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Le passé, c'est un second coeur... Henry Bataille

Posté par Cyraknow, dans poèmes en Français 15 mars 2014 · 815 visite(s)

Henry Bataille
Voici u très beau poème du poète audois Henry Bataille, originaire de Moux, tout près de chez moi, là où se tient tous les ans la Nuit de la poésie.
Henry Bataille est d'ailleurs enterré à Moux, dans un mausolée splendide gardé par une statue de la Mort tenant le coeur dont il est question dans ce poème, et semblant le déclamer, bouche ouverte. Une oeuvre saisissante et morbide, mais où la mort a tout de même une certaine grâce.
 
C'est du dernier vers de ce poème qu'Aragon disait que c'était le plus beau vers de la langue française:
"J'ai marché sur la traîne immense de ta robe".
 
Voici donc... 
  Le passé, c’est un second coeur qui bat en nous…

Henry BATAILLE 
 
Le passé, c’est un second coeur qui bat en nous…
on l’entend, dans nos chairs, rythmer à petits coups,
sa cadence, pareille à l’autre coeur, -plus loin,
l’espace est imprécis où ce coeur a sa place,
mais on l’entend, comme un grand écho, néanmoins,
alimenter le fond de l’être et sa surface.
Il bat. Quand le silence en nous se fait plus fort
cette pulsation mystérieuse est là
qui continue… Et quand on rêve il bat encor,
et quand on souffre il bat, et quand on aime il bat…
Toujours ! C’est un prolongement de notre vie…
Mais si vous recherchez, pour y porter la main,
où peut être la source heureuse et l’eurythmie
de son effluve… Rien !… Vous ne trouverez rien
sous les doigts… Il échappe. Illusion… Personne
ne l’a trouvé jamais… Il faut nous contenter
d’en sentir, à coups sourds, l’élan précipité,
dans les soirs trop humains où ce grand coeur résonne.
Le passé! Quel mot vain! C’est du présent -très flou,
c’est du présent de second plan, et voilà tout.
Il n’est pas vrai que rien jamais soit effacé.
Le passé n’est jamais tout à fait le passé.
N’avez-vous pas senti comme il rôde partout,
et tangible ? Il est là, lucide, clairvoyant,
non pas derrière nous, comme on croit, mais devant.
L’ombre de ce qui fut devant nous se projette
sur le chemin qui va, sur l’acte qui s’éveille.
Ce qui est mort est encor là qui nous précède, -
comme le soir on voit, au coucher du soleil,
les formes qu’on avait peu à peu dépassées
envoyer leur grande ombre au loin, sur les allées,
sur tout votre avenir, plaines, taillis, campagnes !
Et s’en aller toucher de l’aile les montagnes…
Ainsi, tout ce qui fut, jeunesse, enfance, amour,
tout danse devant moi sa danse heureuse ou triste.
Rien derrière !… Le groupe est là qui vole et court.
Mais j’ai beau me hâter, la distance persiste
entre nous deux… Tel je m’en vais, épris du bleu
lointain, et quelquefois si je titube un peu
ce n’est pas que le sol sous mes pas se dérobe,
c’est que parmi le soir, les yeux plein de passé,
ô toi qui vas devant, Souvenir cadencé,
j’ai marché sur la traîne immense de ta robe !

 



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