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Les tricoteuses du temps

Poème en prose

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1 réponse à ce sujet

#1 Leo Dhayer

Leo Dhayer

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  • Une phrase ::Auteur et traducteur. Animateur du label de micropublication artisanale OL'CHAP et du blog "A l'enseigne de l'ours danseur".

Posté 16 février 2017 - 08:36

Les temps étaient ainsi. Tout se dissolvait ainsi. D’où cette impression de n’être que tricot abandonné, qu’une main leste et impérieuse aurait démonté. Autour des tricoteuses du temps qui perpétuent leur ouvrage, il est dans le souvenir de chacun des sourires, des horloges débonnaires, de gros poêles rougissants, d’onctueux relents de café au lait, tandis qu’au dehors le ciel bas broute les trottoirs de la ville. Les tricoteuses montent leurs rangs maille après maille et puis détricotent. Comment ne pas trembler, alors que dans le foyer mort la cendre se disperse ? Comment ne pas douter, alors que  nulle part, jamais, on ne voit s’accumuler le fil de laine en une grosse, et ronde, et rassurante boule rieuse ? Le lait a tourné. Les seins des tricoteuses se sont taris. Leurs doigts sont usés. Plus de sourires. Plus rien que les soupirs de l’homme dépouillé de lui-même, sur un trottoir inhospitalier, que d’aigres nuées viennent à présent écorcher. Où s’en allaient ces instants qu’il ne vivait plus, qu’il ne verrait plus s’ouvrir à lui, vallons ensoleillés parmi lesquels il eût pu, quiet, bercer la tranquille assurance de son identité ? Pour quel usage lui étaient-ils enlevés ? Vers quels gouffres noirs les pirates invisibles qui se lançaient à l’abordage de sa vie le détournaient-ils ? Il fonctionnait, rompu, las, vidé, sans autre projet que celui de laisser derrière lui la somme inutile de ses jours enfuis. Si tout était comme tout devrait être, toute vie devenue indifférente à sa propre perpétuation s’arrêterait d’elle-même, sans échappatoire possible. Mais tout n’était-il pas, déjà, ainsi ? Et qu’était-il, cet effacement qui le jetait corps et âme aux frontières d’un néant illusoire, sinon le résultat de cette lente, démente apocalypse ?

 

 

Mon blog :

https://loursdanseur.redux.online/



#2 Julien Hoquet

Julien Hoquet

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  • Une phrase ::Je regarde un ciel étoilé et je me sens une grande humilité.

Posté 16 février 2017 - 09:57

Quand le cœur n'y est plus, les mains des tricoteuses se fatiguent et le temps s'arrête. Mais un cœur détricoté a t-il envie de recommencer?    





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