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Les Contes de Charlot Père : Le petit poulet !( Prose dédiée à ma fille, que moi j'aime en papa-poule !)

Posté par chevalier dupin, 11 août 2010 · 791 visite(s)

mes contes à se réveiller couché
Il était une fois, monsieur Coco Enrico et sa femme Cocotte Claudette, deux gallinacés qui avaient sept petits, tous mâles exceptée une Coquette femelle ; qui se nommaient Monocoq, pour l’aîné , Catamaran, Trimaran et Multicoq pour les suivants, Coqsix pour celui tombé sur un os, et enfin « Le-petit-poulet » pour le dernier né par amour-surprise !
On s'étonnera que monsieur Coco ait eu tant d'enfants en si peu de temps ; mais c'est que sa poule était rude en besogne, et n'en pondait pas moins de deux à la suite.
Ils étaient fort pauvres, et leurs sept rejetons les incommodaient beaucoup, parce qu'aucun d'eux ne pouvait encore se nourrir seul. Ce qui les chagrinait aussi, c'est que le plus jeune était très délicat et ne disait que vers.
Prenaient-ils alors inconsidérément pour bêtise, la poésie qui était une marque de la beauté de son esprit.
Il était très affable, et, quand il vint au monde, il était déjà expert en billets doux, ce qui fit qu'on l'appela le petit Poulet. Il était cependant le souffre-douleur de la basse-cour. Avec ses rivaux, l’on ne comptait plus les prises de bec. Il était néanmoins le plus fin et le plus avisé de tous ses frères, et, si faible il gagnait peu à battre des ailes ennemies, il chantait fort et beaucoup.
Vint hélas une année très fâcheuse. Une épidémie de coqueluche qui couvait après le mal causé par le bacille de Koch, laissa beaucoup d’oeufs sur la paille et dans l'air, la pauvreté consécutive n’étant volatile, Enrico et Claudette pensèrent se défaire de leur coquine descendance.
Un soir qu’elle s’endormait paisiblement, son père au pied du lit avec sa Cocotte, lui dit, le coeur serré de douleur:

" Tu vois bien que nous ne pouvons plus rassasier nos enfants. Nous ne savons déjà plus décrocher le coquetier et la folie nous guette. Bientôt tu verras que n’ayant plus qu’un grain, nous nous le volerons dans les plumes ! Je suis décidé à abandonner nos garnements au moulin, dès demain à l’aube, ce qui sera bien aisé, car, au jour qui se lève, pendant qu’ils s'amuseront à meuler tant et plus, nous n'aurons qu'à nous enfuir sans qu'ils s'en doutent.

- Ah! s'écria la Claudette, pourrais-tu toi-même mener tes cocos à leur perte ? Etre pire que le fumier sur lequel sans cesse tu ergotes ?"

Son mari avait beau lui représenter leur grande misère, elle ne pouvait se résoudre à l’infanticide. Elle était maigre volaille, mais elle restait fermière et fière maman. Toutefois, ayant considéré quelle douleur ce lui serait de voir mourir de faim sa progéniture, elle y consentit, puis alla se coucher en pleurant. Le petit Poulet ouït tout ce qu'ils dirent, car ayant entendu, de dedans sa couche, qu'ils parlaient d'affaires, il s’était approché en marchant sur des oeufs avant de se glisser subrepticement sous l'aile de son père, pour les écouter sans être vu. Ensuite alla-t-il se recoucher, ne dormant point du reste de la nuit, songeant à ce qu'il avait à faire.
Il se réveilla aux aurores, et s’en fut au bord d'un ruisseau, où il emplit son gésier de petits cailloux blancs ; à domicile rejoignant peu après son perchoir.
On partit, et le petit Poulet ne découvrit rien de tout ce qu'il savait à ses frères. Ils s’en allèrent ainsi chez le meunier, comme des poulains en fête au manège. Là, à peine arrivés, papa Enrico et sa dame, prétextèrent aller vite offrir un ver à leur cousin de bruyère voisine et s’éloignèrent, pourtant sans espoir de retour, laissant chaque enfant, qui à son chant, qui à son jeu, mais tous rapidement la gueule enfarinée.
Quand ils furent convaincus de leur abandon, ils se mirent à coqueriquer à la houppe de toute parenté dont le petit Poulet qui les laissait crier, sachant bien par où il reviendrait au poulailler, puisque cheminant il avait laissé tomber des petits cailloux blancs en les régurgitant. Il dit donc :

" Ne craignez point, mes frères et ma sœur
Bien que nous aient laissés là, nos géniteurs,
Je vous ramènerai saufs au logis,
Suivez-moi seulement par ici !"

Quelle ne fut pas sa stupeur, ne découvrant "que dalle !" sur la piste qu’il s’apprêtait pierre à pierre, à remonter !

« Qui a dispersé mes cailloux, sacrévindiou ?! » Rouge, hurla-il, au bord de l’apoplexie.

« C’est moi ! - répondit doucement Coquette en se tortillant sur une patte, - je n’ai rien dispersé mais j’ai tout avalé car maman m’a dit que c’est ainsi que je puiserais à la terre de quoi fabriquer la coquille de mes futurs oeufs !»

Sur ce, après deux heures d’errance, et d’hébétude buissonnière, six volatiles en déroute et un qui ne rimait plus à rien, virent fondre sur eux maître Renard déclarant « En voilà quelques uns qui ne seront pas perdus pour tout le monde, miam !»

MORALITE :

Même en vers et contre tous,
A vivre, l’on ne se glousse,
Que si c’est la chance qui vous y pousse !