Une canne mal assurée
Les gestes courts, usés,
Voici Anne-Marie,
Rassurée, qui sourit.
Le monde est étranger,
Vide, pendant l'été.
Comment faudrait-il faire ?
Le ciel, sourd, s'exaspère
Et rien ne sera dit
Sans larmes : Tout finit
Par l'eau de sa rivière.
Elle sait, désespère
Et se jette à mes bras
Comme un noyé je crois.
C'est un grand désamour
Qui dure de toujours
En plus jamais. Quoi ?
La foi ne suffit pas.
C'est terrible, madame,
À mon vieux coeur de femme :
Pourquoi les mécréants
Vont-ils si bien vraiment,
Quand je prie jour et nuit,
Terrassée par l'ennui ?
J'ose vous demander
Ce que vous en pensez…
Pour parler de la foi,
Hélas, je n'aurai pas
Le goût de vous mentir :
C'est un don, ce soupir
Profond de la prière,
En quoi pût-il défaire
Ce que les hommes font ?
Je ne le crois pas, non…
Cependant j'imagine
Une voix en sourdine,
En soi, faisant bonheur
Des saisons, ou des fleurs,
Tenant le seul pari
De la joie, de la vie,
Contre la terre entière
Si elle est en colère.
Anne-Marie se tait,
D'un sourire discret
Puis me dit sa détresse
En détails de tristesse
Et je l'aide sans bruit
À tirer l'eau du puits.
MMXII©M.KISSINE – ISBN 9782919390106