" Eloge confiné ", à la manière de Saint-John Perse
Calmes…
j’aime le port altier de ma fille au balcon de colonnades blanches
les calmes s’élèvent sur les frondaisons de l’arbre à pain et au delà
vers la mer, dans l’ombre c’est le noir de l’âme des pirogues gorgées d’eau,
ils brancardent les morts, les pas sont fiévreux et lents, et lents
(nous étions confinés, eux, elle, nous. Seuls les chats chassaient les
rats dans les champs de canne désertés des négresses.)
la poussière pourpre recouvre le vert des manguiers, la poussière
assèche la pluie, assèche la foi des hommes tournant leur regard en dedans
et leurs pas immobiles et la poussière lave…
le gouverneur, seul, les blanchisseuses, et nos filles comme des joyaux
chamarrés dans l’écrin des cases et leurs robes
(et les chevaux immobiles)
Calmes... puis les regards altiers par dessus les masques et les pas se
croisent à distance et arpentent la mort dans le champ rond des oraisons
au loin les coraux figés figent les vagues
je parle depuis le silence
et la tête des chevaux.