MarcoPolo

Avec ce qui m’a fait
Tel que je suis
Militant perplexe
Au cœur dérouté

Sans début ni fin
Sans but ni projet
Sans demande ni intention
Sans attente de retour

Telle que tu es
Intense et fluide
Cause de joie
Sans rime ni raison

Je t’accueillerais
Tout entière
Dans un fort intérieur
Aussitôt transformé

Ô Mère Nature tu nous crées animaux

Au travers d’orifices vaginaux

Nous n’avons pas demandé à être

Dans un corps et un genre qu’il faut bien mettre

Dans une famille et une époque

Dont il est clair que tu te moques

Pour des existences contre lesquelles

Nul n’a le droit de faire appel

Notre dernier jour venu

Tu captes nos atomes par le menu

Pour les intégrer à ton manteau

D’air, de terre et d’eau

Ou à d’autres vibrions

Et pour ces dons nous te devrions ?

Si nous t’écartons

Pour un dieu en carton

Dans son infinie clémence

Que ferait-il de plus immense ?

Face à ces demandes irritées

Laisse-nous juste la liberté

De chercher pour tes créatures

D’autres destinées et d’autres futurs

Les insectes se sont retirés discrètement

Mais nous avions nos écrans à fixer.

Les oiseaux ont cessé de chanter

Mais nous avions nos écouteurs dans les oreilles.

Les fleurs des champs se sont évanouies

Mais c’était trop loin de nos villes.

Dans les pays du Sud on mourait de faim

Mais nous vivions dans le confort.

Les migrants se noyaient en traversant les mers

Mais leurs malheurs ne nous concernaient pas.

On nous nous répétait que la situation était grave

Mais nous avions d’autres chats à fouetter.

Il aurait fallu vivre de façon plus sobre

Mais sans toucher à nos modes de vie.

Des guerres ont fini par éclater partout

Et l’humanité a déserté les terres dévastées.

Parmi les êtres vivants qui lui ont survécu

Pas un seul ne l’a pleurée.

Une tribu de singes vivait plutôt bien dans son coin de forêt.

Depuis l’autre rive d’un grand lac salé,

D’autres singes moins lotis y venaient attirés.

Un bateleur connu s’en plaignait avec amertume :

« Ces macaques, professait-il, ne cassent pas les noix selon notre coutume,

Ils vont nous envahir et se multiplier comme des rats. »

Un jour en l’épouillant, une princesse guenon lui susurra :

« Foin de jérémiades, renversez plutôt le roi des singes… »

Ne se sentant plus, notre bateleur se creusa les méninges :

« Chassons ces macaques pour retrouver l’Eden,

A tous nos problèmes, c’est la solution certaine ! »

Remportant un vif succès avec pareille promesse,

Il supplanta le roi, conseillé par sa princesse.

Or depuis un moment la forêt se desséchait,

Car les tribus en faisaient un usage irraisonné.

Elle brûla enfin tant que nul arbre ne resta debout,

Plus de fruits, plus de noix, pas un bout.

Avec force horions et quolibets vengeurs,

La foule en colère se tourna contre le bateleur.

On voit doublement par là qu’à chercher des boucs émissaires,

On court le péril de manquer les actions nécessaires.

Il en est des humains

Comme des plantes

Certaines proximités

Leur font du bien

Tel arbre ouvre à une variété

L’espace pour sa floraison

Parfois le bénéfice

Est plus souterrain

Dans l'obscurité

A tâtons les radicelles

Vrillent et se goûtent

Pour d’étranges symbioses

La raison n’en sait rien

Mais le cœur les sent

De façon infaillible