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Hannah9

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#276450 Suite en fa

Posté par Hannah9 - 20 août 2014 - 05:53

Voici que s'élève le claquement tapageux de notes émouvantes entraînantes. Suite en fa. Une familiarité passagère, l'intuition d'un espace vertigineux tant il nous expose à la loi de son chant martelé, réconciliation. Qui dément grandit nos voyages, les révèle. Dès que je l'ai éprouvé, j'ai glissé une main étroite dans le mien-espace : s'y trouvaient Roussel en répétition, des tapisseries de glycines jointes en bouquets et se déroulant en longs voiles clairs au dessus-de mes yeux, et un bref effroi largo, dont le mi sourd envahissait l'espace. Il était midi par la fenêtre.

Mémoire. Et séduction d'impossible, accéléré tempo.

J'ai entraîné maman à danser, c'était trop d'insolence. Je vois encore ses pas interdits sur mes joies transgressives. Exploit amer, elle ne pouvait suivre la cadence : j'étais responsable. Et pensées, scabieuses, violettes, tout odorantes pour elle, se figèrent d'horreur, et la clarté déchirante du ciel nous fit violence. Sa lèvre d'oubli mauve nous brûla à la limite de l'aube glacée. Nous arracha un hurlement. Personne ne témoigne pour,

le témoin.

 

Nous continuons de danser, plus de réponse. Et suite légère, meurtrière lente descente pianote : qu'ai-je fait ? L'inavouable indécence du souffle en fa, la bataille pour la note soupçonnée de s'être envolée dans la couleur, en une unique montée, un unique désir, souffle simple étincelant. Puisse le regard devant ce vol n'être pas accusateur. Jamais plus, très ancienne prière de mon enfance. Même maman murmura "rosebud", au terme de la ronde. Ses lointains chemins de campagnes odorants, dans la désolation des champs, brisèrent la valve maladive, et les mots s'en retournèrent salutairement humides. Elle parlait seule : son don était immense.

La chambre tubeless ascétique respirera. Bleue voiture ronronne sur nos genoux.

 

Sue un banc, nous nous sommes arrêtées, sur le motif. Un jour de confidence. Nous parlions en deuil d'adresse, estropiées, sans parvenir à nous atteindre. Soudain, un chat nous aborda très à-propos. Souplesse. Il s'invita irrépressible. Il nageait sous nos mains, répétant de ses longs élans consolateurs : l'été est sans détresse. Les arbres inapaisés dressaient l'oreille. Leur visage se mit à changer sous la partition vibrante de leurs branches, qui verdoyaient aquatiques, et nous offraient ainsi la grâce de leur discrétion. Un bleu espace poignant, enlacé de fines ciselures - haut salut. Ces rameaux subtils donnaient à l'échange une légèreté telle qu'il fallut faire effort pour contenir l'émotion, car cela faisait longtemps qu'elle nous avait tourné le dos. Prélude largo, main gauche au contact de terre, merveille de vie et de fragilité. Incessamment à conquérir, à libérer de toute captivité. Berceuse belle, do do maternel. Ces accords répétés en autant de caresses, dans le calme de l'église déserte de la Madeleine. Je pensais à mes sœurs endeuillées, et leur sainte obéissance.

A notre départ, le félin nous suivit quelque temps, comme pour nous dire toute la sincérité de son empathie. La bruine qui accompagna nos adieux nous surprit à peine, prélude de la goutte d'eau à la lisière du monde. Infime variation.

 

Le soir même, nous recevions le sillon amical de traces oubliées, suite à un concert coloré au 10ème étage. Vue sur la lune, énorme, dîner très animé, diesel fébrile dans le bleu sombre. Riche d'évocation et de nostalgie. Le vin nous tendait sa joue rose et vivante, peu regardant sur les années d'absence. Il faisait se côtoyer et s'enchaîner l'enjouement et la tristesse profonde, les stigmates joyeux de ses hôtes, une Shekhina en robe bleue, Federer au chapeau vu dans une exposition exceptionnelle, dans un montage singulier et déroutant. Petites touches, pour suggérer longs aplats de couleur profonde jubilatoires.

Sur le chemin de retour, l'espace se mit à chanter. La terre tangeante au ciel, duo s'émouvant réciproquement au cours d'un dialogue de longue haleine, éreintant, éblouissant. Leurs œillades répétées donnaient à l'air sa qualité de vertige. Nous étions ivres d'elles, apercevant par éclairs la fulgurance d'une simplicité autrement humaine. Nous étions dépassés. La vague était haute. Nulle manœuvre : nous marchions toutes mains ouvertes, droit à la clarté, angoissés exaltés, brûlants d'amour. Tes traits délicats dépassaient toute expression. L'amour éclos d'une immense ampleur de souffle, adorable départ. Les astres scintillaient cependant, nous les vîmes de justesse tout en nous couvrant de nos châles.

 

Chant de lune à la surface des choses, taches luisantes le monde, aux contours vibrants. Ce qui manque, tension des attaches de la suite en fa. Ouvre paysages d'abandon à l'efficace tendre. Nos lits gris continuèrent de nous bercer jusqu'à l'aube. La mer y veillait secrètement.




#275911 Premier départ - voix du poème

Posté par Hannah9 - 16 août 2014 - 05:53

tristesse de départ, oublieux de sa loi -

tourne-t-il encore l'abandonné, dans sa volte insolente, aux seuls bras d'une absence ?

 

 

j'ai laissé l'écriture à sa perte par désir d'elle.

j'ai laissé sa lame froide foudroyée s'enfoncer dans de plus vastes angoisses -

dire ces sites déserts d'où l'urgence fulgure. Condition âpre et peu enviable

impossible être au monde

marcherons-nous en sa loi de poème ? et délaisserons-nous par désir d'elle, tendresse de mère aux bras dévastés ?

Fuyant sa loi zibeline, elle nous hurle sa prégnance ironique et confuse. Le poète délire aussi, dans la contradiction des dunes.

Ses lèvres imprononcées s'engouffrent de nuit, engonsent leur mutisme en cliquetis terribles, et la fièvre menace.

Nous crions : chance !

Toutes deux, d'une seule ombre progressive, longue marche anonyme

terre promise aux lèvres froides,

traîne sa plainte dévastée

 

tristement deux, et le silence étend sa trame au péril d'exil

excès d'ombre et de désir

cette plaine de solitude, à l'enfance déserte

 

tous deux, d'une étreinte impossible

lente descente que tu ne pressens

 

et swinguent deux singuliers

voix d'absence, voix de départ

duo imaginaire dont l'amour ajointe

 

manque duel de clartés sans épreuve

l'ombre enfanta son absence, déborda de lumière aveuglement tenace

lunule jumelle, jour de lune ce fut

sourire d'étranger

nous balançons encore,

autre ma voix de lune

pour tendre indifférent

dune froide habitée de l'écho

 

volte endiablée, tendre valse de part et d'autre du gouffre

il y eut après, avant lorsqu'avant manqua

il 'y eut pas avant qu'une longue nage d'oubli, en immense exil

abandon -

 

incessamment attente

 

Oh ton nom d'impuissance

oh nos lèvre étrangères

ta pureté vibratoire tes ondes, à la surface des choses

écartelées de lumière

ton souffle entraînant vertical et ma voix

se dérobe jusqu'à l'embrasser

 

dos tourné à l'encontre de mer,

dos imbu d'être né, et de mien adverse

 

oubli de large, oh naissance oubliée

et mes chants d'abîme succombant le silence

et mes vagues airs de lune en clarté souveraine

 

manquèrent ses rives paternelles à l'assaut de nos bras

ses rives manquèrent à l'étoile de paraître

et l'astre ne faiblisse ! tendre lune au déclin, plongée en remous dangereux et duplices

 

 

dualité de jeu

chœur effrayé au regard refusé

premier détour de visage

elle page

qu'il fallut congédier

 

page tactile, mon corps

inatteignable

ce milieu, sa distance de contact

la page non pas mon corps : différence mon vertige

vérité déchirante nous ne sommes pas du jeu

 

absente écriture

il fallut décider d'elle

pour elle bien que muette

 

nos mains tremblantes

sous nulle autorité que l'interdit

spirituelle, sempiternelle absence

 

en face nous voici, sombres sœurs de doute,

sœurs d'allure étrangère.

Nous sortons de désert, marchons à l'astre

nos cuisses de sœurs tiennent la femme dévastée

douce eva sans visage

 

voix mienne au cortège de l'absence

sœurs inconnues notre constellation

force de mémoire sélénite, force d'oubli et d'instance

chant de tes lèvres au passage effleuré

rencontre éventuelle au lieu de l'absence

 

 

tes yeux noirs

lait d'aube

épousant la falaise

 

écartelés sourcils :

imminence de départ

 

tant l'ampleur d'espace aima nous rencontrer

preludespace tellement sienne

 

crions espace, tendre, et de longtemps frère

le soupir nous tiendra,

l'air entre nous se passe de paysages

il n'est que la voûte entre nous se dressant

 

tes lèvres âpre sel

poussière humide dont je m'inonde

un soir entre nous amonde,

il n'est que l'autre au souffle d'or

 

crions espace l'abandonné

nos lèvres de soleil humectées

 

la terre en nous sourd de plus belle amoureuse

l'espace d'une nuit, vaste similaire

que nous habiterons d'une volte enlaçante

incessamment écartelés

et de mort incessante

 

ce souffle doré entre nous,

morsure stellaire sur nos cols

anonymes douloureux -

baiser d'espace aux alentours

 

émouvantes asymétries entre nous exhaussées

et tournures poignantes au lieu de nos vies

 

oh grand départ cette voix d'absence

ta bouche replie l'effrayante ambiguïté

ces semences d'absence nous demandent :

passons




#275262 Hölderlin

Posté par Hannah9 - 08 août 2014 - 11:30

Le lire est aventure.

Aventure humaine dont on sort transformé.

Des parages commotionnants s'esquissent peu à peu au détour des vers - entre les mots - par l'œuvre d'une sympathie intense, d'une affinité profonde. Dans sa manière de sourdre dans la trame de la phrase, elle parvient à ce que d'elles-mêmes, les parties - plus fidèlement les périodes - qui composent le poème ploient tour à tour sous le poids du sens, laissé à une entière et inattendue liberté de mouvement. Elles se mettent à dévoiler des pivots inattendus, lieux d'ajointement dont la révolution à peine éprouvée remue le soupçon d'une intime effervescence.

Entre les mots : ce flot roucoulant qui tourne en drame du souffle. Ces deux moments en vis-à-vis, dont l'unique pli se découvre au cœur du poème- grand don de vie.

Respiration.

L'Atemwende de Hölderlin.

De ce souffle singulier, cette cadence donnant au silence sa qualité d'origine, l'espace déploie des possibilités insoupçonnées qui semblent n'être pas du ressort du poète, mais d'un surcroît étranger, qui ouvre la phrase à sa tournure, rend l'enchaînement nécessaire tout en le désenclavant. Passage frayé au sein d'un même milieu abyssal. Puits d'apparition. Nous sentons travailler la source, elle-même tourbillonnante, dont jaillit le poème.

Hölderlin a la douceur de Théétète. Sa délicatesse scintille, même au cœur du déchirement, en ces lieux souverains où tout vire, au premier chef dans sa langue (les années 1799-1800 en sont le symbole). Eclairs d'un cri imprononcé : Hölderlin - sa langue - fait éclore en un coup d'aile la douleur d'être au monde, et donne à l'impensable la voix de la tendresse native.

Il nous apprend que l'effroi n'est pas étranger au remerciement.

L'accent décline en gravité. Le poème devient monde, le poète son exilé. Ainsi prendra sens la tragédie de l'écriture, site où Hölderlin éleva un jour un chant de douleur et impressionna l'air, qui devrait dès lors le recueillir. L'espace baigné de ce calme déchirant que l'on voit passer dans le regard d'une mère. Tendrement, se déprendre de l'informe et voir se détacher en fleurs la figure, adorable bleuité d'espace.

Au cours de cette longue nage dans le sein de l'espace et du temps, le poète fut menacé par d'incessants assauts : tant l'assaut de l'apesanteur, quand les fines taches colorées composant le monde faisaient mine de décoller, explosions de joie, légèrement tenues à l'instant de l'envol - que celui de la perte et de l'absentement. Entre ces deux abîmes, précaire équilibre du poète dans sa volte purificatrice.

Peut-on seulement avancer au beau milieu d'un tel déferlement, au cœur du site impossible de l'inconditionnel ?

Submergé, Hölderlin garda cependant un regard sélénite, de sorte que nul désastre n'osa l'atteindre. "Il ne m'arrivera rien" répétait-il. "voilà qu'il mourut, tout doucement, pour ainsi dire sans agonie".




#273363 Golfe

Posté par Hannah9 - 24 juillet 2014 - 08:11

A tous les quatre :

 

je vous remercie pour vos passages respectifs. Entendre qu'une émotion est susceptible de passer à travers l'écoute d'un autre est toujours une grande joie.

J'aime beaucoup cette idée de frisson épique, si présent dans la poésie de Saint-John Perse qui m'accompagne en ce moment.

Je vous embrasse,

H




#273237 Golfe

Posté par Hannah9 - 23 juillet 2014 - 11:36

Abîme tonitruant des yeux, depuis une vague de silence.

Gouffre douloureux, golfe encerclant nos poitrines et berçant nos êtres à l'expire.

Quel délit nous tiendra joints ? Tendre frayeur de vivre !

Le lait délectable tourne meurtri et reflue dans l'impasse de nos gorges.

Oh pourquoi ces fronts déchirés de couronnes béantes ?

 

Monde de tes lèvres en cette heure émue

monde en l'heure interdite des retrouvailles, vis-à-vis de l'onde morte.

 

même le manque étouffa, jusqu'à sa pointe légitime

en des parages commotionnants,

même la pointe dissipa son exigence terrible -

nous errions, méconnaissables,

nous abandonnions l'abandonnée.

 

lame de la perte,

quand nous t'anticipons-

car nous sommes alors les témoins douloureux

de tes noces oubliées, légère ! à qui la mer aura tout pris.

Nous apprivoisons ta frappe endeuillée,

nos yeux de vase aimants t'embrassent, lame d'absence,

et te reconnaissent.

 

lame,

sourde résistance au sommeil de l'absence,

mémoire sourde et muette au lieu de l'absence.

 

la dernière nuit,

fête grise égrenée de prières constellées,

fête d'amour à la pointe du golfe

la calcaire disparaît, rongé dans son calvaire.

 

la lèvre de mer ne nous atteint plus,

les voiles tendent leur plus grande distance -

c'est-à-peine si nous la voyons fondre en clarté

sur nos paupières réconciliées

et sans plus dormir ou dormant déjà,

 nos adieux pénètrent de douceur ses rives écartelées.

 

 

 

 




#268020 Orage

Posté par Hannah9 - 10 juin 2014 - 02:39

Ciel inconnu, nous posons dans l'entremêlement de tes tons l'humeur de notre élan, le rythme de notre retour. Nous pressentons ton approche, et embrassons ta menace, chère occasion à nos voix.

 

L'orage est tout nôtre à l'extrême de ta plainte. Sa pointe fiévreuse monte en nos chairs sombres où le dôme ne pèse plus. Premier essor nuptial, joie, pressés contre ton aile.

 

Ton souffle fêlé nous mord sans trêve.

 

Sur tes bruines éprises et ton col mordoré, sur le nœud total de tes coïncidences, tinte et sourd la poitrine d'un autre bleu. Le sursaut interdit nous tient depuis, avide d'apparition, retenant par éclairs la pureté de son cri.

 

D'une seule pulsation, le contact est possible en l'emprise de ta loi, là où s'élève en transparence une voix de mer. Nous son poumon venteux dans le triste allant du départ. Nos têtes droites se balancent. Et l'horizon galbé tend sa couleur au ciel nu enfantin.

 

Au péril de l'ivresse, nourri de l'absentement de l'astre à lui-même, lune sans phase, puissant orage ! tu distingues le visage dévasté à temps, réconcilies sans l'occulter la fureur de l'éclair dans l'œil agonisant du doute.




#265029 Audace

Posté par Hannah9 - 22 mai 2014 - 05:30

Le temps outrecuidant a battu

l'œillade mutilée de l'amour -

un grand vide s'ensuivit, flanquée de nos êtres,

en fleur de silence.

 

Pleinement

le sursaut déchiré d'innocence

nous fut calme.

 

sur le flanc simple de la clarté, battus d'allégresse,

nous abandonnions jaillissant

prêts à recevoir l'épée du monde.

 

ta tendre lèvre fondant apode

libre sur le foyer dévoilé ;

son arc au déclin,

gelée d'email souvenirs en gerbes d'abîme,

toutes deux jointes

tant que nous sourd la poitrine,

ce soupçon à mûrir.

 

Oh ces terres fulgurantes aux traces inaperçues

interdites, et entonnant le manque -

le triste allant du départ

claironne sur nos grâces infidèles.

 

et terrassés comme emprunts d'attendre

plus profondément.




#263819 Au petit être

Posté par Hannah9 - 15 mai 2014 - 10:04

Merci à toutes deux pour votre précieuse écoute.

Le portrait que je tente d'esquisser diffère tout à fait des poèmes et de leur loi, c'est un autre registre comme tu le dis Boétiane. Ici, j'essaie de donner tout le poids à l'être dont je fais le portrait, le ton est familier, alors que l'infidélité et l'étrangeté doivent être à mon sens autrement radicales lorsqu'il s'agit d'un poème. Il s'agit plus ici d'une lecture que d'un saut dans l'inconnu, même si dans les deux cas, le travail consiste à s'approprier à l'étrange. Dans ce texte-ci, ce dernier est plus sous-jacent que manifeste.

H




#263473 Bleu départ

Posté par Hannah9 - 12 mai 2014 - 12:49

Merci à tous les trois pour vos lectures et leur générosité.

Heureuse que certains passages puissent vous toucher,

amitiés,

H




#263408 Au petit être

Posté par Hannah9 - 11 mai 2014 - 09:31

C'est un homme discret. Un homme de petite taille, que le soleil vient cueillir comme le jour. Il a le rythme de l'artisan, les mains terreuses et lourdes et la terre rase sous le ciel. Il s'empare de la vie par poignées, dans une fantastique impudeur. Il suffit de le voir déployer un espace de son rire sans jamais s'excuser d'être - gêne prodigue. Ainsi, il entre dans une pièce. Les timides en sont ravis : c'est un rire qui désinhibe jusqu'aux fantômes. Ferme mais non rassis, le voilà qui vous regarde de ses yeux clairs. La différence s'y dit, douloureuse, et tue dans la sève de ses clartés. Ce rayon délicat vous prend par la main, deux croqueurs intermittents dont la paupière fragile se baisse en silence comme pour battre la mesure. Ils n'ont toutefois rien de poseur, tant ils se lisent en l'autre. Avidement se dit son visage, au détour des sens à l'éveil de vous-même, légèrement penché, de sorte qu'un accent vulnérable se dévoile sur ses paupières presque closes. Le flanc du buste vous vient joyeusement dessus, fort en sursauts distraits et couleurs abondantes. Il règne en sa présence un air d'éveil, clarté du cuivre aux mains pleines et offertes. Fiévreusement. Il est au travail sur sa table tout incliné et pense en bâtisseur, on l'entend devenir en regardant par les fenêtres. Le proche et le lointain y sourdent peut-être. Il est à ce oint à vous que son front passionné dans ce long corps-à-corps trahit le pli mémorial de ses dédits, l'hile contradictoire du philosophe. Les joues mûrissent adorables et absolument tactiles s'empourprent. Intime pudeur d'ainsi se mettre à nu. C'est un convive à la confidence pudique. Ses désirs et ses rêves déclinent un théâtre de souffles, ses mines manifestes connaissent les plaisirs éventuels et jouent l'accord de deux lèvres, ajointées en la douceur d'une voix. Cette dernière, hantée de ses pairs, module depuis une berge amie un terrain commun sans trêve, au lapsus tendre. Il faut que le monde, tiers silencieux, soit fou de la musique de son approche cruelle et candide, sans quoi les fragments du réel s'effondreraient sur eux-mêmes. Le voilà démiurge à faire tourner le monde. Car il vit de surprises sur un chemin rieur, laborieux, et se joue éperdument de vous, sachant ou espérant que vous lui en saurez gré tout en niant qu'il vous sollicite.

 

Soudain, il vous enjoint de vivre comme un enfant jaloux. Le silence lui pèse. Ses yeux paniqués sont alors émouvants, lorsque rien n'en étoffe la détresse. Je les devine secrètement créateurs. Ils s'en défendent et s'arrachent cependant à la pesanteur imaginaire. C'est un envol tristement fidèle au sol répétitif abandonné en friche, loi de l'origine, lorsque pressentant violemment la voile, un vertige défendu s'enflamme de n'être que provisoire, croisée du réel puis volte-face tragique. Malade d'être au monde, il retient le vertige de ses paroles sensées et de ses larmes instantes au moment de la chute. Adieu de l'échappée interdite vers une fin d'ennui, ultime délicatesse, c'est qu'il souhaite son départ léger aux autres. C'est un homme discret, croyant malgré lui. Arc de ses cieux profanes et transgressifs, ces rameaux rabattus, terrestre voûte aux étoiles fulgurantes de la perte comme autant de lointaines passions rabotées. Sa distance aussi est amicale.




#260305 Bleu départ

Posté par Hannah9 - 13 avril 2014 - 02:44

La trace inoubliable que tu as laissée à l'endroit de nos poitrines

sera portée à une note d'unisson, purement tienne,

accompli que tu es,

ton souffle réel par nos sourds chants d'abîme.

 

offre-moi de mourir à ton être : chance endormie, devenir d'écriture

fin imaginaire que nous portons,

puissions-nous seulement -

imagination, ma plus belle douleur.

 

tu te quittes de moi, m'obliges à éprouver l'amour la limite

et je n'en sais pas plus de ce lointain, déchirant à hurler,

c'est que tu as ce privilège d'être désormais sans erreur

entièrement là -

mais si la douleur ne devait pas laisser une trace corporelle

de mémoire sous-jacente,

qu'aurais-je à écrire ?

 

tu n'as pas mimé ton départ,

mimesis, nouvelle évangile -

 

or le tien est radical, autrement puissant, je l'oublierais

si ton creux ne prenait pas d'effervescents visages, o inconnu

de traits sans figure,

ton amour éveillé en silence ;

 

l'humanité rendue à son étrangeté

l'humanité écrite.

 

avons-nous vécu l'arrachement

prodige

et préparé le saut -

souffle inconnu d'être seul

sur les fibres de nos chairs séparées,

o unies depuis l'ellipse d'un retard douloureux -

avons nous su le taire ?




#227102 Conquête

Posté par Hannah9 - 12 mars 2013 - 10:18

Il n’empêche que

L’air a tourné –

De nouveau des mécaniques

S’élèvent les murailles – ironiques !

 

Oui ma main froide

Je te donne, je te damne

En enfer- toutes les flammes

Depuis ma tour je déclare

Et déclame

A mon tour, roi :

Je trahis.

 

L’air aguerri

Genou à terre

Ne crois-pas - rembrunie

Que j’oublie  les visions,

Que j’oublie de la princesse

Le charme – meurtrie !

 

Et à nouveau je partirai – héroïque

Forte de ce qui nous échoit :

Réserve ton secret, roi !

Peuple un cœur, pulse et impulse,

Je partirai à la conquête

Oui fière je m’étrangerai

Jusqu’à mes propres terres.