Merci Sinziana. Baudelaire a effectivement une poésie unique, une manière de ciseler les vers pour qu'ils atteignent le sublime, pour moi, il est sans équivalent. Je le relis d'ailleurs souvent.
Pour le reste puisqu'on parle de lycée, je partage avec vous ici un texte que j'ai aimé. Un de ces textes qui marque, et que j'ai conservé dans un cahier. Un de ceux qui donnent envie d'écrire...
Dans mon catéchisme, il y avait aussi un abrégé d’Histoire Sainte. Là, j’ai eu un choc.
« Au commencement Dieu créa le ciel et la Terre. La Terre était informe et vide, les ténèbres couvraient la face de l’abîme et l’esprit de Dieu planait sur les eaux. »
Des mots si simples et tant de choses dedans ! Soudain, autour de moi se déchainaient les cataclysmes, tout n’était que nuit et matière informe, néant terrifiant où rodaient des monstres incréés, ou l’infini des possibles s’entremêlait en lents tourbillons. L’Univers attendait de savoir qu’il serait. Je contemplai le souffle coupé le grandiose et la démesure, une épouvante délicieuse me serrait les tripes et m’affolait l’imagination …
« les ténèbres couvraient la face de l’abîme … »
J’en tremblais de bonheur.
Quels mots : « la face de l’abime ». Qu’est-ce qu’un abîme ? Quelle peut bien être sa face ?
Rien, rien, rien que des mots. Prenez « abîme » prenez « face » accolez-les, couvrez cela de ténèbres … Vous avez créé quelque chose de prodigieux, un colosse, un monstre, qui vous échappe et vous dévore. Ces mots je me les répétais à voix haute, je les lisais, je les écrivais, l’oreille et l’œil s’abandonnaient à leur envoûtement, l’âme plongeait dans un gouffre sans fond. Jusqu’à l’accent circonflexe de « abîme », sans qui peut-être la chose eut été moins parfaite, la magie moins efficace…
J’appelais cela « terreur sacrée ». Je ne savais pas encore que cela n’était que frisson littéraire, pacotille romantique, poésie …
J’apprenais à mon insu la puissance des mots et que quiconque sait assembler les mots, crée des dieux. Une bible qui commencerait par : « il faisait noir sur le trou », évidemment …
(Je ne connais pas l'auteur)
J'aime bien le contraste entre "Les ténèbres couvraient la face de l’abîme" et « il faisait noir sur le trou ».
Deux façons différentes de dire la même chose. C'est beau non ?
WV