de furtives renaissances.

#6 Cyraknow

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Posté 17 avril 2014 - 07:37

Je suis revenue le lire plusieurs fois, et il est vrai qu'on y retrouve des relents de Whitman, et tant d'autres choses aussi...
C'est vraiment un texte saisissant.

#7 AURE

AURE

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Posté 17 avril 2014 - 10:16

Farouche lumière.





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