C'est un poisson canularium
Qui m'a mise dans l'aquarium.
Me suis sentie si ridicule
Dans un si petit vestibule
Que de bulles en bouclier
Je m'entourai, sur mon sentier
De sable et d'herbes aquatiques.
Aprilis était laconique
Et m'observait de son œil droit
Comme le fît un juge : Quoi ?
Croyez-vous qu'un rideau de bulles
Vous protège ? Quelle idée nulle...
Comme deux statues en miroir,
Inutiles contre-pouvoirs,
Nous attendions le bénéfice
D'une vague très novatrice
Ou du sommeil, ou de l'oubli.
Le destin n'est plus mon ami.
Je perdis toute confiance,
La vitre ayant plus de science
Que tous les livres que j'ai lus.
Le poisson semblait moins perdu
Que moi dans ma cage de verre.
Comment résoudre cette affaire ?
Alors que j'allais m'assoupir
Dans le ventre du souvenir,
Aprilis eût la bonne idée
De jeter dans mon eau troublée
Une poignée de vers bien frais.
Surpris, parce que j'hésitais,
Il s'approcha de la barrière
Invisible dans la lumière
Où je me sentais défaillir.
Il dit : Mais que crois-tu tenir ?
Et s'envola. C'est plus facile
À un poisson qu'on le dit à la ville.
Immensément seule à présent
Dans l'aquarium en verre blanc
Je sentis des yeux minuscules.
C'étaient les vers, ces funambules,
Qui jouaient ensemble au jacquet
Avec mes bulles, mes secrets.
Comme ils me paraissaient aimables,
J'allai m'installer à leur table
Sur un galet du meilleur goût.
J'appris leurs ruses et leur coups
Et nous avons joué ensemble.
Avec mes bulles dont l'eau tremble,
Nous avons traversé la nuit
Et je m'éveillai... aujourd'hui.
©M.KISSINE – ISBN 9782919390311