Le sens du voyage s'amenuise
Sur la carte des champs du possible.
Le hub global s'étire et s'épuise
En stase des espaces sensibles.
L'ailleurs aspiré par l'Occident
En un seul halo de démesure
S'est liquéfié dans les errements
D'une puérile désinvolture.
Exotisme éventé de selfies,
Tourisme fléché de carton pâte ;
Et ces jeunes indigènes sexies
A la merci de gras ploutocrates...
Surtout de la fête et de l'éclate !
Tous les bonheurs ont leur Ibiza.
Quant aux vieux plutôt branchés Pilates,
Ils sont au club faits comme des rats.
L'Autre lointain est un miroir vide
Où se contemplent tous les néants.
Rien que soi dans cette quête avide
D'un impossible dépassement.
Le pesant d'être du Balinais
Sera toujours la fatale idée
Que se fait l'Anglais d'un Balinais ;
Voyager est un transport d'idées...
Sous ces reflets de présence au monde,
Où sont donc les vastes horizons ?
Dans ces vies éteintes à la ronde,
Où brille l'étreinte des passions ?
L'aventure est cette servitude
De toutes ces rencontres étranges
Dans la veine de nos habitudes,
Dans le sang des Hommes et dans leur fange.
Le frisson affleure ce vallon,
Lys merveilleux de notre enfance,
Terre labourée d'obscurs sillons
En une litanie de silence.
Les forêts profondes de nos âmes
Sont les nouvelles terres lointaines,
Étendues vierges de toute trame
Sculptées aux vents que l'Esprit déchaîne.
Habiter l'immobile infini
Sous les ombres de la mappemonde,
Voilà l'unique cartographie
Des rives pures de l'Outre-monde.
