123 amitié
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"Le sais-tu, la prison de ce confinement
M'a donné le plaisir d'écouter pleinement
La musique africaine et la kora malienne
D'Ali Farka Touré. Quelle beauté païenne !
Quelle simplicité ! J'en ai la larme aux yeux.
J'aperçois l'origine et le regard des dieux.
Moi qui suis, de Mozart, une inconditionnelle,
Voilà que je m'échappe en terre surréelle.
Et je m'y suis perdue ! Quel superbe désert,
Habité de prière au soleil et à l'air !
Et toi, dis, qu'en dis-tu ? C'est une chose étrange :
Nous sommes empêchés, plus rien ne nous arrange
Et quelques musiciens, morts depuis bien longtemps,
Nous font tant voyager que nous suivons le vent
Jusques au bout du monde. Imagine, c'est pire :
Aujourd'hui, je reviens du Tibet, sous l'empire
De vieux airs psalmodiés, moi qui suis là, chez moi,
Sans la moindre énergie, comme un morceau de bois…
– Ah, sans ce téléphone, en tous cas, cette histoire
Aurait péri au fond d'une barrique noire.
– À ton tour, maintenant, parle-moi de l'Afrique,
Puisque tu l'as connue, quelle terre magique !
– Magique, palsambleu ! J'ai assisté, un jour,
À un rite étonnant ; je m'en souviens toujours.
Un danseur, un sorcier… j'en suis encor tremblante…
– Oh ça, c'est incroyable. Une danse méchante
Et des flèches de sang ? – Non pas, mais le couteau,
Je le voyais très bien, n'était pas en sureau !
– Mince alors, ça c'est fou ! – Ça, c'est bien vrai, madame !
– À demain, mon amie ! – Demandez le programme !"
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©M.KISSINE
Radio-crochet souvenir, lors du premier confinement de 2020, d'une grande amie de… 93 ans