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Métaphysique


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675 réponses à ce sujet

#511 DanielFléau

DanielFléau

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Posté 02 mars 2015 - 01:16

et inversement



#512 Jérôme nyctalo

Jérôme nyctalo

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Posté 04 mars 2015 - 07:42

Le premier client de la petite file est  un grand type chauve et distingué, passionnément chauve, virtuose de la lingette lustrante.

- Et pour monsieur, ce sera? demande la jolie bouchère blonde dans un engageant sourire.

- Dix kilogrammes de quetsches, madame, s'il vous plaît.

- Gloups!...fait la blonde bouchère, au terme d'un haut-le-corps assez bien maîtrisé, mais qui a eu raison de son sourire. Je vous demande pardon?...

- Dix kilogrammes de quetsches, madame, des mirabelles s'il vous plaît, répète et précise le chauve, imperturbable.

- Gloups encore! fait la bouchère. Vous êtes dans une boucherie ici, chauve client...euh!...cher client! Alors, demandez-moi de l'agneau, du veau, du sanglier, du porc, ce que vous voulez, tenez, des rognons de porc, c'est très bon les rognons de porc, en plus c'est un peu la même forme que les mirabelles...

- Peut-être, mais on fait pas d'eau-de-vie, que je sache, avec des rognons de porc! grince le chauve client.

- D'accord, mais les mirabelles ne font pas partie des abats de porc! rétorque la bouchère.

- Oh! et puis zut! Je file à côté, ça vous apprendra! La poissonnière sera sans doute plus commerçante que vous! grommelle le chauve en tournant les talons.

- Ah C'est pas vrai! Il faut vraiment tout entendre! soupire la jolie bouchère...Hm...et pour monsieur? demande-t-elle au client suivant en rallumant son sourire.

- Je voudrais une belle tranche de pâté de Dahu, dit le client.

- De Dahu dextrogyre, ou de Dahu lévogyre?



#513 Jérôme nyctalo

Jérôme nyctalo

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Posté 15 mars 2015 - 07:30

L'homme tente toujours de vendre des cornichons sur le marché.

- Achetez celui-ci, s'égosille-t-il, il est plus vert!

Une femme s'arrête. Elle le dévisage, fixe l'étal, s'exclame très affolée:

- Mais où sont les sandwichs?! Ah! c'est pas vrai! Je suis venue il y a un an jour pour jour, à 12h21 précisément, sur cette place de la Métaphysique vous poser la même question! Et un an après, vous n'avez toujours pas trouvé les sandwichs?! Un an après!



#514 serioscal

serioscal

    Serialismo Rigoroso

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Posté 28 mars 2015 - 10:45

Qu'on me permette de penser que, si l'origine de
l'acception musicale de l'adjectif « sériel » se trouve bel
et bien chez René Leibowitz, la propagation de la
notion de série en musique doit, en termes de discours,
tout ou presque à Pierre Boulez.

La figure de Pierre Boulez est si considérable qu'elle
en devient quelque peu embarrassante. Sa carrière a
été jalonnée de polémique et sa personne a cristallisé
la plupart des controverses autour du sérialisme. La
dernière d'entre elles – d'ampleur, à tout le moins – est
celle de Benoît Duteurtre qui, dans son Requiem pour
une avant-garde, concentre toutes les assimilations
entre la sérialisme, l'atonalité et la personne de Pierre
Boulez. Mais peu importe ce débat d'arrière-garde. Ce
qui apparaît déterminant, pour ce qui nous concerne,
n'est pas tant la question de la « validité » du sérialisme
(la question est déjà tranchée) que le phénomène
proprement discursif que recèle le sérialisme musical.

 

Une chose est claire : Pierre Boulez appartient à
une lignée dont la filiation est de nature purement
lexicale. Une filiation dont la racine commune réside
non dans le sens du mot « série » mais plutôt dans sa
place au sein du discours.

 

Chez Charles Fourier, déjà le mot « série » prend un
ascendant exorbitant (avec une prédilection pour son
acception statistique). La série est, pour lui, le mode
d'organisation de la nature elle-même. C'est ce qui
justifie que la société soit elle-même appelée à
s'organiser en séries..

 

La nature emploie les séries de groupes dans toute la
distribution de l'univers : les trois règnes, animal,
végétal et minéral, ne nous présentent que des séries de
groupes. Les planètes mêmes sont une série d'ordre plus
parfait que celui des règnes : les règnes sont distribués
en séries simples ou libres (le mot libres signifie que le
nombre de leurs groupes est illimité) ; les planètes sont
disposées en série composée ou mesurée ; cet ordre,
plus parfait que le simple, est inconnu des astronomes
et géomètres : de là vient qu'ils ne peuvent pas
expliquer les causes de la distribution des astres, dire
pourquoi Dieu a donné plus ou moins de satellites à
telles planètes, pourquoi un anneau à l'une, et point à
l'autre, etc.

Une série passionnée est une ligue de divers groupes
échelonnés en ordre ascendant et descendant, réunis
passionnément par identité de goût pour quelque
fonction, comme la culture d'un fruit, et affectant un
groupe spécial à chaque variété de travail que
renferme l'objet dont elle s'occupe. Si elle cultive les
hyacinthes ou les pommes de terre, elle doit former
autant de groupes qu'il y a de variétés en hyacinthes
cultivables sur son terrain, et de même pour les variétés
de pommes de terre.

 

Cette caractéristique se retrouve également chez
Proudhon, bien que cet aspect de son oeuvre soit
aujourd'hui méconnu. On imagine mal le
retentissement de la « doctrine sérielle » de Proudhon.
La pensée positiviste, elle aussi, donné une
importance de premier plan à la notion de série. C'est
une tendance tardive chez Auguste Comte mais elle ne
fait que se renforcer au fil du temps. Quand Emile
Littré écrit son dictionnaire, le terme est directement
associé à la pensée positiviste. Progressivement, toute
la pensée scientifique de la fin du XIXe siècle
jusqu'aux années 1930 a subi cette pression de de
cette notion

Auguste Comte, Antoine-Augustin Cournot, Henri
Daudin ou encore Henri Bergson. – Chez tous ces
auteurs la série, si elle n'est pas « le » concept clé de
voûte qui'elle est chez Fourier ou Proudhon, exerce un
ascendant incontestable. Chez les deux utopistes que
sont Fourier et Proudhon, la série est centrale. Chez
ceux que Baudelaire appelait les « philosophes
zoocrates et industriels », la série est périphérique mais
sa dynamique tend vers la centralité. Il faut tout de
même que Daudin consacre deux ouvrages à l'idée de
série, ce qui serait aujourd'hui presque inconcevable
car les locuteurs d'aujourd'hui ne conçoivent pas qu'il
y ait quelque chose comme « la série ».

 

Si l'on parle de « la série » de nos jours, on s'entend
rapidement rétorquer : « Mais de quelle série parlezvous
donc ? »

 

La série comme objet autonome s'éteindra peu après
l'apogée conceptuelle que lui confère la philosophie de
Proudhon. Il est remarquable de voir que la « doctrine
sérielle » pour laquelle il a tant milité a été
abandonnée par ses successeurs, même si elle a
semble-t-il laissé quelques traces dans les sciences
sociales.

 

Même si « l'idée de série » conserve une certaine
aura jusqu'aux années 1920, le système de Proudhon,
controversé et même parodié par certains de ses
contemporains, est parvenue à un point de saturation.
Voici, par exemple, l'image qu'en donne Colin, ardent
défenseur du catholicisme, vers 1860 :

 

Après, avoir craché, sur le syllogisme, la bave de son
ignorance ; elle ne veut point avouer : qu'elle répudie le
raisonnement. Alors, elle invente une nouvelle méthode
de raisonner ; qui, d'après son avis : non-seulement n'a
point les défauts du syllogisme ; mais, se trouve être
parfaite.
Cette méthode nouvelle de raisonner, se nomme : LA
SERIE.
Avant d'exposer cette nouvelle méthode de
raisonner, je dois dire, pour exciter l'attention de mes
lecteurs : que, selon M. Proudhon lui-même, son
ouvrage sur la Justice, dans la révolution et dans
l'Eglise, est essentiellement basé sur la méthode
SERIELLE ; dont, dit M. Proudhon, il ne s'est jamais
écarté un instant. Ainsi donc, et je le répète : soyez toute
attention !
- "La série, dit M. Prouudhon, est la condition
suprême de la science, comme de la création ellemême."
- La création ! Voilà, du mysticisme. Mais, n'importe
: qu'est-ce que la SERIE ?
- "Le mouvement, dit M. Proudhon, est LA SERIE de
la force, comme le temps est LA SERIE de l'éternité."
- Je croyais : que le mouvement était l'effet, et non
LA SERIE de la force ; et que le temps n'était : que, la
succession des idées, et non : la SERIE de l'éternité. Mais
n'importe : Qu'est-ce que la SERIE ; et, comment est-elle
une méthode de raisonner ; surtout, de bien raisonner ?
Vous allez le savoir.
A propos de lumière et de série, M. Proudhon nous
dit :
- "Quel que soit le système qui doive un jour
prévaloir, ce dont nous pouvons être certains, c'est que
LA SERIE en sera la base, puisque d'un côté,
l'éjaculation du fluide se fait nécessairement en mode
SERIE, et que de l'autre VIBRATION et SERIE, c'est même
chose."

On remaque bien, dans cette critique véhémente de
la pensée de Proudhon, l'ascendant exorbitant qu''a
pris le mot « série » lui-même. Et c'est là un aspect
singulier de l'histoire de ce mot tant il est manifeste
que la métaphysique sérielle de Proudhon n'aura pas
d'héritage direct, alors où sa pensée politique a eu un
retentissement considérable sur l'histoire politique du
Xxe siècle.

 

Mais le cours d'une langue est tel que rien ne se
perd et que tout se transforme et la trajectoire
linguistique du mot « série » est le témoignage le plus
parlant de ce processus graduel et constant,
permanent. Aussi la discontinuité qui affecte la lignée
conceptuelle qui fait de la série un maître mot
(Diderot, Fourier, Proudhon puis Leibowitz, Boulez,
Deleuze...) trouve-t-elle son pendant dans la
dissémination du mot dans des domaines et dans des
discours de la plus grande variété..

 

L'histoire de la série, si elle observe un creux de
quelque soixante-dix ans en tant que concept
omnipotent, ne cesse de se ramifier dans ces deux
ordres de discours savant tandis qu'elle se multiplie (ce
qu'il ne faut pas oublier) dans la diversité des
domaines techniques émergents : manufacture,
cinématographe ou même sport (sans parler de
l'administration qu'elle structure depuis le XIXe siècle).
La pensée sérielle, satellite finalement de la pensée
scientifique et du positivisme, se résorbe avec leur
règne à la veille de la seconde guerre mondiale. L'être
et le néant est sans doute le dernier témoignage de cet
héritage pétri de rationalisme et voué à une acception
linéaire, continue et graduée de la série.

 

Ce qui émerge après la guerre est une série plus
convulsive, en effet. Elle n'est pas sans parenté avec ce
qui la précède. Mais elle ne lui est pas continue.
La série portée par le discours scientifique n'est pas
seulement continue en termes de traits de signification.
Elle est une pensée de la continuité dans l'ordre des
choses. Elle instaure une continuité entre la nature (le
tableau des espèces de Lamarck) et l'industrie (la
« fabrication en série », attestée en 1905, marquera un
véritable tournant dans l'histoire du mot).

 

La série post-atomique plonge au contraire dans la
discontinuité et l'arbitraire d'une réalité en crise. Le
sérialisme des années 1950 ne prend pas la forme d'un
tableau exhaustif mais d'une table rase.
Car le sérialisme musical est bel et bien liée en
quelque chose à des circonstances historiques
exceptionnellement graves : la Shoah d'un côté,
Hiroshima de l'autre. Qu'il suffise de rappeler le
cauchemar que fut la jeunesse de Stockhausen.
La série, jusqu'alors conçue par Schoenberg et ses
élèves comme un aboutissement de la pensée musicale
classique, devient l'instrument de la destruction
systématique des systèmes antérieurs. Il ne doit rien
rester.

 

Il y a quelque chose d'Attila dans le sérialisme
musical. C'est principalement la notion de « série
généralisée » qui va faire basculer tout un pan du
monde musical dans une frénésie qui n'a d'exemple
que chez Proudhon (aussi bien en ce qui concerne les
zélateurs que les détracteurs, d'ailleurs).

 

La série généralisée. Jacques rebotier a ironisé sur
ce terme qui apparente la série à un cancer. Si l'on
passe l'effet comique que chacun appréciera pour soi,
le rapprochement indique bien la suspicion que
l'expansionnisme affirmé de la série a suscité (et
suscite encore, peut-être plus que jamais).

 

Le rejet, faut-il croire, a été proportionnel à la force
du discours. Or, si un discours s'est affirmé tout au
long de la seconde moitié du XXe siècle non seulement
en tant que théorie de la musique mais en tant que
pensée musicale – et transdisciplinaire – et en ellemême
artistique, littéraire, c'est sans équivoque celui
de Pierre Boulez, dont les écrits forment une oeuvre à
part entière, dont l'impact excède largement sa seule
spécialité artistique.

 

La dimension littéraire de l'oeuvre du compositeur
commence, on le sait, à son écriture musicale ellemême.
Les commentaires y abondent et vont bien audelà
des notations conventionnelles qui se bornent en
général à des indications standardisées d'intensité et de
vitesse. Dans la partition boulézienne, l'indication
verbale touche tous les aspects du jeu instrumental et
demandent parfois de l'interprète un solide sens de
l'interprétation textuelle autant que musicale.

 

Mais l'oeuvre critique de Pierre Boulez demande à
être prise pour elle-même. Sans doute le premier coup
d'éclat est-il le fameux article intitulé « Schoenberg est
mort », qui dresse sans complaisance l'inventaire du
sérialisme tel que pensé par son initiateur. C'est un
article dur, iconoclaste (écrit au lendemain de la mort
du compositeur viennois, il formule des critiques pour
le moins radicale du conservatisme de Schoenberg, qui
ne va pas aux bouts des conséquences de son
invention) qui va contribuer à faire la réputation
d'intransigeance, voire de dogmatisme, de Pierre
Boulez.

 

Tout au long des années 1950 et 1960, un certain
nombre d'essais jalonnent le parcours de Pierre Boulez,
qui sont autant de coups d'éclat ponctués d'injonctions
fermes : « Tout musicien qui n'a pas ressenti... »
conclut l'article « Eventuellement » avec fracas.
C'est dans le cadre des journées de Darmsdadt que
la pensée sérielle de Pierre Boulez a pris la forme d'une
démarche totalisante, entièrement régie par le principe
de la série transposée à tous les niveaux du
phénomène musical. Le texte des conférences
prononcées par Boulez à ce moment, Penser la
musique aujourd'hui, n'a à ce titre aucun équivalent.

 

Ce texte, qui synthétise toute une expérience
(collective, puisque l'expérience de la série a été le fait
d'un groupe de jeunes compositeurs issus de divers
pays d'Europe), porte une ambition radicale : redéfinir
les fondements de la composition elle-même.
Le texte est d'autant plus complexe qu'il emprunte à
de multiples domaines, à commencer par les
mathématiques. Mais la part des mathématiques y est
finalement assez limitée. Il s'agit surtout d'emprunts à
la théorie des ensembles.

 

En revanche, ce qui transparaît clairement dans ce
texte, c'est la volonté de conquête. Ce texte, rappelonsle,
marque une « prise de pouvoir » institutionnel
(Boulez ayant pris la place de Varese, initialement
pressenti pour ces conférences).

 

Il institue un ordre complet – celui de la série – qui
se décline de la forme base de la série de douze sons
aux grandes articulations de l'oeuvre. Cette
progression analytique qui décrit le fait musical en
allant du cas le plus simple aux organisations les plus
complexes est en elle-même une forme sérielle, on ne
peut que le souligner et nous ramène aux fondements
métaphysiques de la série.

 

Ce n'est là qu'un aspect de l'emprise que prend non
seulement une notion mais réellement un mot sur
toute une pensée.

 

Le mot et certains de ses dérivés (l'adjectif « sériel »
au premier chef) sont omniprésents dans la
démonstration. On peut même dire qu'ils prolifèrent.
On peut même voir là l'effet d'une propriété récursive
du mot « série » qui, en somme, tend à faire ce qu'il dit
ou plus précisément à reproduire dans son
fonctionnement son signifié.

 

Pierre Boulez a-t-il conscience de l'emprise
qu'exerce le mot lui-même ? C'est difficile à dire.
Néanmoins, il est frappant de constater que dans le
cadre d'un projet encyclopédique, il aborde la notion
en soulignant... l'apparition du mot.

 

Le mot série est apparu pour la première fois sous la
plume des théoriciens viennois, quand ils ont décrit les
premières oeuvres de Schönberg; employant
conséquemment une suite de douze sons, toujours la
même, au cours d'une oeuvre déterminée. La définition
de Schönberg est la suivante : "Kompozition mit zwölf
nur aufeinander bezogenen Tönen" (composition avec
douze sons n'ayant de rapport qu'entre eux). Le
premier emploi, rudimentaire, d'une série se trouve
dans la cinquième pièce de l'opus 23 (Walzer) qui
utilise les douze sons toujours dans le même ordre,
selon des dispositions variées.

P. Boulez, in Encyclopédie de la musique

 

La série, dans Penser la musique aujourd'hui,
apparaît comme un organisme vivant, qui prolifère
non seulement par le jeu des dérivés (sériel,
sériellement, sérialime, sérialiser) mais par la
constellation des associations adjectivales formées sur
l'adjectif « sériel » : « système sériel », « structure
sérielle », « organisation sérielle », « déduction
sérielle », « fonction sérielle », « engendrement
sériel »...

La série – le mot « série » - comme il évolue dans ses
écrits théoriques, est la plus manifeste des « formes
sérielles » qu'a pu inventer Pierre Boulez.
Elle n'est pas seulement récursive mais réellement
performative : la série fait ce qu'elle dit mais pas dans
un ordre exclusivement tabulaire. Tout d'abord, dans
un ordre germinatif, organique, tantôt végétal tantôt
animal.

Nous avons esquissé, au fur et à mesure de notre
développement, les relations que pouvaient entretenir
les diverses fonctions sérielles. Il nous faut préciser,
cependant, que la série possède des caractères
intrinsèques : ils dépendent, ainsi que nous l'avons vu,
de sa structure même, des figures isomorphes qu'elle
contient, des symétries qu'elle recèle et, en
conséquence, des pouvoirs sélectifs qu'elle détient.
Mais il nous faut noter, dès à présent, qu'on ordonne
les séries entre elles suivant des caractères
extrinsèques. Ils sont de deux sortes, en dépendance de
critères que nous appellerons : critères de définition ou
de sélection, et critères de combinaison, ou
d'arrangement.

 

La notion d'engendrement conduit à une métaphore
de la fertilité, très présente chez Boulez. Il s'agit bien
du « mot série » - Boulez insiste sur ce point dans un
article d'encyclopédie repris dans Points de repère.
Ce moment est réellement le sacre de la série en
musique. Les années qui suivront verront un déclin
progressif de la notion concurrencée par d'autres
approches (musique répétitive d'un côté, spectrale de
l'autre...)

 

L'après de la série est encore prolifique puisqu'elle
conduit à la création de nouveaux adjectifs :
« postsériel » et « néosériel », dans un espace discursif
(celui de la musique contemporaine) où la série
apparaît tantôt comme un concept historique déclassé,
tantôt comme un élément accessoire de la pensée
musicale quoiqu'il garde une certaine centralité dans
la réflexion de compositeurs comme Jean-Claude
Risset.

 

Mais le mot n'a plus la fonction élucidante qu'il
avait au temps de la série généralisée. Chez Boulez, on
peut soupçonner un jeu de cache-cache, l'oeuvre
orchestral qui se déploie depuis une vingtaine
d'années s'ancre en effet profondément dans les études
sérielles des premières années, à l'image des Notations
pour orchestre et la pensée musicale de Boulez, si elle
a décentré son appareil conceptuel et l'a émancipé de
la référence sérielle, elle reste étroitement liée à une
thématique qui demeure sous-jacente quand le
compositeur évoque, par exemple, le rhizome selon
Gilles Deleuze.

 

La singularité du texte boulézien ne réside pas tant
dans la clarté de ses idées ou leur pertinence
scientifique que dans sa force poétique. En quoi Boulez
serait plus proche de Fourier que de Proudhon, soit dit
en passant. Le mot « série » est ici au coeur d'un espace
discursif qui, à bien des égards, relève de la littérature.
Et d'une sorte de littérature qui est particulièrement
active à cette époque : la critique littéraire elle-même,
texte autant que métatexte.

 

Au sein de cet espace, Boulez apparaît à la marge.
Son rapport à la littérature est affirmé (le « Prétexte »
invoque Baudelaire, Valéry autant que Debussy... dans
ses écrits). Les relations entre disciplines – littérature,
musique, art – sont une préoccupation constante chez
lui. Mais l'appareil théorique qu'il construit est assez
bigarré, si l'on y regarde de près. La série boulézienne
est structurale, c'est un fait. Elle n'est pas moins
polymorphe. Dans Penser la musique aujourd'hui, elle
englobe jusqu'au montage en série.

 

D'une structure générale, on déduira une cascade
de structures locales, chacune dépendant de la
précédente, ou une suite de structures locales
dépendant d'elle directement : relation structurelle
comparable au montage en série ou en dérivation.

PMA, p.121

 

Elle procède d'un transfert initial, de la méthode de
composition avec douze sons qui prévalait jusque là à
une notion mathématique qui, paradoxalement, se
relie moins à l'analyse ou même aux statistiques qu'à la
théorie des ensembles, qui constitue le principal
emprunt de la théorie sérielle (du moins telle que
l'expose alors Boulez) au domaine des mathématiques.
C'est ce transfert qui permet de généraliser la série.
Or, cette généralisation n'a rien de mécanique
puisque aucun des quatre paramètres ne répond aux
mêmes lois et que leur hiérarchie, si elle est à
interroger, semble répondre à des principes « psychophysiologiques
acoustiques » quasi universels.

 

Le discours boulézien ne s'inscrit pas seulement
dans une métaphoricité organique, même si cette
dimension est toujours très présente dans sa
conception de l'oeuvre musicale – et de la série ellemême,
définie par lui assez caractéristiquement
comme un « germe ». C'est également un discours
épique qui décrit une véritable conquête.

 

Toutes les méthodes de répartition à l'intérieur d'un
bloc de durée, nous leur donnerons l'extension qu'elles
méritent et les appliquerons à des complexes de
complexes, où chaque élément réparti sera non plus
une valeur simple, mais déjà un ensemble ; à partir de
là, nous construirons de vastes structures obéissant aux
mêmes principes d'organisation dans leur constitution
comme dans leur arrangement. Ces complexes de
complexes prendront pour éléments simples, ou bien
des blocs de durées, précédemment décrits, ou bien des
séries entières ou des divisions de séries ; le croisement
des diverses manières d'organiser la durée est
extrêmement fertile, il engendre une variété
inépuisable d'objets – ainsi en allait-il pour les
hauteurs.

PMA, p.62

 

A tous égards, la série apparaît comme une utopie,
elle est la promesse d'un lendemain. Le futur est
fréquent sous la plume du conférencier qui décrit,
autant que des processus compositionnels avérés, une
vision tournée vers un futur auquel permettrait seule
d'accéder la série généralisée, ouverte à l'infini de ses
propres virtualités et cependant marquée – à la
naissance – du sceau de la limite.



#515 dragon dé-bridé

dragon dé-bridé

    Rime eMBalLAnTE

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  • Une phrase ::Je m'en allais de TLP

    Et puis un arc en ciel m'a rattrapé.

    Je poste à nouveau (mais au lieu de descendre ici mes textes, maintenant j'essaie de les élever partout... RE-BONJOUR TOUT LE MONDE !!! 😎 )

Posté 31 mars 2015 - 08:58

"C'était un temps jadis la Dispute et la Guerre

Si ce n'était jadis, déjà, c'était naguère"



#516 bɔētiane

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  • Une phrase ::"Les mots sont une peinture des choses"

    boetiane.com

Posté 31 mars 2015 - 10:07

je lis, relis (depuis le 28/3, 11:45)

    c'est dense -pas inintéressant

 

Pierre Boulez à la Philarmonie

    j'ai mon ticket, près de David Bowie is^^



#517 dragon dé-bridé

dragon dé-bridé

    Rime eMBalLAnTE

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  • Une phrase ::Je m'en allais de TLP

    Et puis un arc en ciel m'a rattrapé.

    Je poste à nouveau (mais au lieu de descendre ici mes textes, maintenant j'essaie de les élever partout... RE-BONJOUR TOUT LE MONDE !!! 😎 )

Posté 01 avril 2015 - 04:01

Le perroquet qui a du bon sens se demande comment l'homme fait pour toujours savoir ce qu'il s'appretait -et donc va- justement, exactement lui dire. :lol:



#518 serioscal

serioscal

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Posté 19 avril 2015 - 07:18

Une jeune femme explique à sa voisine pourquoi elle ne sort plus le soir.

- Il y a des gens vraiment inquiétants dans ce quartier, vous savez ? L'autre fois, j'ai vu un homme avec une tronçonneuse.

- Eh bien ! Il voulait prendre le bus.

- Avec une tronçonneuse ?

- C'est logique, chère voisine ! Vous avez déjà essayé de monter dans un taxi avec une tronçonneuse ?

- C'est que je n'en possède pas.

- Vous n'avez pas de tronçonneuse ? Et vous trouvez les gens  bizarres ? Regardez-vous dans le miroir.

- Je n'en ai pas non plus.

- C'est pire ! C'est pire ! Et vous prenez souvent le bus ?

La jeune femme se gratte la tête.

- C'est votre mari, n'est-ce pas ? Mais oui, il est bizarre ! Extrêmement bizarre !

- Parce qu'il prend le bus avec sa tronçonneuse ?

- Il n'y a pas de station de bus dans cette ville, madame. Votre mari vous trompe. C'est certain.



#519 Comtoise

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Posté 19 avril 2015 - 07:52

Une jeune femme explique à sa voisine pourquoi elle ne sort plus le soir.

- Il y a des gens vraiment inquiétants dans ce quartier, vous savez ? L'autre fois, j'ai vu un homme avec une tronçonneuse.

- Eh bien ! Il voulait prendre le bus.

- Avec une tronçonneuse ?

- C'est logique, chère voisine ! Vous avez déjà essayé de monter dans un taxi avec une tronçonneuse ?

- C'est que je n'en possède pas.

- Vous n'avez pas de tronçonneuse ? Et vous trouvez les gens  bizarres ? Regardez-vous dans le miroir.

- Je n'en ai pas non plus.

- C'est pire ! C'est pire ! Et vous prenez souvent le bus ?

La jeune femme se gratte la tête.

- C'est votre mari, n'est-ce pas ? Mais oui, il est bizarre ! Extrêmement bizarre !

- Parce qu'il prend le bus avec sa tronçonneuse ?

- Il n'y a pas de station de bus dans cette ville, madame. Votre mari vous trompe. C'est certain.

 

 

Inconsistant comme l'impasse dans laquelle se trouve la France voire la planète entière



#520 serioscal

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Posté 19 avril 2015 - 08:05

La métaphysique est une spécialité allemande.



#521 Comtoise

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Posté 19 avril 2015 - 08:25

La métaphysique est une spécialité allemande.

 

Merci pour l'info Sérios

 

Venant de chez eux dans le fond ça ne m'étonne pas



#522 serioscal

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Posté 19 avril 2015 - 08:35

Ouh la la ! Tu es de mauvaise humeur aujourd'hui.



#523 Comtoise

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Posté 19 avril 2015 - 09:44

Ouh la la ! Tu es de mauvaise humeur aujourd'hui.

 

 

Sourire

 

Une bonne et belle journée à toi



#524 serioscal

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Posté 19 avril 2015 - 09:51

J'espère ne pas avoir gâché la tienne :-/



#525 AURE

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Posté 19 avril 2015 - 10:16

Ouh la la ! Tu es de mauvaise humeur aujourd'hui.

 

Il a passé ses nerfs sur Diane, Boétiane et moi.

Ça ne l'a même pas détendu...

:-)



#526 serioscal

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Posté 19 avril 2015 - 10:40

Et de deux :-)

#527 Comtoise

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Posté 19 avril 2015 - 11:45

mdr

 

Le chef et le sous chef ne sont pas content du tout

Qu'en disent le sage et la sous directrice



#528 serioscal

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Posté 19 avril 2015 - 12:28

Dans la rue, un homme se vidait de son sang. Il venait d'être poignardé.

Un couple qui rentrait d'une soirée arrosée vit le mourant et s'approcha de son corps qui tressaillait mollement.

- C'est horrible !, s'exclama l'épouse désarçonnée, cet homme va mourir ! C'est une bibliothèque qui brûle !

Son mari ramassa le couteau et répondit doctement.

- C'est vrai ! Mais le couteau nous sera bien utile demain pour découper le gigot d'agneau, tu ne crois pas ?



#529 serioscal

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Posté 19 avril 2015 - 12:55

Il doit manquer "suis" dans la première phrase.


Il manque un "s" à "méchantes" dans la même.


"Bazar" ne prend pas de "d".


Il manque un "s" à "sérieuses" dans "choses sérieuses".


Pareil pour "patates". Sinon, c'est la disette.


Même chose pour "Penseur".


Un "d" pour "visions de ce monde".


"Leur métaphysique" : il faut choisir entre le singulier et le pluriel.



#530 serioscal

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Posté 19 avril 2015 - 01:27

J'y ai pensé. Mais effectivement, il faut corriger le reste pour qu'on puisse lire "bazard" comme une sorte de mot-valise.



#531 serioscal

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Posté 28 avril 2015 - 11:01

A la terrasse, un homme manifeste son mécontentement :
- Garçon ! Il y a de l'eau dans cette série. C'est surprenant !
Et le serveur de répondre, en se curant le nez :
- Rassurez-vous, monsieur. Il pourrait y en avoir deux.



#532 Comtoise

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Posté 28 avril 2015 - 11:14

Deux eaux ou même deux séries pour noyer un pastis



#533 serioscal

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Posté 28 avril 2015 - 11:19

Le pastis s'accommode bien d'une structure sérielle, en effet.



#534 serioscal

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Posté 09 mai 2015 - 09:45

Deux hommes discutent.
- C'est très courant ici d'avoir une arme dans sa cuisine. Les gens en ont tous une.
- Ah oui ? Et qu'en font-ils ?
- Eh bien ! Ils cuisinent avec.

#535 DanielFléau

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Posté 15 juin 2015 - 02:47

Les policiers de la police judiciaire de Lille ont démantelé 2 réseaux de trafiquants d'envergure galactique.

Le premier était spécialisé dans le trafic de limaces et le second dans le blanchiment illégal d'ailes d'anges.
Au total, 17 personnes ont été interpellées, 130 kg de résine de limaces et plus de 600 000€ ont pu être saisis.

 

Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuze a adressé à l'instant ses "félicitations aux personnels impliqués: PJ, CRS et RAID"



#536 DanielFléau

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Posté 21 juin 2015 - 11:35

"Tu es belle."

Ainsi parlait Casimir à la mort. En lui disant cela il espérait la faire partir. Mais elle se rapprochait.

"Toi aussi tu es beau" qu'elle répondit.

"Mais moi je t'aime" dit Casimir, et en disant cela il espérait la repousser davantage.

Malgré lui la mort prit l'apparence d'un serpent. Elle s'enroulait autour de Casimir, épousait chacun de ses muscles, s'apprêtait à l'étouffer.

"Je ne veux pas mourir" dit Casimir, "Pas comme ça. Donne moi une chance". Alors la Mort, prenant l'aspect du sphinx prêt à s'abattre sur sa proie lui dit:

"Voilà une énigme: Je meurs le jour, je meurs la nuit." Casimir répondit, sans réfléchir:

"Alors tu es l'absence de soleil !"

La mort avait perdu, elle ne savait quoi répondre. Elle disparut du monde. Les humains vinrent remercier Casimir. Alors il leur dit:

"Personne a un tic-tac ?" 



#537 serioscal

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Posté 25 juin 2015 - 05:29

L'homme redemande à la dame :

- Mais vous n'avez pas de chien ? Même pas un petit chien ?

- Non, répond-elle. Je ne comprends pas leur langage. C'est comme vous !

- Vous ne comprenez pas ce que je vous dis ?

- Non. Je ne comprends pas ce que vous me demandez. Pourquoi un chien ?

- Eh bien, ça mange de la pâtée pour chien, un chien. Vous ne me croyez pas ?

La dame réfléchit un long moment et finit par dire, comme dépitée :

- Bah si.



#538 Comtoise

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Posté 29 juin 2015 - 10:06

Et le chien errant,

Et la pâtée à volonté



#539 Jérôme nyctalo

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Posté 30 juin 2015 - 02:47

[ Saint-Evremond - Rue du Jockey Masqué - Trottoir de droite ( quand on part de la statue de dame Vitalie Rimbaud, née Cuif ) ]

 

 

   Tous les deux ou trois mètres, le type crache par-terre, avec une farouche détermination. Il ne vise aucunement la chaussée, réservant ses projections salivaires au trottoir en pavés anciens.

    La jeune femme qui emprunte le même itinéraire, quelques pas derrière lui,semble scandalisée. Dents serrées, elle remâche visiblement son dégoût tout en sinuant souplement entre les crachats, comme pour protéger ses fins escarpins noirs d'un possible assaut de miasmes.

    Voici cependant le bout de la rue. Son feu pour piétons vient de passer au rouge. Ainsi, la jeune femme parvient-elle à la hauteur du prodigue en glaviots.

    Lequel, tête haut levée, en profite pour envoyer un nouveau jet écumeux, faible feu d'artifice.

    La jeune femme n'y tient plus:

    - Mais enfin Monsieur! Vous n'arrêtez pas de cracher! Vous n'arrêtez jamais! C'est incroyable!

    - Ah! Madame!, répond le type, il vous est facile de faire votre béjaune! Mais si je ne m'y colle pas, ce n'est pas vous qui allez le faire, avec vos petits escarpins vernis! Alors ça va bien hein!



#540 Jérôme nyctalo

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Posté 02 juillet 2015 - 10:42

   Grrraaannnd sourire, elle arrive dans la lumière de cette fin d'après-midi qui lui colle encore de si près à la peau.

   - Alors, mon chéri, mon minou à moi, ta première journée d'écriture? - sa voix, flûtis léger, frémit de fol amor.

   - Hé bien, j'ai commencé à me confectionner la panoplie pourvoyeuse d'inspiration, tu vois, une sorte de costume de super écrivain.

   - Ah! Raconte, raconte, narre-moi, dear, ta transformation en talentueux auteur!, s'échauffe-t-elle alors, tandis que ses bras, qui battent joyeusement, se souviennent d'un envol de colombes.

   - C'est simple en fait, j'ai d'abord enfilé un bleu de travail comme le faisait Gabriel Garcia Marquez avant de s'installer à son bureau; puis, par-dessus, me contorsionnant quelque peu, j'ai passé un habit de turc, tel Pierre Loti à l'écriture; enfin, je me suis faufilé dans un froc de flanelle blanche retenu à la ceinture par une cordelette, à l'instar de Balzac à la besogne. J'ai évidemment agrémenté le tout de manchettes en dentelle ainsi que Buffon à son écritoire, sans oublier le port de la cravate, pour honorer la grammaire à la manière d'Angelo Rinaldi.

    - Et?...Et?...questionne-t-elle avidement dans l'impatience rouge de ses lèvres.

    - Ainsi bardé, je suis resté à ma table de travail tout le jour sans rien manger.

    - Alors?...Alors?...s'affame-t-elle à son tour, hurlant presque, et semblant attendre que les feuillets imprimés se multiplient devant ses yeux, comme petits pains jaillis des moites mimines maintenant dévôtes de son minou en moine costumé.

   - Hm! Hé bien, j'ai obtenu un titre de cet effort prolongé: " Histoire d'amour naturelle de Madame Chrysanthème et du Père Goriot dans la loge du gouverneur au temps du choléra."

   - Oh! Merde!

   - Oui.

   Pendant de longues secondes elle giroie de guingois, puis se reprend, s'arrête, se frappe le front. Ses yeux flamboient:

   - Ah! Mon chéri, les tenues d'écriture, tu ne les as peut-être pas superposées dans le bon ordre!