On se pousse on se presse
Devant les grilles aux jointures bien soudées
Une foule aux intentions bien campées
S'agglutine et se compresse
Au seuil bétonné
De mon humble commerce
Je vends de l'alcool ici-bas
J'active mon moulin à prières
Pour l'indulgence du bouddha
En ce jour pareil à celui d'hier
Je ferme mon rideau de fer
Pour m'éviter un stupide trépas
Ma femme au coin de la rue
S'inquiète chaque soir de mon sort
Nerveuse je la voie mordiller son fichu
Voyant cette mauvaise pléthore
Dont la violence avec l'heure s'est accrue
La perpective du manque les rende dolore
Un chien, parfois, mascotte étrange
Leche les papiers gras devant mon échoppe
Il badine au milieu de cette fange
Qui fulmine s'envenime et s'échange des clopes
Ces carnes lorgnent ma lucarne désincarnée
Si bas qu'il semblent me supplier
Rien qu'a l'idée que je puisse fermer
Leurs coeurs galopent
Ils cherchent dans l'oubli
L'étreinte des muses salopes
Dur métier en vérité
Que celui de marchand de liqueur
Peut etre croient-ils que leurs femmes
Leurs accorderont quelques faveurs
Une fois le breuvage ingurgité
Je contemple avec ferveur
Le ballet de la déchéance humaine consommée
Certains crient, certains gueulent
D'autres s'engoncent dans la nuit
De peur que quelques intrigants
Les aie surpris, les malveillants
La voisine ou quelques autres aïeuls
L' écho de leur vice assouvi
Colporté par de fielleux filleuls
Aux creux des oreilles sobrement assoupies
De ceux qui préfèrent le tilleul
A la boisson qui fait commetre des actes fortuits
Ma vie est un poème
Malgré mes gestes mécaniques
Je suis le semeur qui ensemence
Des etres qui s'imbriquent
Je me dis qu'aux heures blemes
Je serais le parrain secret
D'un petit etre organique
Qui s'eveillera à la vie avec un flegme
Preque comique
Je suis vendeur de liqueur
Je suis le dispenseur de reves
De ceux qui s'immolent dans l'alcool
Et mon activité n'aura jamais de treve
Car l'homme préfereras à une existence longue et molle
Les soubresauts des joies intenses et brèves
Des pets, des gazs
Et de la merde sous leurs talons
Je mets des ailes à leur semelles
Et les transforme en Pégase
Le plus bel des étalons
Je ne fais rien de mal
Et quelques uns je le sais
Chantent mes vertus
au mileu de leurs accablantes bacchanales
Avant d' absorber leur nectar d'un seul trait
La louange de mes bienfaits à corps perdus
Le lyrisme au contraire de l'alcool
Ne laisse aucune gueule de bois
Je m'en vais comme un roi
Laissant mes vassaux amateurs de fioles
A leur futur désarroi
Dans les brumes oublieuses
Des lendemains qui caracolent
Et malgré les plaintes de leurs foies
Ils se détacheront des corps qu'ils accolent
Au son des protestations hargneuses
de leurs concubines qui s'affollent
Pour revenir vers moi
- M. de Saint-Michel aime ceci