Jean Lebrau

Voici enfin l’article que j’avais promis la semaine dernière, à ceux qui avaient apprécié mon poème « Un regard moins triste », dont les deux premiers vers sont une citation tirée de Ce pays où l’ombre est un besoin, de Jean Lebrau.
 
     De Jean Lebrau, je n’avais jamais entendu ne fut-ce que le nom, avant d’emménager dans ce petit coin de l’Aude. Et pourtant… L’Aude regorge de poètes et artistes littéraires ; un véritable terroir de la littérature ! Charles Trenet, bien sûr, mais aussi Henri Bataille, André Chénier (né à Constantinople, mais élevé à Carcassonne) , Charles Cros, Joseph Delteil, Philippe Fabre d’Eglantine, Achille Mir, Henri de Monfreid,  et bien sûr Jean Lebrau.  Sans compter les autres arts, la philosophie, les sciences...
 
     L’Aude fut l’une des  terres de prédilections des troubadours. Certains de ces chantres de la chanson galante sont devenus des légendes, tels Ramon de Miraval, et le seigneur du château de Puivert était connu pour son amour de la musique et du chant. Toutes le colonnes de la grande salle de réception sont d’ailleurs ornées, en leur chapiteau, de sculptures de troubadours et d’instruments de l’époque, tels la vielle.
 
     Plus particulièrement, le petit village de Moux (500 habitants, en comptant large) est assez exceptionnel de par sa densité en personnages connus et occurrences historiques : Henri Bataille, Saint Régis, Jean Lebrau en étaient originaires ; les rois de France y sont plusieurs fois passés, certains y séjournèrent... Moux tient d'ailleurs tous les ans, le dernier samedi de juillet, une "Nuit de la Poésie", au Parc Jean Lebrau, à l'initiative de monsieur et madame Henri Montanié; monsieur Montanié étant le petit-neveu du poète. Mais de cela, je reparlerai le moment venu....
 
     Jean Lebrau, donc, pour cesser mes digressions, est né à Moux le 20 octobre 1891, et mort au même endroit le 11 octobre 1983, à une semaine de ses 92 ans.
Très tôt, il rencontra Francis Jammes, mais surtout Henri Bataille, qui l’aiguilla vers la poésie, sentant chez lui de précoces dispositions. Il l’encouragea vivement à publier, dès 1914, son premier recueil, pour lequel il écrivit une préface élogieuse.
 
     Il fut nommé au Consulat de France à Genève, mais son petit coin de Paradis lui manquait trop, et il se fit rapidement muter à la Préfecture de l’Aude ; ce qui lui permit d’autre part de se consacrer à la viticulture plutôt qu'à sa carrière, qui resta terne.
 
     Dès 1942, il fut  élu mainteneur de l’Académie des Jeux Floraux, et reçut de nombreuses distinctions, dont plusieurs fois le Prix de l’Académie Française, en 1925, 1943 (poésie) et 1950 (prose). En 1968, il en obtint même le Grand Prix de poésie.
 
     Jean aimait à se promener dans la Montagne Alaric, au pied de laquelle se trouve Moux. Il en connaissait tous les sentiers, les parfums, les arbres, qu’il célébrait dans ses poèmes courts et forts, empreints de sensualité. Son œuvre majeure demeure cependant la prose, par laquelle il décrivit les paysages  méridionaux dans des textes méditatifs et contemplatifs. Il alterna toute sa vie entre poésie et prose, et laisse un œuvre de 27 livres et recueils, dont , en prose,
Images de Moux (1926)
Ceux du Languedoc (1946)
Ce pays où l’ombre est un besoin (1950)...
 
Et, en poésie,
Le Ciel et la garrigue (1924, Prix de la Pleïade)
Couleur de vigne et d’olivier (1929)
Poèmes du Cabardès (1941)
Corbières (1959)....
 
     Il passa pourtant à côté de la notoriété qu’il méritait, car n’aimait pas faire le beau dans les salons parisiens, préférant sa campagne audoise.
 
          Et voilà donc l’histoire de ce poète par trop méconnu....

Un conseil, amis poètes : lisez-le ; sa poésie vaut un détour.