Samedi 2 février 2013 / 0486
Je suis souvent dans ces régions où la lenteur est érigée en art de vivre. Tout reste incomplet, à peaufiner un autre jour. Prêter un objet c’est attendre longtemps sa restitution. La politique prend le temps du dialogue et du long terme et si un citoyen mécontent s’avise d’aller voter, le temps qu’il arrive aux urnes, son mécontentement s’est tellement étiré qu’il en a fini par se morceler en une infinité de fragments qui n’ont plus aucun sens.
Chemin faisant, notre électeur s’est arrêté au bistrot des idées reçues. La télé était allumée. Il a appris que notre président venait de créer le ministère de l’accent traînant et que celui des affaires courantes avait été supprimé.
Assis tranquillement sous la douche des petites phrases sans importance, j’observe la clientèle nonchalante. Paysage de verres éparpillés sur le comptoir, le patron baille à l’envie. La table du fond tape une partie de carte qui durera jusqu’au soir. L’électeur s’est endormi, tête posée sur ses bras repliés. La rousse de service dont on ne sait si elle passe ou fait des passes, suit des yeux un gros bourdon qui pourrait être son père et qui rode ses lèvres au bord d’un ballon de rouge.
Rien ni personne ne transpire. Et lorsque le soir tombe, nul ne se précipite pour le ramasser. Il sera toujours bien assez tôt pour aller s’entrechoquer aux trajectoires ubuesques des gens pressés.