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Laroche

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#324187 L'histoire n'est pas écrite

Posté par Laroche - 20 septembre 2016 - 08:26

Ils ont besoin d'un nom pour figurer l'horreur

Des corps décapités jetés nus à la fosse;

Mais ils se fichent bien que leur version soit fausse,

Quand ils te couvrent, seul, du sang de la Terreur.

 

D'Anton à leurs faveurs, qui laissa, sauf erreur,

Une veuve dix mois à peine après la noce,

Épouse, à dix-sept ans, du bienveillant colosse,

Mais qui fut, c'est certain, aussi, accapareur.

 

Fréron, Tallien, Barras, ou bien quelque autre, moindre,

Firent tant fusiller, noyer, tant massacrer

Que plus rien, pour ceux-là, ne demeura sacré. 

 

Pour te faire tomber, chacun jeta sa pierre

Sur toi. Puis thermidor les vit, sans honte, s'oindre

De ta sombre vertu: le mal, c'est Robespierre !




#322717 Hauts-Clos

Posté par Laroche - 08 août 2016 - 11:31

Je ne sais pas de qui j'ai pris

Cette âme dolente, ombrageuse,

Et cette rancune rageuse

Dont je paie chaque jour le prix.

 

Si je suis en butte au mépris

Ou paranoïa ravageuse,

Comment savoir ? Es-tu haineuse

Mon âme en tourment, qui ne prie ?

 

Sous leur capeline de tuiles

Les maisons et leurs senteurs d'huile

Somnolent au soleil d'été.

 

La chambre, que rien ne décore,

M'interroge et demande encore:

L'âge d'être ou d'avoir été ?




#322619 Porte de la Chapelle, soir d'hiver

Posté par Laroche - 03 août 2016 - 12:20

Bonjour. En effet; et j'ai voulu que le vers hendécasyllabique ne soit pas qu'une simple curiosité ou un hommage à Verlaine, mais aussi, avec la déconstruction des segments, un moyen de mettre en scène ce lieu "chaotique" qui ne fait pas partie du "beau" Paris mais qui mérite aussi d'être mentionné.

Cordialement.

Marc Laroche




#322615 Porte de la Chapelle, soir d'hiver

Posté par Laroche - 03 août 2016 - 08:57

La nuit maintenant est là, Paris a froid;

Le sang de la cité coule, rouge et jaune;

Bruit confus, tel le vent agitant un aulne.

Monte vers Saint-Denis, gisants des vieux rois,

 

En un long chapelet, incessant charroi,

Une colonne de poids lourds ; un pylône

complète, trop réel, ce décor de zone:

Paysage urbain empreint de désarroi.

 

Aux abords d'un sombre pont, le vieux bowling

N'offre à ses visiteurs qu'un étroit parking;

Sur le côté obscur, noirs dans la pénombre,

 

On devine des gens parmi des cartons.

Les détritus puants jetés là en nombre

S'écrasent sous leurs pas, tristes rogatons.




#322561 Les remparts de Trébizonde

Posté par Laroche - 31 juillet 2016 - 09:44

C'est Trabzon - Trébizonde-

Où je ne suis jamais allé,

Et où, de ma vie, je n'irai.

 

Avant moi d'autres, non des moindres,

-Tardieu, Place d'Italie-

Y sont, n'y sont pas allés.

 

Nom propre à faire rêver

Pareil à Surabaya.

 

Sauf qu'à Trébizonde ou Buchères

Du béton coule dans des banches.

 

De Roissy ou Surabaya,

Des avions s'envolent.

 

Des bébés dorment, des vieux meurent;

Des vieux dorment, des bébés meurent.




#322380 Une lumière dans la nuit

Posté par Laroche - 27 juillet 2016 - 03:24


 

Et écrire, écrire vraiment,

c'est viser à la connaissance

 

Annie Ernaux  Le vrai lieu

 

Je veux, pareil à Ponge, être cet enragé

Des mots, de l'expression, et de l'exactitude,

Acharné, comme lui, combattant l'habitude,

À dire au mieux les choses: écrivain engagé.

 

Contre l'obscurantisme, en son temps propagé

Par Vichy, dans ces mois marqués par l'hébétude,

Son Petit bois de pins, méticuleuse étude,

Sent déjà le maquis et l'espoir partagé.

 

Poète reconnu ? Là n'est pas son propos.

Il se veut vrai savant, cherchant une formule

Pour être de Littré ou d'Alembert l'émule.

 

Et livrer au lecteur la cuisine et le pot

Où l'œuvre, en même temps, restant à faire, est faite:

L'esthétique et l'éthique, ensemble, à même fête.




#321837 Amboise, soir d'été place du château

Posté par Laroche - 11 juillet 2016 - 12:23

Si j'avais eu trente ans de moins, Mademoiselle,

Je vous aurais parlé, au resto, l'autre soir,

(Nous venions d'arriver, vous vîntes vous asseoir)

Et vous auriez souri, je le sais, à mon mon zèle.

 

Un établissement, clameurs et vuvuzelle,

Offrait aux commensaux les "Bleus" et leur espoir

De vaincre la Mannschaft, austère en blanc et noir;

Des motards, à deux pas, débarquaient de Moselle.

 

Durant tout ce dîner, foin du porc en travers,

Je n'écoutais que vous, ma Joconde espagnole,

Tandis que bruyamment passait une bagnole.

 

Mais oui, j'étais jaloux ! De ce bellâtre vers

Qui je vous voyais tant pencher pour un câlin.

 

Vos jambes, sous la table ! Et puis ce short en lin !




#320720 Divins beaux jours

Posté par Laroche - 10 juin 2016 - 12:47

Ô les premiers bras nus !

Femmes, vous êtes belles,

Comme autant de cybèles

Des printemps revenus.




#315927 Jouer la montre

Posté par Laroche - 15 février 2016 - 09:45

Bonjour. Et merci pour votre commentaire. Mes poèmes ne sont pas qu'un discours, ils sont aussi une forme. Le sonnet doit condenser en 14 vers, et au prix de contraintes nombreuses, ce que veut dire l'auteur. Parfois il ne veut rien dire, et les poèmes sont de pure forme. Les miens, je souhaite les faire marcher sur deux jambes, précisément un contenu et une forme. Ici, le contenu touche à ce devoir d'inventaire que chacun est amené à dresser sur sa propre vie. A cet égard, la question soulevée par monsieur Séguéla sur ce qui fait dire à quelqu'un, passée la cinquantaine, qu'il a réussi ou raté sa vie, est passionnante. Mais la réponse -la montre suisse de grande valeur marchande- était celle d'un homme qui, ayant consacré sa vie professionnelle à promouvoir des produits de consommation, semble ne plus savoir mesurer la valeur des choses, mais surtout des êtres, qu'en terme financier. Il existe un article passionnant, paru dans Le Monde en 2004, et où le philosophe Robert Redeker oppose la propagande, qu'il rejette, à la publicité, qu'il valorise. J'ai toujours été profondément rétif à la propagande, qui a presque systématiquement des relents de régimes dictatoriaux, mais contrairement à Redeker, la publicité n'est pas non plus ma tasse de thé, car si elle est un mal nécessaire pour les échanges, elle demeure une pollution qui ravage les relations humaines. Ici, c'est ce que je tâche à synthétiser dans le vers 9, mais mon poème n'est peut-être pas réussi du tout, si l'on n'y voit qu'une attaque contre un personnage public. Je tenterai de faire mieux la prochaine fois.

Cordialement.

Marc Laroche




#315903 Jouer la montre

Posté par Laroche - 14 février 2016 - 06:51

Lorsqu'après cinquante ans, pareil à Séguéla

Le temps nous est venu d'un retour en arrière

Et qu'il faut estimer les heurs d'une carrière,

Ne faisons-nous pas tous comme fait ce gars-là ?:

 

Espérer, malgré tout, dans quelque Walhalla

Un pauvre strapontin, payé d'une prière,

Face à la vérité cruelle et meurtrière:

Quel seigle as-tu produit dans l'âpre ségala ?

 

Aucun. Tu as vendu du président, du vent;

Mais repense à "Regain", souviens-toi de Panturle:

Dans le village mort, il est la voix qui hurle

 

En faveur de la terre et la foi au vivant.

Pendant qu'il rebâtit et repeuple, simplex,

Chronos mange tes jours: dura lex, sed Rolex.




#311490 Dieu a besoin des femmes

Posté par Laroche - 24 novembre 2015 - 01:24

Avec son abondante et très noire toison,

L'actrice, au corps parfait, fouette le sang de l'homme,

Et dans le cinéma plus d'un se rêve comme

Celui qu'on voit fou d'elle, et qui l'aime à foison.

 

Ces films où vous montrez vos seins, votre blason,

Ils sont notre fierté, et votre honneur, en somme:

Au morne quotidien, précieux vade-mecum,

Vous opposez, béni de Dieu, votre gazon.

 

Femmes, n'acceptez pas d'être ces Belphégor

Qu'ils veulent tant priver du beau droit d'être belles,

Car ils ont peur de vous, admirables, rebelles.

 

Montrez-leur que l'on peut, même en priant Allah,

Ne pas céder devant l'imam ou le mollah,

Qui n'est autre, après tout, qu'un pauvre Athanagor.




#311353 En rupture de siècle

Posté par Laroche - 22 novembre 2015 - 10:06

Je retrouve ici cette sorte d'étrange colère verbale, à la fois donnant l'impression de partir dans tous les sens et d'une remarquable perfection formelle, qui caractérise les chansons les plus fortes d'un Léo Ferré.

Marc Laroche




#309663 la vraie vie

Posté par Laroche - 15 octobre 2015 - 01:01

 

Brassens a dit son sentiment

Sur ce mâle, sans queue ni tête,

Qui confesse la foi très bête

D'être un éblouissant amant.

 

Sans savoir pourquoi ni comment

Sa femme n'est pas à la fête,

Et au lit, grand champ de défaite,

Elle simule et elle ment ?

 

Que m'importe, si c'est le cas:

Qu'elle soit épouse ou compagne,

Foin de vos amours en Espagne,

 

Je les vois, elle et lui, ensemble,

Depuis trente ans et il me semble

Les voir s'aimer, face aux tracas.

 

 




#309083 Ressources des humains

Posté par Laroche - 06 octobre 2015 - 05:46

Ressources des humains

 

Dans les plans dits "sociaux"

En éternels perdants

Ce sont les travailleurs

Qui laissent leur chemise.

 

Mais en ces temps cruciaux

Ils ont montré les dents

Face aux déshabilleurs.

 

Merci, France, insoumise.




#306171 Alors tu aimeras...

Posté par Laroche - 16 août 2015 - 10:01

Onfray ne sait plus dire aux jeunes que: "Mourez";

Il veut leur conseiller, face à la décadence,

D'affecter, en coulant, la grâce et l'élégance;

Alors qu'ils ont vingt ans, des yeux énamourés !

 

Ils ignorent, pareils à un abbé Mouret,

Le péché; les vertus d'antan sentent le rance;

Et si la politesse, aussi, est déshérence,

Le portable permet de tout resavourer.

 

Nous les avons faits beaux, cependant, nos enfants;

Des vagues de fierté, de bonheur, des sourires,

Viennent nous envahir en regardant ces faons.

 

Un chemin où marcher, fuyant fric ou jihad,

Voilà votre destin, et surtout pas mourir:

Rêvez de Renaissance, et faites la Pléiade.